
Paris, le mardi 5 février 2019 – La dernière livraison
du Bulletin épidémiologique hebdomadaire (BEH) est entièrement
consacrée au suicide en France et compte une dizaine
d’études.
Premier enseignement majeur de ces travaux : le nombre de
morts par suicide a enregistré une baisse continue au cours des dix
dernières années. On comptait ainsi 8 948 décès en 2017 contre 10
423 en 2006. Malgré tout, la France connaît toujours l’un des taux
de suicide les plus élevés d’Europe.
Suicide en baisse, tentative en hausse
Paradoxalement, les travaux réalisés sur la base des
baromètres de Santé publique France (auprès de 25 319 personnes
âgées de 18 à 75 ans) révèlent une augmentation des pensées
suicidaires et des tentatives de suicide. Ainsi, la prévalence des
TS au cours de la vie chez les femmes a augmenté depuis 2005,
passant de 7,6% à 9,9% en 2017, tandis qu’elle est restée stable
chez les hommes sur la période 2014-2017 après avoir augmenté de
1,9 points entre 2005 et 2014.
Concernant la fréquence des pensées suicidaires au cours de
l’année, après une diminution observée entre 2000 et 2010 et un
retour à la hausse entre 2010 et 2014 pour les hommes et les
femmes, les données suggèrent une tendance à la stabilité entre
2014 et 2017.
Au total, en 2017, 4,7% des 18-75 ans déclaraient avoir pensé
à se suicider au cours des 12 derniers mois, 7,2% avaient tenté de
se suicider au cours de leur vie et 0,39% au cours de l’année. Pour
les personnes concernées, les pensées suicidaires étaient
principalement liées à des raisons « familiales » (41,4%), «
sentimentales » (32,3%), « professionnelles »
(27,6%), « financières » (23,7%) et de « de santé »
(23,7%). Les pensées suicidaires des femmes étaient davantage
associées à des raisons « familiales » que celles des hommes
(48,3% vs 31,6%), tandis que les pensées suicidaires des
hommes étaient plus souvent associées à des raisons «
professionnelles » (31,5% vs 24,8% des femmes). Selon
l’âge, les 18-34 ans citaient davantage des raisons «
sentimentales » (53,8% pour les 18-24 ans et 44,9% pour les
25-34 ans) ; les 45-54 ans citaient davantage des raisons «
professionnelles » (37,6%) et les 65-75 ans des raisons «
de santé » (36,8%).
La pathologie mentale demeure la première cause de suicide
Au delà de cette interprétation des patients, il apparait
néanmoins que le facteur le plus associé aux pensées suicidaires et
au passage à l’acte demeure le fait d’avoir vécu un épisode
dépressif caractérisé au cours de l’année.
Ainsi, sur la période d’étude 2000-2014 où 156 910 décès par
suicide chez les individus âgés d’au moins 10 ans ont été recensés,
40% étaient associés à la présence de troubles mentaux, plus
souvent chez les femmes que chez les hommes (48% vs 36%). Il
s’agissait en grande majorité de troubles dépressifs (38% chez les
femmes et 28% chez les hommes). Ceux-ci étaient 41 fois plus
fréquemment associés aux suicides qu’aux autres causes de
décès.
Pour 16% des suicides, le certificat de décès indiquait
l’existence d’au moins une pathologie non mentale qui pourrait
avoir influencé le passage à l’acte : maladies de l’appareil
circulatoire (5%), maladies du système nerveux (4%) et tumeurs
invasives (3%).
Chez les jeunes de 17 ans, en 2017, après ajustement
concernant le sexe, la situation scolaire, la structure familiale,
le risque de dépression et la catégorie socioprofessionnelle des
parents, « les résultats soulignent un lien fort entre tentative
de suicide et usages de substances psychoactives, en particulier
l’usage de substances illicites autres que le cannabis chez les
garçons et l’usage quotidien de tabac chez les filles ».
Comment obtenir une "cassure" de la courbe ?
L’objectif étant « d’aboutir à une cassure des courbes d’évolution des TS et des décès par suicide en intervenant à proximité du passage à l’acte suicidaire, par le biais d’une combinaison de dispositifs et d’actions de prévention développés à l’échelle des territoires : le maintien du contact post-hospitalisation avec les personnes ayant effectué une tentative de suicide, la mise en œuvre d’un numéro unique et d’une ligne d’appel d’urgence dédiée à la crise suicidaire ; la prévention de la contagion suicidaire, notamment en travaillant avec les médias sur les enjeux de communication autour des cas de décès par suicide ou encore la formation des professionnels de proximité, notamment celle des médecins généralistes, au repérage et à la prise en charge des troubles dépressifs et du risque suicidaire ».
Frédéric Haroche