Espace numérique, praticiens étrangers et IVG : final des discussions autour de la loi de santé
Paris, le lundi 25 mars 2019 – Les débats autour du projet de loi
de santé défendu par Agnès Buzyn se sont poursuivis jusque dans la
nuit de vendredi à samedi pour ne s’achever qu’à trois heures du
matin. Les députés présents ont âprement débattu de la plupart des
articles et amendements présentés, confirmant la sensibilité des
sujets évoqués.
Délivrance pharmaceutique sans ordonnance : les
médecins libéraux préparent la riposte
La journée de débats de jeudi avait été marquée notamment par
l’adoption d’un texte soutenu par le rapporteur du projet, Thomas
Mesnier, visant dans certaines conditions et de manière encadrée à
permettre la délivrance par le pharmacien de certains médicaments à
prescription obligatoire même en l’absence d’ordonnance. On le
sait, le sujet a soulevé l’indignation de nombreux élus dans les
rangs de l’opposition à droite comme à gauche, tandis
qu’aujourd’hui les syndicats de médecins libéraux réfléchissent
ensemble à un mode d’action pour faire entendre leur
désapprobation.
IVG : un état des lieux et une clause de conscience
préservée
Vendredi, les discussions ont été moins passionnelles, et l’on
a parfois frôlé l’unanimité, même si quelques sujets marquants se
sont invités dans le débat. Ainsi, dans la soirée de vendredi,
plusieurs élus du Parti socialiste et de la France insoumise ont
souhaité profiter de la lecture d’un texte dédié à la santé pour
relancer une nouvelle fois l’idée de supprimer la clause de
conscience spécifique à l’Interruption Volontaire de Grossesse
(IVG). Ces députés ont en effet plaidé qu’il s’agirait d’un "signal
fort" en faveur de la garantie du droit à l’avortement. Le ministre
de la Santé a cependant rappelé son opposition claire à une telle
évolution. Même si elle estime pour sa part que la clause de
conscience n’est pas un dispositif « génial », elle est
convaincue que son affichage permet plus de transparence et de
faire gagner un temps précieux aux femmes. « Ça va éviter aux
femmes de prendre rendez-vous avec des médecins qui éventuellement
peuvent leur faire perdre du temps s’ils sont contre l’IVG et
qu’ils ne sont pas dans la clause de conscience avec l’obligation
de trouver un autre médecin » a ainsi expliqué le ministre.
Aussi a-t-elle préféré accepter la proposition soutenue par un
grand nombre de députés de réaliser un nouvel état des lieux de
l’accès à l’IVG en France, dont on sait qu’il est moins
certainement freiné par la clause de conscience que par des
problèmes d’effectifs et par une tarification encore
insuffisante.
Espace numérique : une sécurité à garantir
Outre l’IVG, la création d’un espace numérique de santé pour tous
les affiliés à la Sécurité sociale a été au centre des discussions
de vendredi soir. L’idée, alors que la France est assez en retard
dans ce domaine, est de prévoir pour chaque Français un espace
numérique de santé où seront réunis les informations de son Dossier
Médical Personnel (DMP), des renseignements concernant sa position
sur le don d’organe, sur la personne de confiance, mais aussi les
données obtenues grâce à différentes applications de santé. S’y
ajouteront également les historiques de ses dépenses de santé.
Gratuit, ce système sera automatiquement ouvert (sauf refus
explicite) pour toute personne née après le 1er janvier 2022. Un
budget de 50 millions d’euros sur trois ans a été alloué à
l’ouverture de ces espaces. Si la majorité des députés s’est
montrée favorable à cette évolution et partageait la position
d’Agnès Buzyn quant à la nécessité d’un dispositif public pour
prémunir les Français de systèmes trop disparates et
potentiellement payants, certains élus ont affiché leurs
inquiétudes quant à la sécurisation des données. Un amendement
communiste, voté en séance, rappelant explicitement l’interdiction
faite aux complémentaires santé d’accéder à l’espace numérique
avant la signature d’un contrat a témoigné de la persistance de
certaines réticences.
Conflit d’intérêt : agir tôt
L’unanimité était également presque au rendez-vous pour l’adoption
de dispositions concernant la soustraction des étudiants en
médecine à l'influence de l'industrie pharmaceutique.
Souhaitant « mettre un terme à des pratiques d’influence
qui perdurent dans les lieux de formation », le gouvernement a
ainsi défendu un amendement qui « vise à interdire l’offre de
tout avantage aux étudiants en santé ». Cette volonté
gouvernementale se fait jour alors que certains classements ont mis
en évidence ces dernières années des pratiques très diverses en
fonction des universités en la matière et une prise de conscience
probablement trop tardive concernant ce phénomène, par rapport à
d’autres pays.
Enfin, le projet de loi promet, avant la fin de l’année 2021,
la régularisation d’une partie des praticiens à diplôme hors Union
européenne (PADHUE). C’est l’examen de leur dossier, tenant compte
de différents critères qui seront précisés par décret, qui devrait
conduire à cette régularisation tandis que d’une manière générale
le dispositif d’autorisation devrait être simplifié et
amélioré.
Après cet examen marathon, le vote solennel est attendu ce mardi,
avant que ne débute un examen par le Sénat, qui promet d’être aussi
passionné que les discussions au Palais Bourbon.
Les réactions aux articles sont réservées aux professionnels de santé inscrits
Elles ne seront publiées sur le site qu’après modération par la rédaction (avec un délai de quelques heures à 48 heures). Sauf exception, les réactions sont publiées avec la signature de leur auteur.