Quelle place pour la psychiatrie dans le parcours de transition des transsexuels ?

Paris, le lundi 8 avril 2019 – La France a été le premier pays au monde à considérer que le fait pour une personne de considérer que son sexe n’est pas celui qui lui a été "assigné" biologiquement n’est pas une affection psychiatrique. Depuis, quelques autres pays l’ont suivie dans cette voie et l’Organisation mondiale de la santé (OMS) ne classe plus ce que l’on appelle aujourd’hui la transidentité parmi les troubles mentaux.

L’absence de pathologie psychiatrique n’exclut pas la psychiatrie

Cette nouvelle approche était une revendication de la plupart des associations de défense des personnes transgenres, dont plusieurs ont dénoncé les dérives de la psychiatrie et de la psychanalyse dont la place prépondérante dans la prise en charge des personnes transgenres a souvent été dénoncée. Cependant, ne plus voir la différence entre le sexe auquel on se réfère et son sexe biologique comme une pathologie, ne signifie pas qu’il n’existe pas pour un nombre non négligeables de sujets des situations de détresse psychologique, ne serait-ce qu’en raison de la faible acceptation sociale de cette situation ou de comorbités. Aussi, l’accompagnement psychologique, voire psychiatrique reste indispensable. Il l’est d’autant plus dans les cas où une transition médicale et chirurgicale est initiée, en raison de la lourdeur de ce traitement, à une époque où pour de nombreuses autres situations cliniques le soutien de la psychiatrie est requis.

Éviter les protocoles et les principes intangibles

Dès lors, comment conserver un juste équilibre ? Comment éviter qu’une trop « grande psychiatrisation » ne conduise à faire de tout transgenre un patient atteint d’une maladie psychiatrique ? Et à l’inverse, comment éviter que le souhait d’une appréciation différente de cette situation ne voue à l’abandon des personnes fragiles et fragilisées ? Ce débat est au cœur des échanges amers et parfois acerbes entre les associations de défense des transgenres et un grand nombre des spécialistes médicaux qui les prennent en charge. Les organisations dénoncent ainsi la quasi obligation d’une évaluation psychiatrique avant toute transition et plus encore le passage devant une commission pluridisciplinaire, composée d’un psychiatre, d’un endocrinologue et d’un chirurgien. Le caractère anxiogène de ce passage est dénoncé par plusieurs associations. L’hospitalo-centrisme de la prise en charge est également regretté, car elle favorise une protocolisation qui ignorerait la spécificité de chaque situation. Si les spécialistes sont nombreux à refuser les critiques formulées et mettent en avant l’interdisciplinarité de l’approche, le Dr Hervé Hubert, psychiatre, chef de service à la fondation L'Elan Retrouvé, et praticien associé à l'hôpital Saint-Louis reconnait que « la psychiatrie ne doit pas être un principe absolu au début d'une transition ». Médecins et associations se rejoignent quoi qu’il en soit sur la nécessité d’une plus grande sensibilisation des étudiants en médecine sur ces questions.

Aurélie Haroche

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Vos réactions (1)

  • Le sexe non- biologique est il psychiatriquement correct?

    Le 14 avril 2019

    Il faudrait arrêter le politiquement correct à tout prix! Les personnes transgenres, mis à part quelques exceptions où le "redressement biologique" n'est pas contesté (testicule féminisant par exemple), sont tout de même dans une situation mentale qui pour le moins interroge. Et le discours "vous le faites parce que je le veux et que vous avez la compétence pour le faire" est le pire "ultimatum" qu'un chirurgien puisse recevoir. On vous demande de couper les c... ou d'enlever les seins "comme ça". Pourquoi pas un bras, un jambe, ou tant qu'à faire...la tête? Heureusement qu'un chirurgien s'interroge, et ne prend aucune décision seul. Il n'empêche que les concertations avec un endocrinologue et un psychiatre (généralement choisi pour sa complaisance à la demande de changement de sexe) existe depuis plus de 40 ans et a été d'une permissivité surprenante, hélas sans grande réussite dans de nombreux cas (le taux de suicides reste très élevé).

    Un traitement psychiatrique de la souffrance est certainement un must, l'absence de contestation d'une demande pour le moins surprenante est un non-sens. Et une évaluation psychiatrique de la personnalité est incontournable.

    Dr Astrid Wilk

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