Classement des SAMU par le Point : la DGOS invite à la « prudence »

Paris, le mardi 28 août 2018 – Le magazine Le Point a-t-il associé sa voix au phénomène de "Samu-bashing" né après la révélation du décès d’une jeune Strasbourgeoise dont l’appel désespéré n’avait pas été pris au sérieux par un agent de régulation médicale du Samu ? C’est ce que semble déplorer la Direction générale de l’offre de soins (DGOS) après la publication par l’hebdomadaire d’un classement des SAMU qui s’appuie sur les données de la statistique annuelle des établissements de santé (SAE). Selon l’analyse réalisée par Le Point, seuls vingt SAMU en France décrochent 99 % des appels, tandis que la moyenne d’appels traités ne dépasse pas 84 %. Parmi les plus mauvais élèves, on retrouverait Pointe-à-Pitre (42,7 % d’appels décrochés) et Paris (49,8 %). Au total, pour l’année 2016, le Point estimait que 4,6 millions d’appels n’avaient pas trouvé de réponse.

SAE : un système limité et truffé d’erreurs ?

Dès la publication de ces chiffres jeudi dernier, de nombreux responsables ont invité les Français à garder leur distance avec ces informations dont l’Assistance publique des hôpitaux de Paris (AP-HP) ou encore le patron de Samu Urgences de France, le docteur François Braun. A ces voix, s’est notamment ajoutée ce week-end celle de la DGOS. Les motifs de contestation sont en effet multiples. Ils concernent tout d’abord la fiabilité des données de la SAE. Ces dernières ne sont nullement exhaustives : le Point relevait d’ailleurs que plusieurs SAMU n’avaient pas fourni leurs informations. Or, ces lacunes n’auraient pas été prises en compte dans le bilan final du Point, selon la DGOS. Par ailleurs, certains établissements ont pu signaler des difficultés techniques susceptibles de grever d’erreurs les chiffres définitifs. On sait que les pannes de logiciel sont régulièrement rapportées (le CH de Perpignan a indiqué qu’il avait été victime d’importants dysfonctionnements). La DGOS précise par ailleurs que les données de la SAE « sont déclaratives et ne font pas encore l’objet d’un recueil uniformisé et informatisé, ce qui sera le cas au terme du déploiement du programme SI-Samu (futur système d’information des SAMU) ». Des améliorations sont donc attendues et certaines ont déjà été mises en œuvre. Ainsi, le CH du Mans a fait remarquer que depuis l’année 2016, il s’est « doté de nouveaux moyens informatiques qui permettent d’extraire des données plus fines et d’apporter ainsi un correctif aux données de 2016 et de donner les vrais chiffres ».

Des efforts constants et partagés

Outre les limites liées à la qualité de la SAE, les critiques concernent les interprétations faites par Le Point. La DGOS, à l’instar de François Braun ou de l’AP-HP, insiste sur le fait qu’il n’y a pas « 4,6 millions de nos concitoyens qui essaient d’appeler le SAMU et qui n’arrivent pas à le joindre ». Erreurs et appels multiples doivent être pris en compte pour offrir une appréciation plus juste de la situation rappelle la DGOS qui ajoute encore que « le suivi de la qualité dans les SAMU se complète (…) d’analyses qualitatives du respect des procédures en place, de revues de morbi-mortalité ». Aussi, face à ces différentes « erreurs de méthodologie et de raisonnement », la DGOS invite à la plus grande « prudence » quant à l’utilisation des chiffres. Cette mise au point de la DGOS fait écho aux réactions de plusieurs SAMU qui ont tenu à rappeler les importants efforts déployés pour continuer à assurer un service de qualité en dépit d’un nombre toujours croissant d’appels (et parfois de difficultés de recrutement). Ainsi, le CHU de Grenoble, qui lui aussi signale que des erreurs techniques ont faussé les résultats affichés par le Point, signale que son SAMU « n’a de cesse d’améliorer ses performances dans un contexte tendu d’augmentation continue du nombre d’appels (18 % d’augmentation depuis le début de l’année 2018 par rapport à l’an dernier). En dépit de cette hausse importante du nombre d’appels, le taux d’appels décrochés s’est amélioré en 2018 (+3 %), résultat d’une politique volontariste », qui s’est traduite par l’emploi de nouveaux agents.

Tout va bien... mais une réforme est néanmoins en cours

En dépit des multiples réserves formulées sur le bilan du Point, beaucoup concèdent néanmoins que les difficultés existent et parfois même s’aggravent au sein des SAMU, comme l’illustrent les importantes disparités constatées. C’est d’ailleurs pour y répondre que les urgentistes ont été, au lendemain de la mort de Naomi Musenga, invité à formuler différentes propositions pour améliorer la régulation médicale. Ces dernières devraient constituer la base d’une réforme qui sera prochainement présentée par le ministère de la Santé comme le confirme la DGOS et qui complètera le « programme ambitieux de modernisation des moyens informatiques et téléphoniques des SAMU » précisent les autorités.

Aurélie Haroche

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Vos réactions (2)

  • Responsables mais jamais coupables

    Le 29 août 2018

    Les Samus sont débordés.
    Vieux medecin, j'ai connu cette époque où l'appel suivi de la visite du médecin généraliste était la solution à de multiples appels qui engorgent les services d'urgence et les samu.
    Qui a limité par force d'incitations et de contraintes à bloquer ces visites; c'est la Sécu.
    Qui parle aujourd'hui des décisions désastreuses initiées par les responsables de la Sécu et des ARH ARS : le numérus clausus imbécile qui ne tient pas compte de la démographie locale, l'internat national classant et les migrations secondaires des medecins qui retrouvent leur régions d'origine ou les grandes metropoles surtout au sud de la Loire.
    Quand un medecin se trompe les medias sonnent l'hallali.

    Pourquoi n'y a t-il pas d'audit indépendant de ces strutures qui se plantent mais dont les chefs sont responsables mais jamais coupables.

    Dr Y Beral

  • Revoir les urgences selon d'autres modèles

    Le 30 août 2018

    Bien vu Dr Y Beral !

    Si l'Assurance maladie ne nous avait pas petit à petit privé de nos libertés par des conventions inacceptables, nous serions comme dans un certain pays voisin en bien meilleure situation. Lequel interdit aux patients de se présenter dans les hôpitaux sans être au préalable passés par les généralistes et ou les spécialistes libéraux. Ces premiers consultés sont capables de régler de nombreux problèmes sans attendre des heures. S'ils ne le sont pas ils doivent présenter le cas sous la forme d'une lettre. Bien entendu les vraies urgences sont reconnaissables et peuvent se présenter dans les services hospitaliers. Ce n'est pas bien malin de les reconnaître !

    Dr JD

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