
Paris, le mardi 30 avril 2019 - Dans un communiqué publié ce lundi, l’Académie de médecine alerte sur la stagnation de la consommation d’alcool en France, responsable de 41 000 décès par an. Elle appelle les autorités à prendre des mesures fortes et à mieux résister au lobby de l’alcool.
« C’est une défaite majeure pour la santé publique » résume l’Académie de médecine. « Pour la première fois depuis la Seconde Guerre mondiale, la consommation d’alcool ne baisse plus en France ». L’Académie s’appuie ici sur les chiffres publiés par Santé Publique France (SPF) en début d’année selon lesquels la consommation d’alcool n’a pas diminué entre 2013 et 2017, la France restant l’un des plus grands consommateurs d’alcool dans le monde.
Ces travaux rappellent que 41 000 décès sont liés à l’alcool chaque année en France. Il s’agit de la 2ème cause de décès évitable et de la 1ère pour les 15-30 ans. L’Académie rappelle que l’alcool est également lié à 40% des violences faites aux femmes et aux enfants et à un tiers des accidents de la route mortels. Selon les nouvelles recommandations, la consommation d’alcool doit être limitée à 10 verres par semaine, 2 verres par jour, avec des jours sans aucune consommation. Mais 25% des Français entre 18 et 75 ans ne respecteraient pas l’une de ses trois recommandations.
Face à ces chiffres alarmants, l’Académie appelle les autorités à prendre les mesures qui s’imposent. Il s’agit tout d’abord de faire une application stricte de la loi Evin en interdisant les publicités pour l’alcool sur Internet. Les académiciens souhaitent également qu’un message de santé publique clair informant sur les dangers de l’alcool soit placé sur les bouteilles, similaire aux avertissements présents sur les paquets de cigarettes concernant les méfaits du tabac. L’Académie préconise par ailleurs qu’une taxe au gramme d’alcool et un prix minimum soient mis en place (comme en Ecosse) et que le pictogramme informant les femmes enceintes des dangers de l’alcool pour leur enfant, ridiculement petit, soit enfin rendu visible et compréhensible. L’alcool est en effet la première cause de retard mental évitable chez le nouveau-né.
Collusion au sommet entre l’Etat et le lobby alcoolier aux dépens de la santé publique
L’Académie déplore par ailleurs l’influence du lobby alcoolier et critique la passivité des autorités. « Aujourd’hui, on est à un sommet de cette collusion entre le plus haut niveau de l’Etat et le lobby alcoolier, contre les intérêts de la santé publique » dénonce Gérard Dubois, professeur de santé publique et membre de l’Académie. On se souvient en effet que plusieurs ministres avaient défendu un soi-disant particularisme du vin par apport aux autres alcools, tandis que le Président de la République n’avait pas hésité à considérer que les alcooliers étaient « des acteurs de la prévention ». « C’est vraiment penser que le loup puisse éduquer les moutons » ricane le professeur Dubois.
L’Académie s’inquiète de constater que ni le Plan national de mobilisation contre les addictions, ni le Plan national de Santé Publique ne contiennent de mesures fortes contre l’alcool. Au contraire, certains députés souhaitent rétablir la consommation d’alcool et sa publicité dans les stades, tandis que la filière viticole est autorisée à diffuser des dépliants scolaires aux enfants de 3-6 ans qui n’évoquent jamais les dangers de l’alcool. Force est de constater que le gouvernement paraît effectivement faire passer les intérêts du lobby de l’alcool sur la santé publique des Français.
Quentin Haroche