Pour ne plus voir le jambon en rose : une pétition de la Ligue contre le cancer

Paris, le mercredi 20 novembre 2019 – La Ligue contre le cancer, l'ONG FoodWatch et l'application Yuka lancent aujourd’hui une pétition commune visant à obtenir des pouvoirs publics la suppression de deux additifs alimentaires, les E249 et E250. Ces composants plus connus sous l’appellation générique de "nitrites" sont largement utilisés par l’industrie de la charcuterie pour donner au jambon une couleur rosée, censée aiguiser l’appétit des consommateurs. Cependant, même si ce classement a été l’objet de controverses (notamment récemment), on le sait, la consommation de charcuterie (au-delà de 50 grammes par jour) est considérée comme certainement cancérogène par le Centre international de recherche contre le cancer (CIRC). Ce risque pourrait être en renforcé avec les charcuteries transformées, sous l’effet notamment des nitrites.

Préoccupation croissante dans la population générale

Cette action de la Ligue contre le cancer n’étonnera pas. Elle s’inscrit dans une stratégie initiée il y a quelques mois qui a vu la même Ligue défendre notamment l’adoption d’un Toxi-score sur l’ensemble des produits de consommation courante, afin de sensibiliser les populations aux risques qui seraient associés à certaines substances chimiques. D’une manière générale, ces dernières, même à l’état de traces, suscitent, on le sait, une attention croissante dans la population générale. Le succès de l’application dédiée aux aliments Yuka, dont le score repose en partie (30 %) sur la présence ou non d’additifs en est un exemple parmi d’autres.

Généralisation des additifs

Face à des dispositifs qui n’offrent pas toujours une appréciation raisonnée des risques réels, conscientes de la préoccupation croissante, les autorités sanitaires publiques se concentrent de plus en plus activement sur ces sujets. L’Agence nationale de sécurité sanitaire (ANSES) publie ainsi aujourd’hui un état des lieux concernant la présence d’additifs dans les produits transformés. Il apparaît que rares sont ceux qui y échappent : des additifs ont été retrouvés dans 78 % des aliments étudiés (plus de 30 000). Cependant, l’ANSES relève que « seuls un petit nombre d’additifs sont fréquemment utilisés : sur environ 400 additifs actuellement autorisés, 42 sont retrouvés dans au moins 2 % des aliments et seulement 8 additifs sont identifiés dans au moins 10 % des aliments ».

Ces données ne permettent cependant pas de déterminer le niveau de risque pour la santé. Si tel n’était pas l’objectif des travaux présentés aujourd’hui, le docteur Mathilde Touvier, directrice de l’équipe de recherche en épidémiologie nutritionnelle (Inserm/université Paris-XIII/INRA/CNAM) signale interrogée dans Le Monde : « La plupart [des additifs] ne présentent probablement pas de risques, mais, pour certains, il y a une accumulation récente d’études, notamment in vitro ou chez l’animal, qui suggèrent des risques pour la santé » parmi lesquels les fameux nitrites et nitrates.

Baisse de l’exposition

Si un risque pourrait donc exister pour quelques additifs, des éléments rassurants peuvent néanmoins être mis en avant suggérant une diminution de l’exposition (concourant donc à une diminution du risque quel qu’il soit). « Parmi les 20 catégories pour lesquelles des données d’évolution sont disponibles, le nombre d’aliments sans additif est en augmentation, passant de 13,7% à 18,3% des produits depuis le début des années 2010 » relève ainsi l’ANSES. Concernant notamment les nitrites, les étalages accueillent de plus en plus fréquemment des produits certifiés sans nitrite ; ce qui pour les opposants à ces substances est une preuve effective qu’il est possible de s’en passer.

4000 cancers par an, vraiment ?

Néanmoins, concernant ces nitrites, l’évaluation parfaite de l’exposition et du risque est complexe. Si le président de la Ligue contre le cancer affirme que près de 4 000 cancers par an seraient imputables à la consommation de nitrites, en particulier des cancers colorectaux, l’assertion est difficile à confirmer scientifiquement.  En effet, les cancers sont multi-factoriaux, tandis que l’exposition de la population aux nitrites ne provient pas uniquement des jambons transformés, mais aussi en grande partie de la transformation de nitrates des végétaux lors de la digestion.

Par ailleurs, aujourd’hui, la consommation de charcuterie a fortement diminué en France, limitant une fois encore ce facteur de risque.

Aurélie Haroche

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Vos réactions (2)

  • La "couleur rose" protège le jambon des infections

    Le 22 novembre 2019

    C'est le nitrite qui donne au jambon cuit sa couleur rose. Si on n'y a pas mis de nitrite, c'est qu'on y a mis des nitrates qui se transforment en nitrite par fermentation.

    Cette couleur rose a un effet sur lequel la fameuse ligue contre le cancer et l'Anses dont on connaît l'extraordinaire compétence s'insurgent protège le jambon des infections quand il est laissé à l'air libre, ce qui est toujours le cas dans les rayons de charcuterie.

    Sans nitrites, on a un jambon gris que personne n'achètera et qui doit être conservé à 4 ° !

    Des études sérieuses - donc anglo-saxonnes - ont montré que la viande rouge augmentait le risque de cancer colo-rectaux. S'il existe un risque de cancer avec le nitrite, c'est celui de l'estomac.

    Ni les saucisses, ni le saucisson, ni les jambon cru ne contiennent du nitrite. Il est aberrant de les classer avec le jambon cuit !

    Dr Guy Roche

    PS : mon père dirigeait une entreprise de charcuterie et j'étais gastro-entérologue. J'ai donc une certaine compétence sur le sujet.

  • Il serait peut être bon de légiférer (au Dr Roche)

    Le 24 novembre 2019

    Il n'est en effet pas nécessaire de mettre des nitrites dans le jambon cru, les saucisses et le saucisson mais les industriels en mettent quand même et c'est bien là le scandale.

    Trouver de la viande de porc sans nitrite à notre époque relève du tour de force. Il faut avoir du temps et l'espoir chevillé au corps pour lire toutes les étiquettes et ne trouver dans mon supermarché que 2 produits sans nitrites: un pot de rillette et 1 jambon cru venant d'Italie...

    Il y a depuis quelques mois quelques produits supplementaires (jambon et lardons) qui se vendent à prix d'or...
    Le prix de la santé ??
    Il serait peut être bon de légiférer... encore...

    C.K (SF)



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