
Paris, le mercredi 5 juin 2019 - Débutée mi-mars à l’hôpital
Saint Antoine de Paris, la grève des urgences concernerait
désormais 80 services selon le collectif inter-urgences et, loin de
faiblir, le mouvement semble entrer dans une phase de
durcissement.
Un malaise d’une ampleur « jamais vue »
Si ce soulèvement s’est cristallisé autour de revendications
classiques d’augmentations des salaires et des effectifs, il révèle
également un « malaise profond et général » estime François
Braun, chef de service au CHR de Metz-Thionville et président de
Samu-Urgences de France. Il en veut notamment pour preuve le fort
écho qu’a reçu son appel à un débrayage symbolique de 5 minutes, le
28 mai dernier, qui a été suivi par « plus de 150 services »
soit près du quart des 640 établissements dotés d’un service
d’urgences.
Ce praticien confie ainsi n’avoir « jamais vu un malaise de
cette ampleur » et s’inquiète d’une « démobilisation
complète » de professionnels pourtant « très attachés au
service public ».
Réquisitions par les forces de l’ordre
Le durcissement de la grève peut également être perçu à
travers la multiplication des réquisitions, à la demande de
certains préfets. Une infirmière a ainsi raconté à Mediapart
comment elle a été réveillée par les gendarmes en pleine nuit, il y
a une semaine.
« Mes enfants ont été réveillés (…). J’étais en larmes,
paniquée, en colère. La journée de travail a été terrible : le
matin, il y avait une vingtaine de patients en attente d’un lit,
pas de médecins, des internes désemparés. J’ai fini la journée en
pleurs. Je travaille depuis 11 ans aux urgences, je n’ai jamais été
dans cet état. Je suis nerveusement épuisée. Je suis à mon tour
allée voir mon médecin pour me faire arrêter. Et en rentrant chez
moi, j’ai trouvé les gendarmes, avec une nouvelle réquisition pour
le lendemain matin ».
Extension des acteurs de la lutte
Cette mobilisation, relativement peu médiatisée à son
commencement, semble désormais trouver des échos de plus en plus
nombreux.
Ainsi, un collectif de chercheurs en sciences humaines et
sociales, dont, entre autres, l’économiste Thomas Piketty, appelle
dans les colonnes de Libération « à soutenir la grève des
services d’urgence et exhorte les pouvoirs publics à prendre les
revendications au sérieux ».
« Les années qui viennent de s’écouler ont vu l’aggravation
des conditions de travail du fait d’une médecine de ville
insuffisamment structurée, du fait de modes de financements
absurdes poussant à faire toujours plus avec toujours moins, du
fait aussi d’une précarisation grandissante » rappellent ainsi
les signataires.
Dans ce contexte, le locataire de l’Avenue de Ségur est
attendu avec impatience au congrès des urgences organisé à partir
d’aujourd’hui jusqu’à vendredi par Samu-Urgences de France et la
Société française de médecine d'urgence (SFMU) mais, pour l’heure,
Agnès Buzyn ne semble pas vouloir répondre à
l’invitation.
F.H.