Exclusif : les professionnels de santé majoritairement favorables à l’augmentation des taxes sur l’alcool
Paris, le mercredi 13 mars 2019 – Alors que vis-à-vis du tabac le
gouvernement a manifesté une volonté politique qui faisait en
partie défaut au précédent gouvernement, concernant l’alcool, les
déceptions sont importantes. Ainsi, parallèlement à de nombreuses
déclarations plus qu’ambiguës de plusieurs membres du
gouvernement (et du Président de la République), tendant à
relativiser la dangerosité de du vin, le plan addiction déployé en
catimini au début de l’année ne comporte que peu de dispositions
fortes face à l’éthanol sous toutes ses formes dont l’abus de
consommation serait pourtant à l’origine chaque année d'environ 45
000 morts environ en France.
Des exemples probants
Le gouvernement a notamment refusé d’entendre les propositions
de nombreux acteurs de santé publique préconisant une augmentation
des taxes sur l’alcool ou l’instauration d’un prix de vente minimum
(méthode qui a été adoptée dans certains pays). Sans être l’unique
levier existant et sans offrir une efficacité parfaite, l’action
sur le prix des substances psychoactives, telles que l’alcool, a en
effet vu son influence démontrée par de nombreux exemples et
travaux. « L’action par les prix et la fiscalité apparaît dans
toutes les études récentes (…) comme l’une des mesures les plus
efficaces pour la santé publique et la réduction des coûts sociaux
de l’alcool » remarquait ainsi la Cour des Comptes dans un
rapport publié en 2016. Dans cette même lignée, onze médecins
spécialistes d’addictologie avaient adressé en octobre dernier au
ministre de la Santé une lettre afin que le projet de loi de
financement de la Sécurité sociale prévoit « une taxe sur les
boissons alcoolisées en fonction du gramme d’alcool pour financer
les soins et une taxe sur les dépenses de publicité – y compris sur
Internet – pour financer la prévention ». Mais cette demande
n’avait pas trouvé d’écho favorable.
Sondage réalisé sur JIM du 10
février au 6 mars 2019
Des professionnels de santé convaincus
Il est sûr que l’impopularité supposée d’une telle mesure (dans le
climat de rébellion actuel vis-à-vis de certaines taxes) freine
aujourd’hui les pouvoirs publics. Pourtant, même si la mise en
place de toute nouvelle taxe, on l’a vu récemment, nécessite la
plus grande délicatesse, on observe chez les professionnels de
santé une assez large adhésion à l’idée d’une augmentation des
taxes sur l’alcool. Ainsi, un sondage réalisé sur notre site qui a
recueilli 721 réponses révèle que 61 % des professionnels de santé
sont favorables à une augmentation des taxes sur l’alcool, quand 35
% s’y opposent et 4 % ne se prononcent pas. Si les doutes sur
l’efficacité du dispositif et si le refus plus global de nouvelles
dispositions financières expliquent le refus de plus d’un tiers des
professionnels de santé, la majorité recueillie en faveur d’une
plus forte taxation suggère que les praticiens pourraient être
prêts à jouer un rôle pédagogique auprès des Français pour
expliquer le bien fondé d’une telle mesure et ainsi délivrer de
nouvelles mises en garde vis-à-vis de la consommation d’alcool. A
bon entendeur.
La première cause des manifestations de décembre a été le ras le bol fiscal dans le pays le plus taxé du monde. Et depuis un mois, on ne parle que de nouvelles taxes ! Et il semble qu'une grande majorité de mes chers confrères participe à ce grand sport national. La fameuse élite déconnectée ?
Dr Gérard Vidal
Candide
Le 14 mars 2019
Il n'y a pas de taxes sur le cannabis et l’héroïne, et le prix est probablement plus élevé qu'un pack de "kro"... Cela n'empêche nullement l'utilisation de ces substances. Croire que le prix va résoudre un problème toxicomaniaque est digne d'un bisounours ou d'un optimiste pathologique.
Dr Christian Trape
Quelques données chiffrées
Le 14 mars 2019
Le tabac amène ainsi 14 milliards de recettes fiscales, taxes et TVA mélangées. Si la consommation de tabac a reculé – légèrement – ces dernières années, les recettes, elles n'ont cessé de s'accroître.
Du côté des alcools (vins, bières et spiritueux), le gain pour le budget de l'Etat grimpe à 7,7 milliards d'euros de taxes (hors TVA, les différents taux selon les alcools rendant difficile une globalisation).
Au total 22 milliards de recettes fiscales dont nul ne sait si, au moins, elles sont consacrées à la prévention !
En face, le poids économique de la consommation d'alcool et de tabac en France s'établit à 120 milliards d'euros pour chacune de ces substances, bien loin de celui des drogues illégales, évalué à 8,7 Mds, révèle une étude publiée hier par l'Observatoire français des drogues et toxicomanie (OFDT 2010).
Ces chiffres sont à rapprocher des 13,4 millions de fumeurs et des 3,8 millions «d'usagers à risques d'alcool». Les usagers problématiques de drogues illicites sont quant à eux estimé à 300 000.
Les «coûts externes» représentent l'essentiel du coût social de chaque drogue, notamment en raison des «pertes en vie humaines». Le nombre de vies perdues chaque année s'élève à 49 051 pour l'alcool, 78 966 pour le tabac, et 1 605 pour les drogues illicites.
Avec un coût pour une année de vie perdue fixé à 115 000 euros, les décès liés à l'alcool reviennent à près de 66 Mds et ceux liés au tabac à près de 62 Mds.
Cette différence, alors que le nombre de décès liés au tabac est plus important, s'explique par les décès prématurés liés à l'alcool (moyenne d'âge 63 ans, contre 71 ans pour le tabac), et les nombreux décès accidentels engendrés par l'alcool, qui touchent souvent les jeunes.
Le coût des vies perdues pour les drogues illicites s'élève à 2,7 Mds.