Prix des nouveaux anticancéreux : un scandale peut en cacher d’autres !

Paris, le vendredi 27 octobre 2017 – Polémique récurrente depuis les premières alertes sur le sujet en 2013, la question du prix des nouveaux anticancéreux s’invite de nouveau dans l’actualité avec un colloque au cours duquel le Pr Thierry Philip, directeur de l’Institut curie a lancé quelques pistes qui pourraient permettre de contenir cette envolée des prix. Il a également fait part, ces jours derniers, de ses conclusions au quotidien Libération.

État des lieux et pistes de réflexion

Si le Pr Philip rappelle qu’actuellement la France n’est pas en difficulté pour financer les anticancéreux de dernière génération, il fait part de ses inquiétudes pour l’avenir : « nous sommes entrés dans un taux d’augmentation annuelle » d’un milliard d’euros précise-t-il et il souligne que la situation va rapidement devenir intenable.

Pour pallier ces difficultés futures il propose « d’imposer aux médecins pour des traitements de seconde, de troisième ou quatrième ligne, qu’ils remplissent un formulaire simple, avec des questions simples. Pourquoi le prescrivent-ils ? A qui, comment et quel est le résultat ? Pas une machine à gaz, mais un simple formulaire facile que l’on décode régulièrement. Il faut se donner les moyens de voir vite si ces nouveaux médicaments sont un progrès pour le patient et si cela marche. L’assurance maladie a le droit de savoir, pour éviter des dépenses inutiles ».
Il avance aussi et surtout la nécessité de « séparer le coût de la recherche et le coût de production. On paierait le coût de la recherche, une fois pour toutes, lors de l’obtention de l’AMM pour le médicament ».

A terme il établit deux scénarios possibles. Dans le premier cas l’échelonnement « au lieu de donner une licence sur dix ans, on la donne sur vingt ou trente… On élargit la durée des brevets. On lisse donc et, finalement, les industriels toucheront la même somme mais sur une plus longue période », le deuxième serait plus « brutal » et consisterait à intimer à l’industrie pharmaceutique « votre brevet court pendant tant de temps, mais si vous ne baissez pas les prix, on passe à la licence d’office (c’est-à-dire qu’on autorise les génériques) obligatoire et vous perdez tout ».

Il en appelle enfin à l’implication des patients, comme cela s’est fait pour le SIDA.

Des médicaments chers…à l’efficacité incertaine ?

Ces réflexions sur les prix des anticancéreux se doublent d’interrogations sur leur efficacité, comme le suggère la volonté du professeur Philip d’une meilleure analyse des conditions de prescription de ces traitements et de leur succès. Les procédures accélérées dont bénéficient de nombreux produits, justifiées par « l’urgence » ont des conséquences sur l’appréciation réelle de leur qualité thérapeutique. Une récente étude parue dans le British Medical Journal a d’ailleurs confirmé que les preuves de l’efficacité sur la survie ne sont que rarement évidentes après la commercialisation du produit.

Tout n’est pas forcement de la faute des labos !

Néanmoins, il faut rappeler que le coût élevé des traitements est justifié par le fait que de nombreux traitements relèvent de la médecine dite personnalisée et ne ciblent donc pour chacun qu’un petit nombre de patients. Par ailleurs, le prix d'un médicament ne doit pas seulement tenir compte des coûts de sa recherche et de son développement mais aussi de sa production.
 
Rappelons enfin, qu’en France, les prix des médicaments sont fixés par l’État après avis de diverses commissions et il détient donc lui aussi une part importante de responsabilité, non uniquement portée par l’industrie pharmaceutique.

Frédéric Haroche

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