AVC post-opératoire : la thrombolyse est-elle quand même possible ?

L’accident vasculaire cérébral ischémique (AVCI) peut survenir à tout instant, y compris dans les suites d’une intervention chirurgicale, ce qui n’est pas assurément le meilleur moment. En effet, la thrombolyse intraveineuse (TIV), qui a fait ses preuves dans d’autres circonstances, fait l’objet de nombreuses contre-indications, incluant notamment la période post-opératoire, tout au moins quand l’acte chirurgical est récent. Malgré cette notion, une étude a évalué les risques et les bénéfices d’une TIV réalisée à ce moment crucial chez des patients victimes d’un AVCI récent. Les cas retenus sont issus d’un registre, en l’occurrence, le Telemedical Project for Integrative Stroke Care Thrombolysis Registry, qui, entre février 2003 et octobre 2014, a comptabilisé 4 848 TIV pratiquées face à un AVC. Au sein de cette population, ont été sélectionnés 134 patients chez lesquels l’AVC est survenu dans les 90 jours qui ont suivi une intervention chirurgicale. Le principal critère de jugement a été la survenue d’une hémorragie au niveau du site opératoire. Des sous-groupes ont été constitués en fonction de l’acte chirurgical, jugé mineur ou majeur, mais aussi de son caractère plus ou moins récent (moins de 10 jours avant la TIV notamment). Ces derniers ont fait l’objet d’une analyse statistique séparée.

La question du timing

La chirurgie était récente (jours 1 à 10) chez plus d’un participant sur trois (n=49 ; 37 %) et plus tardive (J11 à 90) chez les 85 autres (63 %). Dans 86 cas (64 %), il s’agissait d’une intervention considérée comme majeure et mineure dans les autres cas (n=48 ; 36 %). Au total, une hémorragie au niveau du site opératoire est survenue chez 9 patients (7 %) dans les suites de la TIV. Dans 4 cas (3 %), il s’est agi d’un accident hémorragique sérieux, mais aucun décès n’a été in fine déploré. Une hémorragie létale a cependant été déplorée, mais elle a touché un territoire éloigné du site opératoire. La fréquence des saignements au niveau de ce dernier était nettement plus élevée en cas d’acte chirurgical récent, soit 14,3 % versus 2,4 % dans l’autre cas de figure, ce qui conduit à un odds ratio ajusté (ORA) de 10,73 (intervalle de confiance à 95 % [IC] : 1,88-61,27). En revanche, le type d’intervention, majeur ou mineur, a eu une moindre incidence sur le risque hémorragique, soit 8,1 % vs 4,2 % avec un ORA de 4,03 (IC : 0,65-25,04). La mortalité hospitalière globale a été estimée à 8,2 % et la fréquence des hémorragies cérébrales asymptomatiques à 9,7 %.

De cette étude rétrospective portant certes sur un effectif restreint, il ressort que face à un AVCI post-opératoire, la TIV peut être utilisée malgré la contre-indication que représente l’acte chirurgical récent. Le risque hémorragique semble modéré quoique réel et, de ce fait, l’indication de la TIV doit reposer sur une évaluation soigneuse et appropriée du rapport bénéfice/risque, notamment en cas d’intervention récente ou très récente (<10 jours) où le risque d’une hémorragie au niveau du site opératoire apparaît supérieur. 

Dr Philippe Tellier

Référence
Voelkel N et coll. : Thrombolysis in Postoperative Stroke. Stroke 2017 ; 48 : 3034-3039.

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