
Coefficient prudentiel : bis repetita ?
La référence aux années précédentes est claire dans le communiqué du ministère de la Santé présentant les détails des tarifs hospitaliers. L’objectif est certain : insister sur le fait que le gouvernement actuel n’a pas inventé les contraintes qui pèsent sur les établissements de santé, même s’il ne semble pas pour l’heure, au-delà des mots, préparé à y mettre fin. On peut notamment lire que « Comme chaque année, un coefficient prudentiel est (…) appliqué afin de constituer une réserve qui a vocation à être libérée en cas de respect de l’ONDAM. Ce coefficient est fixé comme en 2017 au taux de 0,7 % ». Ce rappel pourrait ne pas être considéré comme de bon augure par les intéressés, puisque fin 2017 le gouvernement a décidé de ne dégeler que 150 des 412 millions d’euros de crédits mis en réserve au titre du coefficient prudentiel, ce qui avait été fortement regretté par les établissements hospitaliers."Gratifications" pour la psychiatrie et l’hospitalisation à domicile
Outre cette conservation du même coefficient prudentiel, les tarifs hospitaliers sont à l’instar des années précédentes en baisse ; même si la diminution est plus faible. Ainsi, dans le secteur public, la baisse des tarifs des séjours est « limitée », insiste le communiqué, à « -0,5 % soit un taux sensiblement plus favorable qu’en 2017 (-0,9 %) et 2016 (-1 %) ». Néanmoins, l’ajout du coefficient prudentiel établit la diminution à 1,2 %. Si les tarifs globaux sont en recul, on constate cependant de nombreux bonus pour les secteurs les plus en cirse. Ainsi, « la dotation de financement (DAF) aux établissements psychiatriques augmentera de 1,1 % par rapport à la dépense réalisée en 2017 ». Le communiqué ajoute encore que « Les tarifs de certaines activités bénéficieront d’un taux plus favorables que le taux moyen d’évolution des tarifs MCO (médecine, chirurgie, oncologie) afin d’en soutenir le développement. Il s’agit notamment des activités de dialyse hors centre et de prélèvements d’organes. Il s’agit également de l’hospitalisation à domicile, dont les tarifs augmenteront de 0,7 % ».Tour de passe-passe autour des crédits d’impôts
Fait peu fréquent, le secteur privé est moins touché que l’hôpital public, avec une baisse de 0,9 %. On constate néanmoins la persistance de ces ubuesques stratégies financières qui consistent à reprendre par une voie (la « reprise des allégements fiscaux ») ce qui est donné par une autre (le crédit d’impôt recherche). Le secteur non lucratif, enfin, est le plus fortement touché, puisqu’il devra composer avec une baisse des tarifs de 1,7 %.Dégradation de la qualité des soins
Les fédérations des établissements publics, privés à but lucratif et privés à but non lucratif qui la semaine dernière avaient mis en garde contre l’effet désastreux de nouvelles baisses ne peuvent que se désespérer de ce programme, qui n’avait cependant pas été caché par le gouvernement, le Premier ministre les ayant en effet annoncées lors de la présentation de sa stratégie de réforme de l’hôpital public. Certains cependant prennent acte des efforts du gouvernement. La baisse est « relativement limitée (…) ce qui montre que nos préoccupations ont été prises en compte » observe par exemple la directrice générale de la fédération des établissements de lutte contre le cancer, Pascale Flamant. Mais au-delà de ce bon point isolé, c’est la désolation qui domine. Dans un communiqué publié hier, la FHF « regrette que ses alertes récurrentes, à la suite d’une année 2017 particulièrement difficile (en raison notamment d’une baisse des tarifs conjuguée à une sur-estimation de la progression de l’activité ndrl) n’aient pas été entendues ». La FHH estime que pour supporter les nouveaux tarifs sans accroître les déficits, 33 000 emplois devraient être supprimés, une solution tout à fait inenvisageable. Faisant écho à cette position, le professeur d’endocrinologie diabétologie, André Grimaldi (La Pitié Salpêtrière) qui a régulièrement été le porte-parole ces derniers mois du malaise hospitalier parle d’une stratégie « insoutenable ». Il déplore la logique qui consiste à payer les hôpitaux en fonction de leur activité et à continuellement restreindre les tarifs. Le praticien estime que cette politique a déjà des conséquences délétères avec une « dégradation de la qualité des soins dans les maladies chroniques ».Massacre et désolation
Pour la fédération de l’hospitalisation privée, bien que légèrement moins touchée, la déception domine également. « Alors que nous avions demandé la stabilité, le gouvernement impose une nouvelle baisse. Cette politique du rabot qui n’en finit pas fragilise entre les établissements de santé », a critiqué Lamine Gharbi, président de la Fédération de l’hospitalisation privée (FHP). Enfin, pour le secteur à but non lucratif, qui a espéré en vain éviter la « neutralisation » des crédits d’impôt, c’est la désolation. Antoine Dubout, président de la Fédération des Établissements Hospitaliers et d'Aide à la Personne Privés Non Lucratifs (FEHAP) parle d’un « massacre ».« On est encore sous le choc. Il y a une totale incompréhension (…). Qu’a-t-on fait de mal ? », s’interroge-t-il. Ainsi, l’ensemble des représentants du secteur attend avec impatience des réponses du gouvernement pour limiter les inévitables conséquences de cette politique tarifaire redoutée.
André Grimaldi reste confiant, convaincu que le ministre de la Santé est « consciente » des enjeux.
Aurélie Haroche