Sécurité sociale, retraites, alcool et PMA : la rentrée chargée d’Agnès Buzyn

Paris, le jeudi 22 août 2019 – Le discours de politique générale d’Édouard Philippe le 12 juin dernier laissait deviner que l’acte II du quinquennat d’Emmanuel Macron devrait largement mettre sur le devant de la scène le ministre des Solidarités et de la Santé, Agnès Buzyn que le Président de la République a préféré gardé dans son équipe plutôt que de l’envoyer au Parlement européen. La rentrée du gouvernement hier et l’entretien accordé par Agnès Buzyn à Jean-Jacques Bourdin sur RMC confirme combien elle devrait être exposée dans les mois qui viennent.

Retraites : concertation citoyenne

Sa mission la plus périlleuse concernera tout d’abord l’accompagnement de la réforme des retraites qui suscite déjà, notamment dans les rangs des professionnels de santé, médecins en tête, des inquiétudes voire des crispations. Sur ce point, Agnès Buzyn a annoncé le lancement d’une nouvelle « concertation citoyenne » dès la semaine prochaine, dont il est difficile de préciser pour l’heure le mode de fonctionnement et la force décisionnaire. « Nous attendons les retours de nos concitoyens sur les propositions qui ont été faites » a simplement indiqué le ministre de la Santé, alors qu’il a également été signalé que la concertation devrait dans la forme s’inspirer du grand débat (ce qui selon le gouvernement est un gage de prise en considération de ses conclusions).

PMA : questions autour du remboursement

Outre cette bataille des retraites, qui suscite l’incertitude quant à l’ampleur des mobilisations qu’elle pourrait engendrer, le ministre de la Santé partagera par ailleurs avec le ministre de la Justice le dossier également très délicat de la révision de la loi de bioéthique. Là aussi, les commentateurs politiques habituels se montrent circonspects : assistera-t-on à une mobilisation aussi marquée que lors des débats sur le mariage pour tous ou les discussions seront-elles plus apaisées ? Déjà, en tout état de cause, le ministre de la Santé est confronté à des questionnements multiples. Ne commentant pas encore le problème quasiment ubuesque d’une possible destruction des stocks de gamètes en raison des nouvelles dispositions concernant l’anonymat des donneurs, le ministre a pour l’heure évoqué avec Jean-Jacques Bourdin celui du remboursement par la Sécurité sociale des actes de procréation médicale assistée (PMA) pour les femmes seules ou les couples de femmes. Beaucoup jugent que cette prise en charge représente un dévoiement de l’esprit de la Sécurité sociale qui dans la très grande majorité des cas aujourd’hui assure le remboursement des soins en cas de pathologie avérée. Agnès Buzyn a cependant tenu à corriger cette idée largement répandue en rappelant : « Aujourd’hui quand un couple demande l’assistance à la procréation médicale, il a comme seul élément objectif le fait de ne pas être parvenu à avoir un enfant pendant un an. On n’a pas besoin d’être malade aujourd’hui pour accéder à la PMA, même quand on est un couple hétérosexuel, on n’a pas à prouver qu’on est infertile. D’ailleurs souvent on ne trouve pas de cause d’infertilité » a expliqué le ministre. De fait, de plus en plus fréquemment aujourd’hui, c’est l’âge trop avancé qui explique les recours à la PMA, soit une situation non pathologique.

Équations complexes en vue

Plus consensuel, mais techniquement et économiquement également très complexes deux autres chantiers attendent le ministre de la Santé : la traditionnelle loi de financement de la Sécurité sociale et une loi dédiée à l’amélioration de la prise en charge de la dépendance et du grand âge. Concernant le premier texte, les équilibres sont plus délicats à garantir que les années précédentes. En effet, après plusieurs années d’embellie, la Sécurité sociale devrait enregistrer en 2018 une progression de son déficit (passant de 1,2 milliard à 1,7 milliard) quand certains avaient espéré un léger excédent. Or, l’addition pourrait se corser davantage en raison de la multiplication des annonces de ces derniers mois : CSG réduite pour certains retraités, exonération des heures supplémentaires… A ces mesures destinées à apaiser la grogne sociale, s’ajoutent des enveloppes supplémentaires pour les EHPAD, les hôpitaux et les allocations familiales (avec un recouvrement automatique des pensions alimentaires non payées). Ces différentes dépenses supplémentaires ne seront que difficilement palliées par de maigres recettes (diminution de certaines niches sociales, augmentation du prix du tabac ou déremboursement partiel de l’homéopathie). Si le budget de la Sécurité sociale sera donc un exercice comme toujours périlleux, la problématique budgétaire sera également délicate à l’heure de se pencher sur le projet de loi dédié à la dépendance.

Urgences : une réponse trop médico-centrée ?

Enfin, à ces lourds dossiers législatifs, s’ajouteront pour le ministre de la Santé la résolution de problématiques et de crises plus aiguës. Ainsi, le ministre de la Santé n’a pu que reconnaître hier au micro de Jean-Jacques Bourdin qu’un tiers des services d’urgences de notre pays était actuellement en grève. Si elle a promis de rencontrer dans les semaines qui viennent les membres du collectif Inter-Urgences qui sont les principaux initiateurs de ce mouvement, les réponses qu’elle a avancées devraient décevoir. Le ministre a en effet une nouvelle fois insisté sur les mesures qui avaient déjà été déployées (telle la prime de 100 euros) et estimé que dans de nombreux cas les réponses étaient locales. En outre, alors que le mouvement est pour l’heure principalement suivi par les personnels paramédicaux, elle s’est largement concentrée sur les difficultés des médecins en remarquant « la crise des urgences ne serait pas réglée en ouvrant des nouveaux postes de médecins. Il faut plutôt repenser l'organisation du temps médical afin qu'ils se concentrent sur leur cœur de métier ».

L’alcool continuera à couler à flot dans les loges VIP des stades

Y aura-t-il dans cet automne très chargé une place pour la santé publique ? Agnès Buzyn a déjà été interrogée sur la proposition décapante de députés La République en Marche (LREM) d’assouplir la loi Evin en autorisant la vente d’alcool dans les stades. Après avoir déjà signalé fermement son opposition à toute évolution dans ce sens, elle a assuré hier au micro de Jean-Jacques Bourdin ignorer que l’on pouvait consommer de l’alcool légalement dans les loges VIP des stades (alors que cette disparité a été régulièrement mise en avant ces dernières semaines). Apprenant cette différence, Agnès Buzyn a jugé que « si une question doit se poser, c’est (…) celle de supprimer l’alcool dans les loges VIP ». Fallait-il y voir une annonce audacieuse qui pourrait rasséréner l’ensemble des spécialistes de la lutte contre les addictions ? Non, qu’on se rassure, son cabinet a rapidement précisé dans la journée : « Elle a simplement retourné l’argument qu’on lui opposait sous forme de boutade. Il n’y a aucun projet d’interdiction de l’alcool dans les loges VIP ».

Champagne !

Aurélie Haroche

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Vos réactions (1)

  • Pirouette

    Le 26 août 2019

    Quelle belle pirouette, sur les couples hétéro chez qui le bébé n'arrive pas, après 1 ans de tentative, sans pathologie avéré.
    Pourquoi rembourse t-on ces PMA ? Si ce n'est pas de la patho. Avec cet énorme déficit de la sécurité sociale.

    Dr Patricia Saurin

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