Retraites : concertation citoyenne
Sa mission la plus périlleuse concernera tout d’abord
l’accompagnement de la réforme des retraites qui suscite déjà,
notamment dans les rangs des professionnels de santé, médecins en
tête, des inquiétudes voire des crispations. Sur ce point, Agnès
Buzyn a annoncé le lancement d’une nouvelle « concertation
citoyenne » dès la semaine prochaine, dont il est difficile de
préciser pour l’heure le mode de fonctionnement et la force
décisionnaire. « Nous attendons les retours de nos concitoyens
sur les propositions qui ont été faites » a simplement indiqué
le ministre de la Santé, alors qu’il a également été signalé que la
concertation devrait dans la forme s’inspirer du grand débat (ce
qui selon le gouvernement est un gage de prise en considération de
ses conclusions).
PMA : questions autour du remboursement
Outre cette bataille des retraites, qui suscite l’incertitude
quant à l’ampleur des mobilisations qu’elle pourrait engendrer, le
ministre de la Santé partagera par ailleurs avec le ministre de la
Justice le dossier également très délicat de la révision de la loi
de bioéthique. Là aussi, les commentateurs politiques habituels se
montrent circonspects : assistera-t-on à une mobilisation aussi
marquée que lors des débats sur le mariage pour tous ou les
discussions seront-elles plus apaisées ? Déjà, en tout état de
cause, le ministre de la Santé est confronté à des questionnements
multiples. Ne commentant pas encore le problème quasiment ubuesque
d’une possible destruction des stocks de gamètes en raison des
nouvelles dispositions concernant l’anonymat des donneurs, le
ministre a pour l’heure évoqué avec Jean-Jacques Bourdin celui du
remboursement par la Sécurité sociale des actes de procréation
médicale assistée (PMA) pour les femmes seules ou les couples de
femmes. Beaucoup jugent que cette prise en charge représente un
dévoiement de l’esprit de la Sécurité sociale qui dans la très
grande majorité des cas aujourd’hui assure le remboursement des
soins en cas de pathologie avérée. Agnès Buzyn a cependant tenu à
corriger cette idée largement répandue en rappelant : «
Aujourd’hui quand un couple demande l’assistance à la
procréation médicale, il a comme seul élément objectif le fait de
ne pas être parvenu à avoir un enfant pendant un an. On n’a pas
besoin d’être malade aujourd’hui pour accéder à la PMA, même quand
on est un couple hétérosexuel, on n’a pas à prouver qu’on est
infertile. D’ailleurs souvent on ne trouve pas de cause
d’infertilité » a expliqué le ministre. De fait, de plus en
plus fréquemment aujourd’hui, c’est l’âge trop avancé qui explique
les recours à la PMA, soit une situation non
pathologique.
Équations complexes en vue
Plus consensuel, mais techniquement et économiquement
également très complexes deux autres chantiers attendent le
ministre de la Santé : la traditionnelle loi de financement de la
Sécurité sociale et une loi dédiée à l’amélioration de la prise en
charge de la dépendance et du grand âge. Concernant le premier
texte, les équilibres sont plus délicats à garantir que les années
précédentes. En effet, après plusieurs années d’embellie, la
Sécurité sociale devrait enregistrer en 2018 une progression de son
déficit (passant de 1,2 milliard à 1,7 milliard) quand certains
avaient espéré un léger excédent. Or, l’addition pourrait se corser
davantage en raison de la multiplication des annonces de ces
derniers mois : CSG réduite pour certains retraités, exonération
des heures supplémentaires… A ces mesures destinées à apaiser la
grogne sociale, s’ajoutent des enveloppes supplémentaires pour les
EHPAD, les hôpitaux et les allocations familiales (avec un
recouvrement automatique des pensions alimentaires non payées). Ces
différentes dépenses supplémentaires ne seront que difficilement
palliées par de maigres recettes (diminution de certaines niches
sociales, augmentation du prix du tabac ou déremboursement partiel
de l’homéopathie). Si le budget de la Sécurité sociale sera donc un
exercice comme toujours périlleux, la problématique budgétaire sera
également délicate à l’heure de se pencher sur le projet de loi
dédié à la dépendance.
Urgences : une réponse trop médico-centrée ?
Enfin, à ces lourds dossiers législatifs, s’ajouteront pour le
ministre de la Santé la résolution de problématiques et de crises
plus aiguës. Ainsi, le ministre de la Santé n’a pu que reconnaître
hier au micro de Jean-Jacques Bourdin qu’un tiers des services
d’urgences de notre pays était actuellement en grève. Si elle a
promis de rencontrer dans les semaines qui viennent les membres du
collectif Inter-Urgences qui sont les principaux initiateurs de ce
mouvement, les réponses qu’elle a avancées devraient décevoir. Le
ministre a en effet une nouvelle fois insisté sur les mesures qui
avaient déjà été déployées (telle la prime de 100 euros) et estimé
que dans de nombreux cas les réponses étaient locales. En outre,
alors que le mouvement est pour l’heure principalement suivi par
les personnels paramédicaux, elle s’est largement concentrée sur
les difficultés des médecins en remarquant « la crise des
urgences ne serait pas réglée en ouvrant des nouveaux postes de
médecins. Il faut plutôt repenser l'organisation du temps médical
afin qu'ils se concentrent sur leur cœur de métier
».
L’alcool continuera à couler à flot dans les loges VIP des stades
Y aura-t-il dans cet automne très chargé une place pour la
santé publique ? Agnès Buzyn a déjà été interrogée sur la
proposition décapante de députés La République en Marche (LREM)
d’assouplir la loi Evin en autorisant la vente d’alcool dans les
stades. Après avoir déjà signalé fermement son opposition à toute
évolution dans ce sens, elle a assuré hier au micro de Jean-Jacques
Bourdin ignorer que l’on pouvait consommer de l’alcool légalement
dans les loges VIP des stades (alors que cette disparité a été
régulièrement mise en avant ces dernières semaines). Apprenant
cette différence, Agnès Buzyn a jugé que « si une question doit
se poser, c’est (…) celle de supprimer l’alcool dans les loges
VIP ». Fallait-il y voir une annonce audacieuse qui pourrait
rasséréner l’ensemble des spécialistes de la lutte contre les
addictions ? Non, qu’on se rassure, son cabinet a rapidement
précisé dans la journée : « Elle a simplement retourné
l’argument qu’on lui opposait sous forme de boutade. Il n’y a aucun
projet d’interdiction de l’alcool dans les loges VIP
».
Aurélie Haroche