Des substituts nicotiniques au frottis : le gouvernement met le paquet sur la prévention

Paris, le lundi 26 mars 2018 - Renforcer le rôle de la prévention, notamment en lui offrant une meilleure visibilité et une reconnaissance, est un leitmotiv repris de longue date par les décideurs publics, sans que de véritables actions concrètes aient réellement permis de passer de la bonne volonté aux solutions concrètes. Emmanuel Macron durant sa campagne n’avait cependant pas hésité à reprendre le flambeau en regrettant à de nombreuses reprises que notre système de santé n’ait pas la même performance dans le préventif que dans le curatif. Cette constatation était encore, en des termes quasiment inchangés par rapport à la campagne du printemps dernier, dans le discours d’Agnès Buzyn hier lors de son intervention sur France Inter. « En France, nous sommes très mauvais en prévention. Nous avons un système de santé qui ne finance que les soins une fois qu’on est malade et qui finance très mal les actions de prévention » a-t-elle asséné.

Du concret après le verbiage

Aussi, le gouvernement s’est-il engagé à faire de la prévention le pivot central de sa transformation du système de santé. Cependant, la présentation des grands axes de la stratégie nationale de santé en décembre dernier, qui se résumait en une longue litanie de constats et de pieuses résolutions, faisait redouter une absence, une fois encore, de véritables sursauts. Cette impression est détrompée ce matin par le plan dévoilé par le Premier ministre Édouard Philippe et le ministre de la Santé Agnès Buzyn. Celui-ci se compose en effet de multiples mesures directes (et non seulement d'intentions), dont certaines pourraient avoir une application immédiate.

Zéro alcool pendant la grossesse : un pictogramme bientôt plus gros !

Le programme suit les différentes étapes de la vie. Avant la naissance, le gouvernement veut une supplémentation systématique en vitamine B9 des femmes souhaitant avoir un enfant. Pendant la grossesse, l’accent sera mis sur la lutte contre les comportements à risque. Ainsi, le logo rappelant la nocivité totale de l’alcool pendant la période fœtale sur les bouteilles de vin sera davantage visible dès 2019. Par ailleurs, toutes les femmes enceintes devront répondre à un auto-questionnaire sur leur consommation de substances dangereuses au cours du quatrième mois de grossesse. Un portail internet, enfin, établira la liste des substances potentiellement toxiques pour l’enfant à naître.

Mieux suivre les jeunes enfants

Chez les enfants, alors que l’extension des obligations vaccinales a déjà constitué une mesure phare et qu’une nouvelle version du carnet de santé (entérinant notamment cette évolution) sera très prochainement disponible, le gouvernement prévoit la réalisation d’une expérimentation d’un parcours « santé – accueil – éducation » concernant les 0-6 ans dont l’objectif est de renforcer la participation aux consultations médicales recommandées pendant cette période. Sont également prévues des expérimentations visant à promouvoir l’exercice physique.

Responsabilité participative pour les jeunes

Le gouvernement souhaite par ailleurs mettre l’accent sur la lutte contre les pratiques à risque chez les adolescents et les jeunes adultes. Ainsi, un pass préservatif offrant une carte permettant d’obtenir gratuitement des préservatifs va être expérimenté dans les localités touchées par les plus haut taux d’infections sexuellement transmissibles (IST) chez les jeunes. Par ailleurs, les initiatives collectives positives dans les collèges et lycées contre le tabac ou la consommation excessive d’alcool ou encore pour promouvoir l’éducation physique ou l’alimentation équilibrée seront mises en avant et "récompensées".

Enfin, les pouvoirs publics entendent accroître le sens de responsabilité des jeunes générations. D’abord, on le sait, un service sanitaire sera mis en place qui concernera les étudiants en soins de santé. Mais le gouvernement se fixe également pour objectif que 80 % des jeunes soient formés aux gestes de premier secours, mais aussi qu’ils puissent mieux savoir répondre aux phénomènes de détresse psychologique. C’est une coopération interministérielle qui déterminera les modalités de cette formation des plus jeunes, qui doit être mise en place avant la fin 2018.

Substituts nicotiniques : bientôt des médicaments remboursés comme les autres

Pour les adultes, deux mesures phares ont été dévoilées. La première a été annoncée dès hier par le ministre de la Santé : les femmes qui n’ont pas réalisé de frottis depuis trois ans (soit 40 % des femmes concernées selon Santé publique France) verront cet examen remboursé à 100 %. Par ailleurs, dans le cadre de la mise en place d’un dépistage organisé du cancer du col de l’utérus, dépistage organisé évoqué depuis plusieurs années par de nombreuses institutions, les femmes devraient recevoir régulièrement des incitations à prendre part à ce programme. Second point majeur : les substituts nicotiniques seront progressivement tous pris en charge par la Sécurité sociale, au même titre que les autres médicaments. Jusqu’à aujourd’hui, les fumeurs bénéficiaient d’un forfait de prise en charge à hauteur de 150 euros par an. La situation va évoluer vers une prise en charge plus globale des produits ; selon des modalités (taux, nombre) qui demeurent à préciser. Néanmoins, le changement devrait être rapide puisque dès cette semaine « un premier produit sera inscrit (…) au remboursement » a signalé Édouard Philippe sans cependant donner plus d’indication.

On retiendra également que forts des bons résultats constatés (une multiplication par quatre du nombre de personnes vaccinées dans certaines des localités ayant participé à l’expérimentation), la vaccination contre la grippe en officine sera généralisée. Le gouvernement s’est par ailleurs donné pour objectif une disparition de l’hépatite C à l’horizon 2025 grâce notamment à un accès facilité au traitement. Enfin, des dispositions concernant les personnes handicapées destinées à améliorer leur prise en charge et les personnes âgées pour retarder l’entrée dans la dépendance sont prévues.

Impossible unanimité

Satisfaisant les observateurs qui pouvaient s’inquiéter de nouvelles dispositions filandreuses, ces mesures seront probablement néanmoins critiquées par ceux qui attendaient une plus grande reconnaissance du rôle des différents professionnels de santé ou qui souhaitaient que des mesures innovantes soient mises en avant (comme le vapotage).

Aurélie Haroche

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