En France, le cancer reste une des causes principales de
mortalité. Parmi les facteurs de risque environnementaux,
l’exposition, notamment professionnelle, à diverses classes de
pesticides est régulièrement mise en cause. La littérature médicale
comporte, de fait, de nombreuses publications mentionnant un lien
possible entre carcinogénèse et exposition aux pesticides, même à
faibles concentrations. La plus récente a été largement reprise
dans les médias grands publics puisqu’elle suggère une réduction du
risque de cancer grâce à l’alimentation bio. C’est de cette étude
dont il va s’agir ici.
La consommation d’aliments issus de l’agriculture biologique,
n’autorisant l’emploi ni de fertiliseurs synthétiques, ni de
pesticides, ni d’organismes génétiquement modifiés et restreignant
l’utilisation de médicaments vétérinaires, est en forte croissance
dans les pays européens. Selon l’Autorité de Sécurité Sanitaire
Européenne, en 2018, 44 % des aliments produits de façon
conventionnelle et, seulement, 6,5 % de ceux issus de l’agriculture
biologique contiendraient des résidus quantifiables de pesticides.
Jusqu’ici, une seule étude avait analysé l’association entre
consommation « bio » et risque de cancer et décelé un risque
moindre de lymphomes non hodgkiniens (LNH).
Exploitation des données de la cohorte French
Nutrinet-Santé
Dans cette nouvelle étude J. Baudry et collaborateurs ont
analysé, de façon prospective, chez des adultes français,
l’association entre alimentation bio et risque de cancer. Ils ont
pris pour base les données de la cohorte French
Nutrinet-Santé, recueillies entre le 10 Mai 2009 et le 30
Novembre 2016. Cette cohorte, démarrée en 2009, a pour but de
préciser au mieux les associations entre nutrition et santé. Ses
participants étaient volontaires, tous issus de la population
générale française. Ils devaient remplir un questionnaire
détaillant leurs caractéristiques sociodémographiques et
anthropométriques, leur mode de vie, leur état de santé, leur
activité physique, leurs habitudes alimentaires et leur statut
vis-à-vis du tabac. Ils fournissaient, en autre, des précisions sur
la fréquence de consommation de 16 produits issus de l’agriculture
biologique : fruits, légumes, à base de soja, produits laitiers,
viandes et poissons, œufs, légumineuses, pain, farines, huiles
végétales et condiments, produits prêts à l’emploi, café, thé,
tisanes, vins, bières, chocolat, sucreries et confitures, autres
nutriments et suppléments diététiques. Il a été procédé à un
classement par fréquence d’utilisation : constante, occasionnelle
ou nulle, quelle qu’en soit la raison (prix, produit bio non
disponible, sans raison spécifique…). Une note a été donnée pour
chacun des 16 types d’aliments retenus allant de 2 (utilisation
fréquente) à 1 (consommation occasionnelle), voire 0 (non
utilisation), afin d’établir un score allant de 0 à 32. La
consommation était étudiée sur des périodes de 24 heures couvrant 2
jours de semaine et un jour de week-end. Au cours du suivi, tous
les cancers ont été répertoriés en dehors des carcinomes
basocellulaires cutanés.
La cohorte est composée de 68 946 adules volontaires avec un
suivi moyen (DS) de 4,56 (2,08) ans ; le taux d’abandon en cours
d’étude s’établit à 6,7 % ; 78 % sont des femmes ; l’âge moyen lors
de l’entrée dans l’étude était de 44,2 (14,5) ans. Durant le suivi,
on a déploré 1 340 nouveaux cancers, dont 459 mammaires (34,3 %),
180 prostatiques (13,4 %), 135 mélanomes et carcinomes épidermoïdes
cutanés (10,1 %), 99 colorectaux (7,4 %), 47 LNH (3,5 %) et 15
autres lymphomes (1,1 %).
Qui mange bio ? Surtout des femmes de statut
socio-économique élevé, qui font du sport et ne fument pas
Un haut score d’alimentation bio est apparu positivement
associé au sexe féminin, à un statut professionnel et à des revenus
financiers élevés, à un niveau d’éducation au-delà des études
secondaires, à l’activité physique et à un arrêt ancien du tabac.
Ce score était le fait d’une alimentation saine, riche en fibres,
en protéines végétales et en micronutriments, comportant une
utilisation notable de fruits, légumes, noix et, a contrario, un
faible apport en viandes, préparées ou non, en volailles et en
lait. Après divers ajustements, un score élevé a, de façon linéaire
et négative, été associé au risque global de cancer. Le Hazard
Ratio, HR, entre les quartiles le plus haut et le plus bas de
consommation est calculé à 0,75 (intervalle de confiance à 95 %
[IC] : 0,63-0,88), p = 0,001 et le HR, pour chaque augmentation de
5 points du score se situe à 0,92 (IC : 0,88- 0,96). Cette relation
négative demeure inchangée après exclusion des cancers survenus
précocement en cours de suivi (HR : 0,70 ; IC : 0,56- 0,88 ; p =
0,004). La diminution du risque de cancer a concerné,
essentiellement, les cancers du sein post ménopausiques, les LNH et
les autres lymphomes. Aucune association significative n’a été
retrouvée pour les autres tumeurs. En analyse de sensibilité, une
association significative a été observée particulièrement chez les
femmes, les sujets âgés, ceux avec une histoire familiale de
cancer, les anciens fumeurs et ceux dont la nutrition était
globalement de qualité faible à moyenne.
