
Londres, le mercredi 12 avril 2017 – Charlie Gard est né le 4 août dernier très attendu de ses parents, Connie Yates et Chris Gard, un jeune coupe de trentenaire. Mais la joie a vite laissé la place à une folle angoisse : Charlie est atteint d’une forme très sévère de syndrome de délétion de l’ADN mitochondrial, dont moins d’une vingtaine de cas ont été recensés dans le monde. La maladie affecte ses muscles, ses reins et son cerveau. Son espérance de vie est très restreinte.
Un arrêt des soins recommandé
Les parents de Charlie se sont voués corps et âme à leur petit garçon demeurant aussi souvent que possible à son chevet et lui prodiguant tous les soins nécessaires. Cependant, l’équipe du Great Osmond Street hospital (GOSH) où le petit garçon est pris en charge depuis sa naissance considère aujourd’hui que la qualité de vie de l’enfant, qui ne respire pas sans ventilateur, se détériore de manière importante. Son maintien en vie risque de l’exposer à des douleurs difficiles à évaluer et potentiellement intolérables. Aussi, ont-ils recommandé à la famille d’accepter un arrêt des soins, à l’exception des traitements palliatifs.
Le plus petit espoir est déjà un espoir
Connie et Chris refusent cette fatalité. Ils sont parfaitement conscients de l’extrême gravité de l’état de leur enfant et de sa piètre qualité de vie, bien qu’ils demeurent convaincus que leur fils les reconnait. Espérant cependant pouvoir agir, ils ont pris contact avec des médecins américains qui développent actuellement un traitement expérimental dans les syndromes de délétion de l’ADN mitochondrial. Ils nourrissent l’espoir de pouvoir transférer leur enfant aux Etats-Unis afin qu’il puisse bénéficier de ce traitement totalement inédit et dont l’efficacité n’est nullement établie. « C’est une fenêtre qui s’ouvre, une petite fenêtre, mais une fenêtre néanmoins. Ce n’est pas 0 % de chance, c’est une petite chance, même la plus infime des chances est déjà une chance » a expliqué leur avocat, Laura Hobey-Hames. Pour mener à bien leur projet, les parents de Charlie sont parvenus à lever près de 1,4 millions d’euros sur internet, par le biais d’une collecte sur le site GoFundMe.
Hommage au dévouement absolu des parents
Ce mardi, la Haute Cour de Londres a cependant considéré que les médecins devaient être autorisés à ne plus prodiguer à l’enfant des soins le maintenant artificiellement en vie. C’est avec une profonde émotion que le juge Nicholas Francis, qui s’est lui-même rendu au chevet de Charlie, a dévoilé sa décision. « C’est le cœur très lourd, mais avec une conviction profonde qu’il s’agit du meilleur intérêt de Charlie, que je considère que les médecins doivent pouvoir interrompre tout traitement autre que palliatifs afin de lui permettre de mourir dans la dignité », a-t-il énoncé gravement. Le juge a ensuite rendu un hommage appuyé non seulement aux équipes hospitalières, mais plus encore aux parents. « Plus que tout, je veux remercier les parents de Charlie pour leur digne et courageuse campagne en son nom et plus encore pour leur dévouement absolu à leur magnifique garçon depuis qu’il est né ».
Une amélioration très improbable
Les parents ont accueilli par un « non » désespéré le choix du juge. Ils disposent aujourd’hui de trois semaines pour faire appel ; dans l’attente il a été décidé que les médecins ne prendraient aucune décision. Le choix des parents n’est pas encore connu a indiqué leur avocat. Leur position en faveur d’une tentative de prise en charge aux Etats-Unis pourrait être modifiée à la lueur de certains des éléments avancés ces derniers jours par les spécialistes, notamment américains, des syndromes de délétion de l’ADN mitochondrial. Le praticien américain contacté par la justice britannique a en effet considéré, que compte tenu de la sévérité du cas de Charlie, il était « très improbable » que son état s’améliore avec le traitement en cours d’élaboration, qui n’a par ailleurs jamais été expérimenté sur des sujets présentant le même type de troubles. Ces nouveaux éclairages pourraient conduire les parents à renoncer à un appel. S’ils choisissaient de ne pas transférer le petit garçon aux Etats-Unis, ils pourraient verser les sommes qu’ils ont récoltées à un organisme de recherche s’intéressant aux maladies de l’ADN mitochondrial.
Une position proche de la France, mais une justice différente
L’euthanasie active et le suicide assisté sont interdits en
Grande-Bretagne qui a connu comme en France de nombreux débats
législatifs et médiatiques sur le sujet ces dernières années. Une
plus grande souplesse est observée depuis quelque temps face aux
cas de suicide assisté (par un proche notamment). Les patients en
fin de vie peuvent par ailleurs refuser un traitement, même dans le
cas où cette opposition risque d’accélérer leur décès et les
médecins doivent respecter ce choix. Par ailleurs, l’acharnement
thérapeutique, comme on l’observe ici, est prohibé. La
Grande-Bretagne avait d’ailleurs été confrontée à un cas proche il
y a quelques années, quand les parents d’une petite fille née très
grande prématurée refusaient que leur enfant puisse ne pas être
réanimée en cas de nouvel arrêt respiratoire. La justice avait dans
ce cas là également donné raison à l’équipe médicale qui signalait
l’absence de qualité de vie du nourrisson, sourde, aveugle,
incapable de contrôler ses mouvements, nourrie avec une sonde et
présentant une importante déficience mentale. On notera encore que
les magistrats britanniques font preuve d’une appréciation
différente de la situation par rapport aux juges français. Dans le
cas de Marwa, en effet, une petite fille souffrant de graves
séquelles irréversibles après une infection virale, le Conseil
d’Etat a récemment considéré que l’existence d’un infime espoir sur
l’état de santé de l’enfant et l’opposition des parents à la
laisser mourir justifiaient d’empêcher les médecins d’arrêter les
soins. Voir Londres et mourir
Aurélie Haroche