
La pandémie de grippe à virus A/H1N1 de 2009 a permis d’identifier l’obésité comme facteur de risque d’infection, lien confirmé depuis par d’autres travaux. La question est importante, si l’on considère que les taux d’obésité ont doublé dans le monde depuis 1980 et qu’elle touche actuellement 13 % de la population adulte mondiale. Si la prévention contre la grippe passe, entre autres mesures, par la vaccination, il semble essentiel de déterminer si son efficacité est la même chez les personnes obèses et chez les non obèses.
Pour cela, une équipe états-unienne a réalisé un suivi sur 1 022 personnes vaccinées contre la grippe, durant les saisons 2013-2014 et 2014-2015. Les taux de séroconversion et de séroprotection étaient déterminés par l’analyse des sérums avant la vaccination et 26 à 35 jours après celle-ci.
Les résultats sont sans appel. Au cours des 2 saisons grippales concernées, 9,8 % des personnes obèses ont présenté une grippe confirmée ou des symptômes grippaux vs 5,1 % des personnes de poids normal soit un risque doublé de présenter une grippe en cas d’obésité (risque relatif 2,01 ; intervalle de confiance à 95 % 1,12 à 3,60).
Un taux d’anticorps pourtant suffisant
L’une des hypothèses émises pour expliquer cette différence est un échec de la séroconversion ou un taux d’anticorps insuffisant pour assurer une protection efficace. Cette hypothèse est ici battue en brèche, l’étude montrant des réponses sérologiques sensiblement identiques chez les personnes obèses et les non obèses. En prenant comme seuil un taux d’anti-hémagglutinine supérieur ou égal à 40, ce taux est atteint par plus de 70 % des participants, obèses ou non obèses. Ce même constat de défaut de protection malgré un titre d’anticorps théoriquement efficace a été fait chez les personnes âgées et les enfants, menant à s’interroger sur la nécessité d’élever le seuil définissant la séroprotection. Mais augmenter ce seuil à 80, 160 ou 230 ne modifie pas ici les résultats.
Peut-être un dysfonctionnement des cellules T
Les auteurs proposent une autre hypothèse. Le mécanisme sous jacent à cette augmentation du risque de grippe chez les personnes obèses pourrait être lié à une fonction altérée des cellules T. Malgré une robuste réponse sérologique, le dysfonctionnement des cellules T rendrait les adultes obèses plus sensibles à l’infection.
Ce mécanisme a été proposé aussi pour expliquer la sensibilité des personnes âgées.
Ces résultats suggèrent que la vaccination contre la grippe chez les personnes obèses pourrait être assurée préférentiellement par des vaccins adjuvés ou les vaccins à haute dose préconisés pour les personnes de plus de 65 ans. Cette alternative a toutefois été testée chez l’animal obèse, sans que les résultats ne soient très convaincants.
Dr Roseline Péluchon