Un risque accru d’hémorragie avec les ISRS lors de la thrombolyse de l’AVC ?

Les Inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine (ISRS) sont parmi les antidépresseurs les plus prescrits en première intention, du fait de leur efficacité symptomatique, mais aussi de leur acceptabilité jugée satisfaisante par rapport à d’autres classes pharmacologiques. Ils n’en exposent pas moins à des évènements indésirables parmi lesquels un risque hémorragique faible mais souvent évoqué, qui serait lié à leur mécanisme d’action sollicitant les voies sérotoninergiques plaquettaires. Leur association aux anticoagulants oraux incite notamment à la vigilance. Compte tenu de ces éléments, il est licite de s’interroger sur les effets potentiels des ISRS sur le risque hémorragique encouru par les patients qui bénéficient d’une thrombolyse intraveineuse (TIV) en raison d’un accident vasculaire cérébral (AVC) ischémique.

C’est là l’objectif que s’est fixé une étude de cohorte multicentrique rétrospective dans laquelle 6 243 patients (âge moyen, 70,1 ± 14,0 ans ; score médian sur la National Institutes of Health Stroke Scale, 9 [5-16]), tous victimes d’un AVC aigu. La TIV a été réalisée moins de 4,5 heures après l’installation du tableau neurologique. Les données recueillies à partir de registres nationaux ont été traitées au moyen d’une analyse par régression logistique multiple. Son but était de rechercher une association éventuelle entre l’exposition antérieure aux ISRS et : (1) la survenue d’une hémorragie intracérébrale spontanée (HICs) définie selon les critères de l’ECASS II (European Cooperative Acute Stroke Study) ; (2) un pronostic fonctionnel défavorable à 3 mois (score de Rankin modifié > 2). L’analyse a pris en compte une interaction potentielle avec l’utilisation concomitante d’antithrombotiques.

Interaction entre anticoagulants oraux et ISRS dans la survenue d’une hémorragie

Au total, 266 des 6 243 patients (4,3 %) avaient été exposés aux ISRS avant la survenue de l’AVC. La fréquence des HICs a été estimée à 3,9 % (intervalle de confiance à 95 %, [IC], 3,5-4,4 % ; n = 244). Aucune association significative n’a été mise en évidence entre ISRS et HICs, l’odds ratio (OR) non ajusté étant en effet de 1,28 (IC, 0,72-2,27), et l’OR ajusté de 1,30 (IC, 0,71-2,40). Cependant, une interaction significative a été détectée entre la prise d’anticoagulants oraux à doses efficaces (international normalized ratio <1,7) et d’ISRS quant à la survenue d’une HICs (p = 0,01). De fait, cette complication s’est avérée significativement plus fréquente avec cette association, soit 23,1 % ; IC, 8,2 %-50,3 %) versus l’exposition aux seuls anticoagulants, l’OR non ajusté correspondant étant estimé à 9,04 (IC, 1,95-41,89). Par ailleurs, la prise d’ISRS avant l’AVC a été associée à un pronostic fonctionnel à 3 mois plus souvent défavorable, avec un OR non ajusté de 1,90 (IC, 1,48-2,46), versus 1,59 (IC, 1,15-2,19) pour l’OR ajusté.

Selon les résultats de cette étude rétrospective, il n’existerait aucune association significative entre l’exposition préalable aux ISRS et le risque d’HICs survenant dans les suites d’une TIV réalisée à l’occasion d’un AVC ischémique aigu. Cependant, une analyse par sous-groupe plaide en faveur d’un tel risque en cas d’association préalable entre un ISRS et un anticoagulant oral, ce qui demeure hypothétique avec une approche statistique de ce type. Quant au pronostic fonctionnel post-AVC, il est a priori le reflet de l’état neuropsychologique, notamment la dépression qui prévalait avant l’AVC, jusqu’à preuve du contraire.

Dr Philippe Tellier

Référence
Scheitz JF et coll. : Intracerebral Hemorrhage and Outcome After Thrombolysis in Stroke Patients Using Selective Serotonin-Reuptake Inhibitors. Stroke. 2017; 48 : 3239-3244.

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