L’étiquetage nutritionnel est-il efficace ?

Paris, le mercredi 15 février 2017 – La mise en place d’un étiquetage unique sur la qualité nutritive des aliments est on le sait l’objet de controverses et atermoiements. Non content d’avoir renoncé à faire de la mise en place d’un tel dispositif d’information une obligation, le gouvernement a en effet accepté que soit récemment réalisé un nouveau test en conditions réelles, au grand dam de ceux regrettant ce nouveau retard et considérant que les données actuelles permettent déjà de déterminer le système connaissant les meilleurs résultats.

Une efficacité limitée

Mais au-delà de la question du choix du code utilisé pour informer simplement et rapidement les consommateurs, certains s’interrogent sur l’efficacité de l’étiquetage nutritionnel pour améliorer les comportements, en vue d’un bénéfice pour la santé. Les études menées sur le sujet présentent parfois des résultats contrastés. Même les conclusions régulièrement publiées par l’Equipe de recherche en épidémiologie nutritionnelle (ERNE) très engagée dans la mise en place d’un système d’information (en l’occurrence le logo Nutriscore) mettent en évidence les limites de l’efficacité de l’étiquetage.

Des systèmes imparfaits

Aujourd’hui, l’Agence nationale de sécurité en santé (ANSES) conforte ces doutes. Chargée de se pencher sur la « pertinence en matière de nutrition de systèmes d’information nutritionnelle », l’institution dresse un bilan plutôt négatif. L’ANSES remarque tout d’abord que le réel objectif des systèmes d’information nutritionnelle (SIN) est de « réduire l’incidence des pathologies » favorisées par de "mauvais" comportements alimentaires. Or, en la matière, les travaux manquent. L'incertitude concernant l'impact des SIN sur le comportement des consommateurs résulte de leurs imperfections. « Les systèmes étudiés (cinq dispositifs également récemment évalués dans le cadre de l’expérimentation en conditions réelles, ndrl), qui intègrent sans distinction et de façon imprécise les besoins spécifiques des différents groupes de population, ne prennent pas en compte l’ensemble des variables pertinentes au regard des enjeux de santé publique liés à l’alimentation », écrit l’ANSES dans son communiqué de presse. « On s’intéresse à un aliment pris seul mais ce n’est qu’un élément du régime nutritionnel global d’un individu » complète dans le Figaro Dominique Gombert, directeur de l’évaluation de l’ANSES.

Possibles effets contradictoires

Bien sûr, les défenseurs historiques de la mise en place d’un étiquetage nutritionnel sont vent debout contre de telles conclusions. L’UFC Que Choisir, qui a mené des enquêtes sur le sujet et qui voit dans l’étiquetage un moyen notamment de déjouer les sirènes marketing des marques, s’emporte ainsi aujourd’hui : « Loin d’être une découverte, cet avis ne fait que confirmer que s’agissant d’affections de longue durée et aux origines multiples, il n’existe évidemment aucune étude disponible sur les effets potentiels de ces étiquetages » ironise l’UFC Que Choisir qui poursuit un peu rapidement : « L’ANSES ne se prononce bien évidemment pas sur l’efficacité des modèles d’étiquetage en termes d’information des consommateurs ». En réalité, l'ANSES n’élude pas totalement cette question. Elle constate ainsi que : « La capacité des SIN à orienter le comportement du consommateur au regard des objectifs de santé publique a été évaluée. Les travaux relatifs à l’effet de SIN sur le consommateur sont en nombre limité et présentent des résultats contrastés, tant sur des variables quantitatives (fréquences d’achat) que sur des variables qualitatives (compréhension de l’information et qualité nutritionnelle de l’achat). De possibles effets contradictoires sont suggérés, tels des effets de halo susceptibles de biaiser l’information perçue par le consommateur et d’induire un comportement inapproprié. Il n’existe aujourd’hui aucune donnée reliant directement la mise en place d’un SIN à des déterminants de santé » affirme l’ANSES qui montre que son observation ne se cantonne pas à la question de la réduction de l’incidence de différentes pathologies.

Renoncer ?

Dès lors, faut-il renoncer à un étiquetage nutritionnel ? Sans doute pas si cette mesure est comprise comme la manifestation d’un engagement des pouvoirs publics dans une politique de lutte contre les conséquences des "mauvais" comportements alimentaires. Sans doute, ne s’agit-il que d’une mesure d’affichage, mais un affichage qui pourrait ne pas être inutile d’autant plus à l’heure où les initiatives font souvent défaut sur ce terrain (le recours aux taxes dont une nouvelle étude publiée par PLOS confirme l’efficacité n’est notamment pas sérieusement envisagé). Cet étiquetage est destiné à créer une « transparence sur la qualité nutritionnelle des produits et de pouvoir avoir accès au choix éclairé » insiste à cet égard cité par RTL, le professeur Serge Hercberg, qui dirige l’EREN. Les conclusions de l’ANSES éclairent en tout cas d’un jour singulier les guerres larvées que se mènent depuis des mois les tenants des différents logos nutritionnels.

Aurélie Haroche

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