Marwa : les juges ordonnent la poursuite des soins

Marseille, le jeudi 9 février 2017 – Marwa est un nourrisson de 18 mois hospitalisée à l’hôpital de la Timone depuis le 25 septembre 2016, après avoir été foudroyée par un entérovirus rare. Face à la dégradation de l’état de santé de la petite fille et à l’inefficacité des traitements existant, l’équipe la prenant en charge a entamé une procédure d’arrêt des soins, à laquelle ses parents se sont opposés en saisissant le tribunal administratif. Hier, ce dernier a ordonné le maintien des soins de la petite fille.

Malgré l’état très grave de Marwa, il persisterait une lueur espoir

Les magistrats affirment par cette décision se conformer à l’esprit de la loi Leonetti sur l’accompagnement de la fin de vie. Cette dernière impose pour qu’une procédure d’arrêt des soins soit déclenchée que l’état du patient soit irréversible. Les analyses réalisées par un groupe d’experts diligenté par le tribunal paraissaient aboutir à une telle conclusion. Les spécialistes qui ont examiné Marwa ont notamment confirmé que l’enfant serait très probablement dépendante à vie d’une suppléance respiratoire. Assurant que les lésions de la petite fille sont irréversibles, ils notaient encore qu’elle serait « incapable de faire des gestes de la vie courante et de pouvoir se déplacer même en fauteuil électrique ». Cependant, les magistrats ont également souhaité se montrer attentifs aux seuls éléments engageants précisés par le rapport. Les experts ont en effet évoqué l’existence de « mouvements volontaires des paupières et du bras gauche » sans pouvoir être certains que ces derniers auguraient d’une réelle amélioration. Néanmoins, les magistrats considèrent que compte tenu de ces éléments, la procédure d’arrêt des soins pouvait être considérée comme prématurée.

L’importance de la position des parents dans un tel cas de figure rappelée

Second critère essentiel pour lancer une procédure d’arrêt des soins en vertu de la loi Leonetti, la volonté des patients. Dans le cas de Marwa, elle ne peut s’exprimer. La famille ne peut être considérée comme le relais direct de la volonté de l’enfant. Dans de nombreux cas, tels celui de nourrissons grandement prématurés, on peut constater combien il serait délétère que les familles soient dotées d’un tel pouvoir. L’équipe de la Timone n’a donc pas outrepassé ses droits en considérant que l’opposition exprimée par les parents de Marwa n’était pas de nature à empêcher l’arrêt des soins. Cependant, les magistrats font une interprétation spécifique de la loi Leonetti en estimant que « l’avis des parents » revêt dans un tel cas de figure « une importance toute particulière ».

Qu’est-ce que l’obstination déraisonnable ?

Demeure la question du risque d’acharnement thérapeutique. C’est pour éviter une telle dérive que les médecins de la Timone ont décidé d’intervenir. En l’absence de possibilité pour le patient de s’exprimer sur la nature des soins qu’il reçoit, ce sont les médecins qui établissent la frontière entre soins utiles et nécessaire et acharnement thérapeutique. Dans le cas de Marwa, « tous les critères de l’obstination déraisonnable sont réunis (…) : l’inutilité des soins, leur disproportion, le maintien artificiel de la vie » avait avancé l’avocat de l’Assistance publique/hôpitaux de Marseille (AP-HP), Olivier Grimaldi lors de l’audience fin janvier. L’avocat avait même affirmé qu’il pourrait être nécessaire de réquisitionner des médecins pour pratiquer sur Marwa des soins qui pourraient être contraires à l’éthique, en raison notamment de l’impossibilité de déterminer le niveau de souffrance infligée à la petite fille. Les experts avaient eux aussi noté la difficulté d’évaluer la douleur et l’inconfort de l’enfant. Mais les magistrats une fois encore n’ont pas totalement partagé cette analyse. « La seule circonstance qu’une personne soit dans un état irréversible de perte d’autonomie la rendant tributaire d’une alimentation d’une ventilation artificielles ne saurait caractériser, par elle-même, une situation dans laquelle la poursuite du traitement apparaîtrait injustifiée au nom du refus de l’obstination déraisonnable » ont considéré les juges, qui ont par ailleurs estimé impossible d’affirmer que les traitements étaient inefficaces. Une fois encore, par cette décision, on constate l’extrême difficulté d’apposer une définition stricte et sans équivoque aux notions d’acharnement thérapeutique et de maintien « artificiel » de la vie.

Humanité et justice

L’AP-HM se préparait à une telle décision. A l’audience Olivier Grimaldi avait estimé que s’ils s’orientaient vers une telle voie, les juges feraient le choix d’une décision humaine, plus que légaliste. Les magistrats pourtant s’en défendent assurant que leur jugement « s’inscrit dans le cadre tracé par la loi Leonetti », un cadre il est vrai sujet à de nombreuses interprétations. On ne sait pour l’heure si l’établissement choisira de faire appel.

Pour les parents, la décision des juges représente un immense soulagement.

Aurélie Haroche

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