Risque moindre de cancer mammaire post ménopausique ou de LNH
avec une forte consommation bio
Ainsi, l’analyse de cette vaste cohorte démontre qu’une forte
consommation d’aliments issus de l’agriculture biologique est
associée à un risque moindre de survenue d’un cancer mammaire post
ménopausique ou d’un LNH. Ce travail a, pour mérite, d’avoir pris
en compte de nombreuses covariables potentiellement confondantes,
qui, par elles même, influent sur l’état de santé des populations.
Ses résultats sont, toutefois, en opposition avec ceux de la
Million Women Study qui avait suivi 623 080 femmes d’âge
moyen, au Royaume Uni, sans avoir pu déceler d’association
significative entre alimentation biologique et risque de cancer
(sauf, là encore, pour les LNH). Dès 2015, se basant sur des études
expérimentales et de populations, l’Agence Internationale pour la
Recherche sur le Cancer avait alerté sur la carcinogénicité de
nombreux pesticides, dont le malathion, le diazinon, le
tétrachlorvinphos et le parathion) et avait reconnu un risque accru
en cas d’exposition professionnelle. En 2017, une méta analyse,
publiée dans Environ Pollut par HU. L, démontrait qu’une
telle exposition augmentait de 22 % le risque de LNH. Un des
mécanismes possibles de l’action délétère des pesticides serait lié
à un dommage de l’ADN, tant au plan fonctionnel qu’épigénétique.
Pourraient s’y associer des lésions au niveau mitochondrial, du
réticulum endoplasmique ou des troubles de l’homéostasie
cellulaire. De plus, des pesticides mimant l’action des œstrogènes,
pourraient intervenir dans la carcinogénèse mammaire. Enfin, il a
été avancé une interaction possible entre obésité/pesticides et
risque de cancer ; on peut formuler l’hypothèse que les individus
obèses sont, dans leur ensemble, plus sensibles aux perturbateurs
chimiques, dont les pesticides. Au plan pratique toutefois, malgré
cette masse de données, le prix en régle élevé des aliments issus
de l’agriculture biologique se révèle souvent être un obstacle
notable à leur achat et donc à leur consommation.
Il convient d’ajouter d’autres réserves. Ce travail a porté
sur des volontaires, particulièrement concernés par les problèmes
de santé. Il s’agissait souvent de femmes, bien éduquées, dont le
comportement alimentaire était, de manière générale, meilleur que
celui d’ensemble de la population française. Les données ont été
recueillies à partir de questionnaires spécifiques, sans précision
quantitative et avec risque possible de mauvaise classification. En
troisième lieu, le suivi a été relativement court, même s’il a
permis de déceler 1 300 cas de cancers. Enfin ont pu exister des
facteurs confondants non pris en compte ou une sous déclaration des
cas de cancer. Malgré ces réserves il faut remarquer plusieurs
points forts : il s’agit d’une étude prospective, qui a couvert un
large échantillon de population et a comporté une analyse
stratifiée de différents types de tumeurs malignes.
D’autre études restent nécessaires pour confirmer les résultats
obtenus ici suggérant qu’une consommation importante d’aliments
issus de l’agriculture biologique est associée à une réduction du
risque de cancer, notamment des cancers du sein post ménopausiques,
des LNH et autres lymphomes. Si cela se vérifie, promouvoir la
consommation d’aliments issus de l’agriculture biologique pourrait
être une stratégie efficace et prometteuse dans la prévention du
cancer.
Comme vous le résumez si bien dans cet article : "d’autres études restent nécessaires pour confirmer les résultats obtenus ici suggérant qu’une consommation importante d’aliments issus de l’agriculture biologique est associée à une réduction du risque de cancer."
UN : Tant que l'origine du cancer n'aura pas été, bien et clairement, établie dans tous les cas, on ferait mieux, nous médecins, de ne pas se mêler des conflits des lobbies de toutes sortes bios ou pas bios qui se sont déclaré des guerres.
DEUX : « La France doit être à l’offensive sur l’arrêt des pesticides […]. Le grand avenir du vin, c’est qu’un jour tous les vins soient bios […]. Il y a maintenant des maladies professionnelles reconnues chez les ouvriers viticoles ». Ainsi s’exprimait Ségolène Royal dans une interview sur France 3. Pauvre Ségolène toujours plus belle et toujours à côté de la plaque! Et l'alcool, chérie, pas un mot !
En fait, les viticulteurs utilisent nombre de fongicides et insecticides pour lutter contre les maladies de la vigne ; ils y sont contraints. Ces polluants se retrouvent-ils dans nos verres ? That is the question.
60 Millions de consommateurs révèle les résultats des analyses effectuées sur 52 vins, bios et non bios. 29 substances dites actives recherchées dans 52 vins : on retrouve des résidus de pesticides même dans des vins « issus de raisins certifiés biologiques.
Conclusions : Des onze vins bios étudiés, seuls deux ne contenaient aucun des polluants recherchés. Dans l’un d’entre eux ont même été trouvées treize molécules différentes !
Dr Jean Doremieux
Performances analytiques
Le 01 novembre 2018
Avec les moyens analytiques actuels on peut fréquemment retrouver des traces de n'importe quelle molécule dans n'importe quel milieu à partir du moment où on la cherche. Quelle est la signification pour autant de tels résultats pour la santé humaine ?
Dr EG Faudrait d'ailleurs faire gaffe, on va finir par retrouver des molécules autre que de l'eau dans les dilutions homéopathiques ;-)