Nouveaux tarifs hospitaliers : tollé des établissements publics et privés

Paris, le mercredi 28 février 2018 – C’est un numéro d’équilibriste auquel tous les gouvernements doivent se prêter ; notamment ceux, qui comme celui en place aujourd’hui, ne cessent de promettre le changement. La présentation de la dernière version d’une mesure rituelle doit être l’occasion de rappeler les volontés d’évolution et en même temps ne doit pas donner le sentiment d’une sévérité accrue et nouvelle par rapport aux actions précédentes. Ainsi, alors que les nouveaux tarifs hospitaliers s’appliqueront à partir de demain, les pouvoirs publics ont précédé cette annonce traditionnelle de nombreux signaux destinés à affirmer au monde hospitalier une réelle compréhension de son malaise et de ses attentes. A plusieurs reprises, le ministre de la Santé, Agnès Buzyn a par exemple affirmé qu’elle estimait indispensable d’ « arrêter d’obliger les hôpitaux à penser comme une entreprise qui doit faire du chiffre ». Néanmoins, du chiffre, il faudra nécessairement en faire pour compenser, comme les autres années, une baisse des tarifs.

Coefficient prudentiel : bis repetita ?

La référence aux années précédentes est claire dans le communiqué du ministère de la Santé présentant les détails des tarifs hospitaliers. L’objectif est certain : insister sur le fait que le gouvernement actuel n’a pas inventé les contraintes qui pèsent sur les établissements de santé, même s’il ne semble pas pour l’heure, au-delà des mots, préparé à y mettre fin. On peut notamment lire que « Comme chaque année, un coefficient prudentiel est (…) appliqué afin de constituer une réserve qui a vocation à être libérée en cas de respect de l’ONDAM. Ce coefficient est fixé comme en 2017 au taux de 0,7 % ». Ce rappel pourrait ne pas être considéré comme de bon augure par les intéressés, puisque fin 2017 le gouvernement a décidé de ne dégeler que 150 des 412 millions d’euros de crédits mis en réserve au titre du coefficient prudentiel, ce qui avait été fortement regretté par les établissements hospitaliers.

"Gratifications" pour la psychiatrie et l’hospitalisation à domicile

Outre cette conservation du même coefficient prudentiel, les tarifs hospitaliers sont à l’instar des années précédentes en baisse ; même si la diminution est plus faible. Ainsi, dans le secteur public, la baisse des tarifs des séjours est « limitée », insiste le communiqué, à « -0,5 % soit un taux sensiblement plus favorable qu’en 2017 (-0,9 %) et 2016 (-1 %) ». Néanmoins, l’ajout du coefficient prudentiel établit la diminution à 1,2 %. Si les tarifs globaux sont en recul, on constate cependant de nombreux bonus pour les secteurs les plus en cirse. Ainsi, « la dotation de financement (DAF) aux établissements psychiatriques augmentera de 1,1 % par rapport à la dépense réalisée en 2017 ». Le communiqué ajoute encore que « Les tarifs de certaines activités bénéficieront d’un taux plus favorables que le taux moyen d’évolution des tarifs MCO (médecine, chirurgie, oncologie) afin d’en soutenir le développement. Il s’agit notamment des activités de dialyse hors centre et de prélèvements d’organes. Il s’agit également de l’hospitalisation à domicile, dont les tarifs augmenteront de 0,7 % ».

Tour de passe-passe autour des crédits d’impôts

Fait peu fréquent, le secteur privé est moins touché que l’hôpital public, avec une baisse de 0,9 %. On constate néanmoins la persistance de ces ubuesques stratégies financières qui consistent à reprendre par une voie (la « reprise des allégements fiscaux ») ce qui est donné par une autre (le crédit d’impôt recherche). Le secteur non lucratif, enfin, est le plus fortement touché, puisqu’il devra composer avec une baisse des tarifs de 1,7 %.

Dégradation de la qualité des soins

Les fédérations des établissements publics, privés à but lucratif et privés à but non lucratif qui la semaine dernière avaient mis en garde contre l’effet désastreux de nouvelles baisses ne peuvent que se désespérer de ce programme, qui n’avait cependant pas été caché par le gouvernement, le Premier ministre les ayant en effet annoncées lors de la présentation de sa stratégie de réforme de l’hôpital public. Certains cependant prennent acte des efforts du gouvernement. La baisse est « relativement limitée (…) ce qui montre que nos préoccupations ont été prises en compte » observe par exemple la directrice générale de la fédération des établissements de lutte contre le cancer, Pascale Flamant. Mais au-delà de ce bon point isolé, c’est la désolation qui domine. Dans un communiqué publié hier, la FHF « regrette que ses alertes récurrentes, à la suite d’une année 2017 particulièrement difficile (en raison notamment d’une baisse des tarifs conjuguée à une sur-estimation de la progression de l’activité ndrl) n’aient pas été entendues ». La FHH estime que pour supporter les nouveaux tarifs sans accroître les déficits, 33 000 emplois devraient être supprimés, une solution tout à fait inenvisageable. Faisant écho à cette position, le professeur d’endocrinologie diabétologie, André Grimaldi (La Pitié Salpêtrière) qui a régulièrement été le porte-parole ces derniers mois du malaise hospitalier parle d’une stratégie « insoutenable ». Il déplore la logique qui consiste à payer les hôpitaux en fonction de leur activité et à continuellement restreindre les tarifs. Le praticien estime que cette politique a déjà des conséquences délétères avec une « dégradation de la qualité des soins dans les maladies chroniques ».

Massacre et désolation

Pour la fédération de l’hospitalisation privée, bien que légèrement moins touchée, la déception domine également. « Alors que nous avions demandé la stabilité, le gouvernement impose une nouvelle baisse. Cette politique du rabot qui n’en finit pas fragilise entre les établissements de santé », a critiqué Lamine Gharbi, président de la Fédération de l’hospitalisation privée (FHP). Enfin, pour le secteur à but non lucratif, qui a espéré en vain éviter la « neutralisation » des crédits d’impôt, c’est la désolation. Antoine Dubout, président de la Fédération des Établissements Hospitaliers et d'Aide à la Personne Privés Non Lucratifs (FEHAP) parle d’un « massacre ».

« On est encore sous le choc. Il y a une totale incompréhension (…). Qu’a-t-on fait de mal ? », s’interroge-t-il. Ainsi, l’ensemble des représentants du secteur attend avec impatience des réponses du gouvernement pour limiter les inévitables conséquences de cette politique tarifaire redoutée.

André Grimaldi reste confiant, convaincu que le ministre de la Santé est « consciente » des enjeux.

Aurélie Haroche

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Vos réactions (1)

  • Bientôt la médecine à deux balles

    Le 28 février 2018

    40 ans d'incurie, ça se paye!
    Bien sûr, il n'y a ni responsable, ni coupable.
    Tous les secteurs de la santé souffrent: public, privé à but dit lucratif et privé à but dit non lucratif.
    Vivement une grande réforme de la santé avec des acteurs légitimes et pas seulement des technocrates enfermés dans leurs bureaux, des politiques accrochés à leur réelection et des tas de comités Théodule et autres Hautes Autorités dont le service rendu devrait être évalué de façon indépendante.

    Faute de quoi, ça ne sera plus 30% des étudiants, des internes, des paramédicaux et des médecins en exercice qui seront en burn-out ou sauteront par la fenêtre.
    Un moratoire sur les contraintes serait le bienvenu...on peut rêver.

    Dr François Simonneau



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