Homéopathie : Agnès Buzyn favorable à une évaluation médicale
Paris, le jeudi 24 mai 2018 – Et si finalement la tribune dirigée
contre les "fake medecine" et parmi elles l’homéopathie avait des
conséquences concrètes ? La publication de ce texte initialement
signée par 124 professionnels de santé dans le Figaro a d’abord été
froidement accueillie : beaucoup ont préféré se concentrer sur
l’âpreté du texte plutôt que d’étudier les questions de fond
soulevées, à savoir l’absence totale de preuve scientifique de
l’efficacité de l’homéopathie. Du côté des institutions, une
certaine réserve parfois teintée d’agacement face au retour de ce
débat avait été constatée. Ainsi, l’Ordre des médecins s’était
irrité de comportements anti confraternels préférant ainsi plutôt
cibler les auteurs de la tribune que les férus d’homéopathie,
tandis qu’Agnès Buzyn avait tenté un numéro d’équilibriste.
Tout en reconnaissant l’absence d’efficacité de l’homéopathie, elle
avait constaté l’attachement des Français à cette pratique et jugé
que l’effet placebo n’était sans doute pas inintéressant à
exploiter.
Sucre
Pourtant, le débat n’était pas clos. Les observations des
signataires du texte contre les "fake medecine" semblent en effet
avoir ouvert une brèche chez ceux qui, déjà convaincus de
l’inutilité de l’homéopathie, cherchaient une façon "douce" de
remettre en cause cette médecine. Ainsi, changeant quelque peu sa
façon d’envisager la situation, le ministre de la Santé, Agnès
Buzyn a indiqué ce matin sur France Inter que dans le cadre du
débat qu’elle souhaitait ouvrir cet été sur le remboursement des
médicaments en fonction de leur utilité, l’homéopathie ne pourrait
être laissée de côté. « Le débat sur le remboursement est
ouvert. L’homéopathie n’a jamais été évaluée médicalement. Il faut
l’évaluer » a-t-elle signifié clairement. Sur Twitter, cette
sortie a été remarquée. Parfois avec une certaine ironie. « On a
décidé de rembourser l’homéopathie sans aucune évaluation
scientifique » a déploré le ministre de la Santé. « Faux !
Vous avez décidé de rembourser du sucre en ignorant les milliers
d’études scientifiques dans le domaine qui pointent toutes vers une
seule réponse : efficacité pas supérieur au placebo », rétorque
un utilisateur de Twitter.
Rupture d’équité
De fait, proposer une évaluation des traitements homéopathies
comparable à celle des autres médicaments suppose inévitablement un
déremboursement. Déjà, en 2004, au moment de la baisse du taux de
remboursement de nombreux médicaments au service médical rendu jugé
faible qui avait conduit à réduire le niveau de prise en charge de
l’homéopathie à 35 %, la Haute autorité de Santé (HAS) s’était
retrouvée face à une impasse. « Il n’était pas possible à la HAS
de proposer le remboursement des médicaments homéopathies, pour
deux raisons : ils n’ont pas une indication précise, et ils n’ont
pas fait la preuve scientifique de leur efficacité à un niveau
équivalent à celui exigé pour les autres médicaments. Ce qui
m’étonnait, c’est que le niveau de preuve élevé d’efficacité que
l’on exige des médicaments classiques n’ait jamais été demandé à
l’homéopathie. Il y a manifestement rupture d’équité »,
commente aujourd’hui Gilles Bouvenot dans le Monde, qui était en
2004 président de la commission de transparence de la HAS.
L’effet placebo, un leurre !
Seule brèche possible pour ceux qui défendent l’homéopathie :
faire reconnaître l’intérêt du fameux effet placebo, invoqué par
beaucoup, y compris par le ministre de la Santé, voire même par
certains membres de l’Académie de médecine qui se refusent à être
aussi sévères que la position officielle de l’institution, qui une
nouvelle fois interrogée par l’Ordre des médecins, continue à juger
inepte le remboursement de cette « méthode » qui repose sur
des « a priori conceptuels dénués de fondement scientifique
». Encore faudrait-il que l’effet placebo ait une efficacité
supérieure à l’absence de traitement, ce qui reste à prouver. Dans
une tribune relayée par Le Point et France TV, Olivier Desrichard,
professeur de psychologie à l’université de Genève cite plusieurs
études qui ne permettent pas de mettre en évidence une supériorité
du placebo sur l’inaction. « Des études évaluant des traitements
placebos par cette méthode sont régulièrement publiées. Deux
chercheurs de l'institut Cochrane nordic à Copenhague (Danemark),
Asbjørn Hróbjartsson et Peter Gøtzsche, les recensent depuis 2001.
