SAE : un système limité et truffé d’erreurs ?
Dès la publication de ces chiffres jeudi dernier, de nombreux responsables ont invité les Français à garder leur distance avec ces informations dont l’Assistance publique des hôpitaux de Paris (AP-HP) ou encore le patron de Samu Urgences de France, le docteur François Braun. A ces voix, s’est notamment ajoutée ce week-end celle de la DGOS. Les motifs de contestation sont en effet multiples. Ils concernent tout d’abord la fiabilité des données de la SAE. Ces dernières ne sont nullement exhaustives : le Point relevait d’ailleurs que plusieurs SAMU n’avaient pas fourni leurs informations. Or, ces lacunes n’auraient pas été prises en compte dans le bilan final du Point, selon la DGOS. Par ailleurs, certains établissements ont pu signaler des difficultés techniques susceptibles de grever d’erreurs les chiffres définitifs. On sait que les pannes de logiciel sont régulièrement rapportées (le CH de Perpignan a indiqué qu’il avait été victime d’importants dysfonctionnements). La DGOS précise par ailleurs que les données de la SAE « sont déclaratives et ne font pas encore l’objet d’un recueil uniformisé et informatisé, ce qui sera le cas au terme du déploiement du programme SI-Samu (futur système d’information des SAMU) ». Des améliorations sont donc attendues et certaines ont déjà été mises en œuvre. Ainsi, le CH du Mans a fait remarquer que depuis l’année 2016, il s’est « doté de nouveaux moyens informatiques qui permettent d’extraire des données plus fines et d’apporter ainsi un correctif aux données de 2016 et de donner les vrais chiffres ».Des efforts constants et partagés
Outre les limites liées à la qualité de la SAE, les critiques concernent les interprétations faites par Le Point. La DGOS, à l’instar de François Braun ou de l’AP-HP, insiste sur le fait qu’il n’y a pas « 4,6 millions de nos concitoyens qui essaient d’appeler le SAMU et qui n’arrivent pas à le joindre ». Erreurs et appels multiples doivent être pris en compte pour offrir une appréciation plus juste de la situation rappelle la DGOS qui ajoute encore que « le suivi de la qualité dans les SAMU se complète (…) d’analyses qualitatives du respect des procédures en place, de revues de morbi-mortalité ». Aussi, face à ces différentes « erreurs de méthodologie et de raisonnement », la DGOS invite à la plus grande « prudence » quant à l’utilisation des chiffres. Cette mise au point de la DGOS fait écho aux réactions de plusieurs SAMU qui ont tenu à rappeler les importants efforts déployés pour continuer à assurer un service de qualité en dépit d’un nombre toujours croissant d’appels (et parfois de difficultés de recrutement). Ainsi, le CHU de Grenoble, qui lui aussi signale que des erreurs techniques ont faussé les résultats affichés par le Point, signale que son SAMU « n’a de cesse d’améliorer ses performances dans un contexte tendu d’augmentation continue du nombre d’appels (18 % d’augmentation depuis le début de l’année 2018 par rapport à l’an dernier). En dépit de cette hausse importante du nombre d’appels, le taux d’appels décrochés s’est amélioré en 2018 (+3 %), résultat d’une politique volontariste », qui s’est traduite par l’emploi de nouveaux agents.Tout va bien... mais une réforme est néanmoins en cours
En dépit des multiples réserves formulées sur le bilan du Point, beaucoup concèdent néanmoins que les difficultés existent et parfois même s’aggravent au sein des SAMU, comme l’illustrent les importantes disparités constatées. C’est d’ailleurs pour y répondre que les urgentistes ont été, au lendemain de la mort de Naomi Musenga, invité à formuler différentes propositions pour améliorer la régulation médicale. Ces dernières devraient constituer la base d’une réforme qui sera prochainement présentée par le ministère de la Santé comme le confirme la DGOS et qui complètera le « programme ambitieux de modernisation des moyens informatiques et téléphoniques des SAMU » précisent les autorités.Aurélie Haroche