Opposition claire (mais un peu courte ?) d’Agnès Buzyn à la vente d’alcool dans les stades
Paris, le lundi 12 août 2019 – Enfin une réponse. En forme de
tweet. Après près d’une semaine d’inquiétudes et de polémiques
autour d’un élément d’une proposition de loi soutenue par plus de
100 députés La République en Marche (LREM), visant à lever
l’interdiction de vente d’alcool lors de toutes les manifestations
sportives, Agnès Buzyn a fait connaître sa position. Elle est
totalement sans ambiguïté : l’alcool ne doit pas davantage
s’inviter dans les stades en raison du fléau qu’il représente. «
L’alcool tue chaque année 41 000 personnes dans notre pays.
Chacun de ces décès est évitable. Ne laissons pas de nouvelles
incitations à la consommation d’alcool se rendre complices de ce
bilan. La ferveur n’a pas besoin d’alcool pour s’exprimer dans nos
stades » a posté le ministre sur le réseau social.
« Ferveur » à double tranchant
Efficace, ce message a permis de rappeler les enjeux centraux du
débat : la nécessité de prévenir la mortalité liée à l’alcool ; non
par de nouvelles prohibitions mais tout au moins en maintenant les
dispositions déjà existantes. Sa dernière phrase dont la lecture
n’est pas parfaitement univoque tend en outre à rappeler que la
situation particulière des compétitions sportives et notamment de
football invite à une prudence redoublée vis-à-vis de l’alcool, les
effets négatifs de ce dernier pouvant être décuplés sous l’effet de
la « ferveur ».
Quand Agnès Buzyn empêche le détricotage, mais pas la mauvaise
foi !
Efficace, donc, mais peut-être un peu court à en juger par les
nombreuses réponses que ce tweet a suscitées. Bien sûr, il y eut de
nombreux remerciements de la part d’associations engagées dans la
lutte contre la dépendance à l’alcool, mais également de
responsables politiques, dont Claude Evin, qui a salué cette
détermination d’Agnès Buzyn alors que la loi qu’il a portée a déjà
subi, note-t-il, de nombreux « détricotages ». Mais les
réactions hostiles ont également été nombreuses, ironisant sur le
fait par exemple que l’alcool est en vente libre dans de nombreux
autres endroits que les stades (dont les salles de concert) ou
encore que les loges VIP ne voient pas s’appliquer la même
interdiction. Face à ces nombreux arguments qui sont les mêmes que
ceux avancés par certains députés à l’origine de la disposition,
Agnès Buzyn est demeurée silencieuse. Son tweet en évoquant les «
nouvelles incitations » marquait bien le refus d’une
prohibition totale (qui serait probablement inefficace voire
contre-productive) et son évocation de la ferveur rappelait bien le
caractère particulier des manifestations sportives. Cependant, son
silence vis-à-vis de la situation différente des loges VIP a permis
à beaucoup de continuer sérieusement à soutenir qu’il s’agissait
d’une injustice aux dépens des moins fortunés (quand on pourrait
parfaitement défendre l’inverse si l’on analyse la situation en
termes de prévention de santé publique).
Un lien clair entre consommation d’alcool et violences
dans les stades
Heureusement, le directeur général de la santé (DGS), le
professeur Jérôme Salomon s’est montré plus complet encore que la
ministre. Répondant, également sur Twitter, à la proposition des
députés, il a ainsi affirmé (alors que certains pouvaient redouter
l’ambiguïté du Président de la République sur le sujet) : « Cela
serait totalement contraire à la politique volontariste de
prévention et de promotion de la santé publique voulue par le
Président de la République, Emmanuel Macron (...). Nous soutenons
l’activité physique et sportive (…) mais ne pouvons y associer la
consommation d’alcool qui comporte des risques (…). Il existe un
lien établi entre consommation d’alcool et violences dans les
stades, avec un impact négatif sur l’image du sport lui-même. En
multipliant les occasions de boire, on augmente la consommation. Le
soutien aux clubs peut passer par d’autres entreprises que celles
de l’industrie d’alcool » a ainsi argumenté avec précision
Jérôme Salomon offrant des réponses sans appel à différents
arguments déployés par les défenseurs de l’autorisation de la vente
d’alcool dans les stades.
« Article scélérat »
Si ces messages semblent écarter la possibilité d’une adoption de
cet article (d’autant plus que certains élus LREM se sont
désolidarisés de leurs confrères, dont le professeur Jean-Louis
Touraine), on mesure à l’aulne de cet épisode la nécessité d’une
détermination sans faille de nos décideurs, qui ne pourront pas
toujours se contenter d’un tweet même circonstancié pour contrer
les assauts politiciens et opportunistes totalement éloignés des
enjeux de santé publique. A cet égard, l’engagement des
associations apparaît essentiel pour prévenir de la part du
gouvernement toute faiblesse électoraliste. La Fédération
addiction, l’Association nationale de prévention en alcoologie et
addictologie (ANPPA) et la Ligue contre le Cancer ont ainsi cette
semaine immédiatement affiché leur indignation. Le président de la
Ligue, notamment, le professeur Axel Kahn a ainsi insisté à propos
des prétendues injustices que constitueraient les différences entre
clubs amateurs et clubs professionnels, loges VIP et gradins : «
Il ne devrait pas être question d’adapter la loi à la réalité
d’une situation, mais plutôt de tout faire pour empêcher que la
consommation d’alcool ne s’aggrave en interdisant son introduction
dans les grandes manifestations sportives (…). Cet article de loi
scélérat doit être retiré » a-t-il martelé dans une interview
accordée au Figaro.
Effectivement on peut argumenter sur le fait qu'il y ait 2 catégories de spectateurs dans les stades, les VIP qui ont droit au champagne, et les autres qui n'ont droit à rien; mais il faut quand même remarquer, que les VIP, bien champagnisés sont rarement à l'origine des bagarres et violences que l'on observe de la part des autres supporter…