Ils en fournissent les méta-analyses les plus complètes. Leurs
résultats montrent que, dans la majorité des cas, les interventions
placebos ne se différencient pas de l'absence de traitement.
Lorsque des différences sont observées pour certaines catégories
d'études (par exemple les études où ce sont les patients qui
reportaient eux-mêmes l'évolution de leurs symptômes), celles-ci
sont faibles et cliniquement insignifiantes. La conclusion de ce
travail est claire : dans la vie réelle, il ne suffit pas de donner
un placebo pour produire un effet placebo. Sur cette base, on peut
penser que les médecins qui recourent à un placebo se leurrent
quant à ses effets thérapeutiques sur le patient. Les conditions ne
sont pas forcément réunies pour que ceux-ci se produisent. Pour en
revenir au cas spécifique de l'homéopathie, cette médecine non
conventionnelle n'a été que rarement comparée à une absence de
traitement. En 2013, la biologiste Claire Haresnape, chercheuse à
l'université de Londres, ne recensait que trois études de ce type.
Le nombre est trop faible pour en tirer des conclusions et de
nouvelles études devraient être menées. Cependant, l'étude citée
plus haut ainsi que celle publiée en 2007 par une équipe de la
faculté de médecine de Grenoble concluent, déjà, à l'équivalence
entre homéopathie et absence de traitement. Une indication peut
également être tirée des méta-analyses danoises, qui affinent les
différentes interventions placebos par catégorie. Celle des
interventions pharmacologiques, dans laquelle se rangerait
l'homéopathie, ne parvient pas plus que les autres à démontrer une
efficacité cliniquement significative. Ainsi, ceux qui cherchent à
donner un appui à l'homéopathie à travers l'effet placebo
s'appuient sur une base scientifique très fragile. Car
l'utilisation de l'effet placebo dans un contexte de soins n'a pas
encore passé avec succès l'épreuve des faits » analyse le
spécialiste.
Convaincre qu’il n’y a pas toujours quelque chose à faire
L’évocation de l’utilité du placebo semble donc principalement
valoir dans un contexte où l’on considère inévitable la
prescription pour répondre aux attentes des malades et préférable
alors d’éviter l’exposition à des substances inutiles plus
"toxiques". Mais ici, peut-être que la pédagogie serait un chemin
plus logique que le recours à des acrobaties intellectuelles
difficilement soutenables. Affaire à suivre.
Madame Agnès Buzyn a beau être favorable à une évaluation, cela ne change rien pour l'homéopathie qui rend beaucoup de menus services -quelquefois de grands services- aux patients. Il faut finir par comprendre qu'il s'agit simplement d'un outil thérapeutique supplémentaire mis à la disposition des médecins qui ont pris la peine d'apprendre à l'utiliser.
Dr Bernard Albouy
Kissel et Barrucand
Le 25 mai 2018
Après avoir lu et relu le livre Placebo de Kissel et Barrucand . Tout compte fait et quitte à choquer certains qui n’ont pas lu ce livre essentiel quelques réponses à des questions pratiques.
Est-ce que le placebo est supérieur à l'inaction ? Oui probablement ! Puisque le placebo est compris par le patient comme une tentative de soulagement par le médecin (placebo du latin placere = je le prescris pour vous être agréable) par le médecin, quand l'inaction de ce dernier peut décourager son malade.
Est-ce que le placebo peut avoir des effets supérieurs à la molécule vérifiée active du point de vue pharmacologique ? Cela peut arriver sachant qu'il ne peut pas y avoir d'effets secondaires dans le premier, inactif par définition, quand les effets indésirables sont souvent légion dans le second, source de nocebos qui se mettent au premier plan.
Faut-il dérembourser le placebo ? Non ! L'effet placebo existe d'autant plus que la dépense du malade est grande. Rembourser à 100 % un placebo bon marché coûtera moins cher qu'un médicament onéreux quoiqu’actif sur le plan pharmacologique. Mal le rembourser c’est ruiner l’effet placebo.
Bien entendu ces prescriptions de placebos doivent être réduites à des situations de malaises réductibles de façon spontanée et non à de véritables maladies.
Dr JD
Catalyser un effet placébo par une approche humaniste
Le 25 mai 2018
"L'absence de preuve n'est pas la preuve de l'absence" Les experts désignés ou auto désignés ne détiennent que leur vérité, ce qui n'est pas pour autant "la vérité". A titre personnel, je pense que l'effet placébo dépend du thérapeute, de sa pratique, de son écoute, de son charisme. Dans ce contexte il est plus que probable que les études citées dans l'article comportent de nombreux biais et facteurs de confusion difficiles à repérer. L'article me paraît orienté.
Catalyser un effet placébo par une approche humaniste ou donner "froidement" de l'eau sucrée sans accompagnement n'a pas forcément le même effet...