Urgences : Agnès Buzyn annonce une concertation et lâche du lest
Paris, le jeudi 6 juin 2019 - Après un temps d’hésitation,
Agnès Buzyn s’est finalement rendue, ce matin, au Congrès des
urgentistes qui se tient à Paris alors qu’on dénombre désormais 83
services en grève dans toute la France.
Énième concertation ou vrai sursaut ?
Face à un auditoire loin de lui être acquis, elle a reconnu la
« détresse » des personnels des urgences dont le «
quotidien est devenu insupportable », des difficultés
qu’elle dit ne pas regarder « avec une distance froide de
gestionnaire ».
Outre ces marques de bienveillance, le ministre a annoncé le
lancement d’une mission nationale chargée d’élaborer une «
stratégie d’ensemble » dont l’objectif sera d’adapter «
nos urgences aux nouveaux besoins de santé ». Elle a aussi
promis de recommander aux agences régionales de santé (ARS)
d’apporter « plus directement et plus spontanément » leur
soutien financier aux hôpitaux « qui font face à un surcroît
d’activité et à des afflux exceptionnels ».
Par ailleurs, sans aller jusqu’à concéder les 300 euros
d’augmentation nette demandés par les grévistes, elle a annoncé sa
décision de relever la « prime sécurité » (97,69 € bruts
actuellement) « partout où cela est justifié ».
Ces promesses ont déjà été raillées par l’urgentiste et
représentant syndical Christophe Prud’homme (CGT et Association des
médecins urgentistes de France) : « une nouvelle commission pour
réfléchir, il n’y en a pas besoin, on en a assez des enquêtes
».
La perspective de ces discussions ravira sans doute davantage
l’Ordre des médecins qui appelait, hier, à « une concertation
d’urgence impliquant tous les acteurs ».
Comme un air de mutinerie
Sans doute l’action coup de poing de lundi à l’hôpital
Lariboisière n’est-elle pas étrangère à ces avancées.
Rappelons que, lundi, dix infirmiers et trois aides-soignants
du service parisien, tous simultanément en arrêt de travail n’ont
pas pris leurs gardes de nuit. Cette situation qui a entraîné une
plus grande visibilité du mouvement a provoqué un vif émoi et des
débats houleux.
Alors que beaucoup considèrent que les arrêts maladie
pourraient ne pas être tous médicalement justifiés (même si
l’épuisement des personnels est au cœur du mouvement de grève), six
des treize soignants concernés ont été convoqués pour un contrôle
médical à la demande de la direction de l’établissement. Une
décision, susceptible de raviver la colère, jugée «
inacceptable, écœurante, inadmissible » par les
organisations syndicales.
Éteindre un incendie en en allumant un autre
Alors que compte tenu de la limite des annonces d’Agnès Buzyn
et de l’animosité affichée de certaines directions hospitalières,
les personnels des urgences pourraient continuer à nourrir une
profonde amertume, le gouvernement pourrait devoir désormais
composer également avec l’ire des médecins libéraux. La
porte-parole du gouvernement Sibeth Ndiaye a en effet considéré que
la crise des urgences était liée à une « médecine de ville (…)
pas au rendez-vous ».
Une déclaration (commune) qui a fait bondir, en particulier le
Dr Jérôme Marty, patron de l’UFML (Union française pour une
médecine libre).
Dans un tweet vengeur, il a ainsi interpellé : « Dire que la
médecine de ville n'est pas au rendez-vous, c'est la rendre
responsable du drame vécu par nos consœurs, confrères, collègues et
personnels des urgences, c'est vouloir user d'un vieux principe
politique : diviser pour masquer ses propres responsabilités (…)
nous étions là avant vous, nous serons là après vous ! ».
La médecine de ville ne serait "pas au rendez-vous"? Et le Ministère est au rendez-vous, lui? La Ministre ne porte pas la responsabilité de 30 ans de gestion peu cohérente, mais elle et madame Ndiaye - qui se croit au rendez-vous - ont celle du déni et c'est grave. Merci au passage pour le mépris affiché des libéraux, constante du discours des administratifs. On ne règle pas les problèmes avec des primes, on le règle avec la prise en compte des problèmes. Si les directions d'hôpitaux ne savent pas comment faire, c'est peut-être elles que l'on doit réformer en premier. Quand les problèmes de sécurité deviennent prioritaires dans des services d'urgence, c'est que quelque chose ne tourne plus rond. Réunir des commissions? C'est ce que recommandait Clémenceau pour enterrer les problèmes. Autant réunir des commissions quand se produisent des feux de forêt. Cela n'a jamais éteint le feu.