Journée mondiale de l’autisme : le changement se fait-il encore attendre ?
Paris, le mardi 2 avril 2019 – Symbolisée par la couleur bleue
qui doit parer certains bâtiments emblématiques de la planète ce
soir, la journée mondiale de sensibilisation à l’autisme est
célébrée aujourd’hui. En France, cette manifestation revêt un
visage singulièrement différent d’il y a une quinzaine d’années. A
l’époque, la France était montrée du doigt par de nombreuses
institutions internationales en raison de sa prise en charge
déplorable des enfants autistes et par la place unique au monde et
souvent délétère accordée à la psychanalyse. Ces critiques
fréquemment répétées ont finalement contribué à une prise de
conscience des institutions officielles et à l’émergence d’une
volonté politique. De nouvelles recommandations ont été édictées
afin de privilégier les approches éducatives et de restreindre les
traitements non adaptés et n’ayant pas fait la preuve de leur
efficacité, tandis que des fonds ont été débloqués pour améliorer
le repérage des enfants et leur intégration scolaire. Cependant, en
dépit de ces initiatives et des plans qui se sont succédé, les
choses ont-elles vraiment changé (sans parler de la
surmédiatisation de l’autisme qui aujourd’hui pourrait également
avoir des effets contre-productifs en favorisant une image déformée
de ces troubles voire en conduisant à des surdiagnostics)
?
La psychanalyse toujours en bonne place
Pas si sûr si l’on en juge par les résultats d’une enquête conduite
par une association de parents d’enfants atteints par différentes
formes d’autisme, soutenue par l’Association francophone des femmes
autistes (AFFA). Les résultats obtenus, qui ne sont pas
nécessairement parfaitement représentatifs de la réalité puisque
les modalités de l’enquête incitaient les plus insatisfaits à se
mobiliser prioritairement, confirment cependant « les remontées
de terrain nous disant que les professionnels continuent dans
certains endroits de privilégier une approche psychanalytique »
détaille Magali Pignard, cofondatrice de l’AFA, citée par Le Monde.
Différents témoignages suggèrent ainsi la persistance d’attitudes
visant à culpabiliser les parents, tandis que l’importance du
projet éducatif tarde à être reconnue.
Charlatanisme
Parallèlement à ces observations, celles de la Mission
interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives
sectaires (MIVILUDES) sont également inquiétantes sur ce qu’elles
révèlent de la pénétration de méthodes relevant du charlatanisme
dans la prise en charge de l’autisme. Hypnotiseurs promettant des
guérisons miraculeuses, traitements à base d’eau de javel et autres
consultations dangereuses ne sont pas rares. « Nous prenons
cette situations très au sérieux. Il y a ceux qui enfreignent le
code de déontologie mais aussi ceux qui ne sont pas professionnels
de santé » souligne le président de la section publique de
l’Ordre des médecins, le docteur Jean-Marcel Mourgues, cité par le
Parisien, alors que l’Ordre a constitué un groupe de travail avec
la Miviludes sur cette question.
Quand l’abandon des pouvoirs publics favorise les
dérives
Ces dérives sectaires sont favorisées non seulement par les
imprécisions qui entourent certains diagnostics et par l’absence de
traitements parfaitement efficaces, mais aussi par d’importants
problèmes d’accès aux soins. Aujourd’hui, en effet, « il faut
compter 446 jours d’attente en moyenne pour une demande de
diagnostic en centre de ressource autisme » (CRA) comme l’admet
elle-même, citée par Le Monde, Claire Compagnon, déléguée
interministérielle à la stratégie nationale pour l’autisme et les
troubles du neurodéveloppement. Dans ces conditions, il n’est pas
difficile de comprendre pourquoi certains se tournent vers des
structures peu adaptées, voire pire vers les approches les plus
fantaisistes.
Déployer des réseaux de professionnels libéraux
compétents et sans reste à charge
Pour faire face à cette situation, l’une des mesures phares de la
stratégie nationale pour l’autisme initiée l’année dernière par le
gouvernement est la mise en place d’un forfait intervention
précoce, qui a été officiellement créé par la loi de financement de
la sécurité sociale pour 2019. Ce forfait s’élève à 1 500 euros et
doit permettre la suppression du reste à charge pour les familles
concernant le financement du bilan initial et 35 séances chez des
professionnels libéraux divers (sur douze mois). Cependant, son
déploiement se fait encore attendre, puisque « la qualité des
interventions des professionnels libéraux sera garantie par leur
conventionnement avec des plateformes d’intervention précoce qui
vont se déployer progressivement sur l’ensemble du territoire.
Trente plateformes seront installées d’ici fin 2019, dont une
dizaine à la fin du premier semestre, avec l’appui des agences
régionales de santé qui pilotent leur déploiement » explique
aujourd’hui le secrétariat d’État aux personnes handicapées dans un
premier bilan. Le pari est que la plus grande participation de ces
réseaux libéraux permettra de désengorger les CRA et d’améliorer le
repérage et l’intervention précoce.
Un jour des traitements ?
Mesure phare de la stratégie nationale, ce forfait
s’accompagne d’autres dispositifs, telle l’ouverture de la
plateforme téléphonique Autisme Info Service, qui commence à
fonctionner aujourd’hui. La mission de ce dispositif, qui s’adresse
autant aux familles qu’aux professionnels, est notamment d’orienter
les parents et les intervenants.
L’accent de la stratégie a également été mis sur la
scolarisation des enfants autistes, avec comme objectif de créer
180 nouvelles unités d’enseignement maternel autisme (30 seront
ouvertes dès la rentrée) et l’amélioration de l’accompagnement des
adultes. Enfin, le gouvernement a également souhaité insister sur
l’importance de renforcer la recherche et signale que, s’inscrivant
dans cet objectif, dix postes de chefs de clinique en
pédopsychiatrie ont été créés en octobre 2018. « Leurs projets
de recherche vont permettre de progresser dans la connaissance des
causes de l’autisme, l’identification de biomarqueurs, ou le
développement de technologies et de modes d’accompagnement destinés
à soutenir l’autonomie des personnes et améliorer leur qualité de
vie » explique le secrétariat d’état aux personnes handicapées.
L’identification de traitements pharmacologiques est également à
l’étude et on saluera à cet égard le lancement à Marseille par
l’équipe du professeur Ben-Ari d’un essai pédiatrique de phase III
visant à tester l’efficacité d’un traitement par bumétanide, qui
pourrait avoir des effets sur la sociabilité des enfants et qui a
déjà fait l’objet de plusieurs publications encourageantes.
On nous parle de la prise en charge des la petite enfance. On nous parle des adultes. Qu'en est il des adolescents inadaptés à l'enseignement traditionnel bien que intelligent et qui n'ont comme solution que...rester à la maison pendant que les parents sont au travail !
Frnacine Mathieu (IDE)
Autisme et psychanalyse
Le 08 avril 2019
Peut-être pourriez-vous également rappeler qu'un certain nombre de psychanalystes travaillent avec des enfants autistes sans pour autant négliger ou dénoncer les autres approches qui peuvent tout à fait être complémentaires. J'ai l'impression, à lire l'article, par ailleurs très interessant, que vous parlez des années 70 ou 80. On peut être psychanalystes et être intéressé par les neurosciences, et ne pas culpabiliser les parents, conduite qui ne sert strictement à rien, ce que nous savons depuis déjà longtemps.