Plan santé : une impulsion globalement appréciée mais un désir de détails
Paris, le mardi 18 septembre 2018 – Très largement dévoilée la
veille, la réforme du système de santé a été officiellement
présentée hier par le Président de la République. Réorganisation de
la structuration des soins, redéfinition des modes de financement
et concentration autour d’un temps médical retrouvé pour les
soignants ont été les lignes centrales de ce programme. La majorité
des acteurs ont salué son ambition globale et ont reconnu que se
dessinait un plan majeur. « Ce n’est pas une énième réforme de
l’hôpital : c’est bien l’ensemble du système de santé qui devra
évoluer » constate de façon positive la Fédération hospitalière
de France (FHF). L’organisation approuve également le fait que la
réforme place « la pertinence des actes et des soins au centre
du système ». De son côté, la Mutualité française a salué «
l’ambition affichée de la réforme annoncée », tandis que la
CFDT s’enthousiasme : « La priorité donnée au service rendu, à
la continuité et la permanence des soins place les patients au cœur
du dispositif ». Le Syndicat des médecins libéraux (SML) lui
fait écho en notant que « la réforme part des besoins des
patients et cela change tout ».
Quelques bémols dénotent cependant. Ainsi, la CGT déplore que ce
qui a été proposé « ne répond en rien au besoin d’une
reconstruction de notre système de santé ».
Une architecture séduisante, une décoration à
peaufiner
Au-delà de l’appréciation générale, de nombreuses mesures ont
soulevé de multiples commentaires, souvent positifs. Le monde
libéral, qui avait un temps redouté un plan trop hospitalo-centré,
se montre notamment satisfait sur plusieurs points. L’annonce
de la création d’assistants de santé a ainsi été très appréciée,
même si beaucoup attendent les détails concernant les conditions de
financement. « Ils permettront aux médecins de gagner un temps
médical précieux » se félicite ainsi le président du
Regroupement autonome des généralistes jeunes installés et
remplaçants, le docteur Yannick Schmitt. Rappelant qu’il défend
depuis très longtemps cette mesure, le patron de MG France, Jacques
Battistoni prévient néanmoins : « Pour nous la discussion et la
négociation vont commencer sur les modalités d’application ».
Le déploiement des communautés professionnelles territoriales de
santé est également observé comme un élément positif. La FHF espère
déjà qu’elles « seront des interlocuteurs privilégiés pour les
coopérations futures ». De son côté, le SML salue également
l’initiative, tout en mettant en garde quant au risque qu’elles ne
deviennent « des monstres de bureaucratie ». Si l’impression
est donc plutôt positive en ce qui concerne les libéraux, les
pharmaciens et plus encore les infirmiers se sentent pour leur part
les grands oubliés de ce plan.
Pas d’illusions à l’hôpital
A l’hôpital, l’humeur est plus mitigée. Ce sont surtout les
libéraux qui notent des points encourageants dans ce secteur:
Jérôme Marty, patron de l’Union française pour une médecine libre
(UFML) tient par exemple à saluer le renforcement du pouvoir des
commissions médicales d’établissement. Mais chez les représentants
des hospitaliers, le ton est plus inquiet. Si l’absence de
suppression des hôpitaux de proximité aurait pu faire illusion,
beaucoup ne s’y trompent pas. « La fermeture des services se
poursuit, c’est ce à quoi on pouvait s’attendre (…). Sur les
hôpitaux de proximité (…) nous n’en avons pas la même définition :
ce que propose le gouvernement s’apparente plus à des hôpitaux
locaux, consacrés à la gériatrie », pressent la présidente de
la coordination des comités de défense des hôpitaux et maternités
de proximité. Plus optimiste, le syndicat REAGJIR se dit «
réceptif à cette proposition qui s’inscrit dans le cadre d’un
travail collaboratif autour du patient ». Par ailleurs, si les
annonces concernant l’amélioration de la collaboration entre ville
et hôpital ont été appréciées, l’absence d’un volet entièrement
dédié à la psychiatrie et de mesures majeures pour «
simplifier » la vie à l’hôpital sont regrettées par la FHF.
Quel argent ?
Tous surtout se rejoignent sur le flou qui demeure largement
sur la question du financement. Le desserrement de l’ONDAM est la
promesse de budgets moins contraints et l’annonce d’un
assouplissement de la tarification à l’activité était très attendue
; mais des précisions importantes manquent. « Les tensions
financières que vivent aujourd’hui les hôpitaux » demeurent
prévient la FHF qui réclament « à nouveau un moratoire sur la
baisse des tarifs en 2019 ». Christophe Prudhomme, de
l’Association des médecins urgentistes de France (AMUF) est plus
cru : « L’hôpital on le laisse crever dans son coin », quand
la CGT aurait attendu un engagement plus franc : « Ce sont 100
000 emplois pour l’hôpital et 200 000 pour les EHPAD et les
services à la personne dont nous avons besoin immédiatement »,
or « Aucun moyen financer ou si peu n’accompagne le plan ».
En ville, également, les questions budgétaires inquiètent. Quand il
ne s’agit pas, comme au SML ou à l’UFML, de refuser les critiques
systématiques adressées au paiement à l’acte, on remarque « Les
grandes interrogations nous concernant sont (…) le mode de
rémunération des professionnels de santé et des établissements
» écrit sans nuance REAGJIR.
On le voit, un important travail attend encore les tous les acteurs
concernés et le ministère de la Santé.
Il s'agit plutôt d'un plan-médecine que d'un plan santé. Le gros des mesures concernent la médecine libérale et pour comprendre pourquoi il suffit de rappeler que ceux qui ont travaillé dessus sont, pour le plus grand nombre, issus de grandes écoles et demeurent dans les quartiers les plus chic de la capitale, comme il se doit. Ils ont quelques inquiétudes sur le résultat des élections européennes, et, en bon conservateurs qui pensent toujours dans le cadre de la société d'avant guerre, ils sont persuadés que les médecins "prescrivent" le vote des citoyens (un peut comme les curés ou les instituteurs).
Mais, et heureusement, les médecins libéraux écoutent plus qu'ils influencent. Et leurs patients ont fort à dire sur leurs difficultés à vivre, la déshérence du système hospitalier ou la part grandissante des dépenses du foyer pour leur santé. Quand aux hôpitaux publique, il faut désormais trouver de nouvelles façon de s'en débarrasser ou attendre (…) pour reprendre les fermetures.