
Cet article se propose de décrire les données probantes actuelles sur l’utilisation des corticostéroïdes dans les pneumopathies communautaires (PC) dans l'espoir que les cliniciens réévalueront ce qui est devenu une pratique potentiellement dangereuse.
Alors que nombre de petites études ont tenté d'évaluer l'utilité des corticostéroïdes dans la PC, circulent maintenant davantage de méta-analyses que d'études primaires. Le consensus général - mais non universel - de ces méta-analyses est que les corticostéroïdes réduisent la mortalité dans les PC graves, mais pas dans les PC non graves. L'une des plus récentes et des plus rigoureuses des méta-analyses fait état d'un ratio de risque de mortalité de 0,58 (intervalle de confiance à 95 % IC 95 %, 0,40 à 0,84) associé à l'utilisation de corticostéroïdes en cas de PC grave, alors qu’aucun avantage n'a été observé chez les patients présentant une PC non grave (rapport de risque, 0,95 ; IC 95 %, 0,45-2,00).
Les méta-analyses n'ont pas réussi à faire une critique des études incluses
Malgré l'amélioration de la mortalité signalée chez les patients atteints d'une PC grave, il est essentiel que les cliniciens comprennent les limites des données probantes sur les corticostéroïdes et comment les méta-analyses n'ont pas réussi à faire une critique des études incluses. Plus important encore, les cliniciens devraient savoir qu'il n'existe aucune preuve crédible d'amélioration des résultats chez les patients atteints d'une PC non grave.Et de relever d’énormes biais dans l’étude de Nafae et al. publiée dans l'Egyptian Journal of Chest Diseases and Tuberculosis (2013), dans celle de Sabry et Omar, de Confalonieri et al., de Torres et al. Pour résumer toutes les autres études, les seuls résultats positifs cliniquement importants sont que les corticostéroïdes ont été associés à une réduction de la durée de l'antibiothérapie et à une réduction de la durée du séjour à l'hôpital. L'analyse de ces études montre toutefois que la durée de l'hospitalisation était supérieure à 7 jours, plus longue que prévu aux États-Unis et en Australie, soulevant à nouveau la question de la pertinence. Une normalisation plus rapide de la température est souvent rapportée ce qui n’est guère surprenant étant donné l'effet antipyrétique des corticostéroïdes et ce qui explique également de légères améliorations dans le délai de stabilisation clinique.
Moins d’infarctus du myocarde ?
Une récente analyse rétrospective de 758 patients atteints de
PC a signalé que les patients traités par corticostéroïdes
systémiques (32 %) semblaient présenter un risque plus faible
d'infarctus du myocarde pendant leur hospitalisation (0,42
vs 0,89 événement par 100 personnes-jours). Or, la
prévention efficace des lésions myocardiques aiguës chez les
patients atteints de PC est maintenant un sujet de préoccupation
majeure et les données sont limitées.
Primum non nocere
En résumé, il est possible que les corticostéroïdes puissent
être bénéfiques chez un petit sous-groupe de patients atteints
d'une PC sévère, mais à l'heure actuelle, ce groupe n'a pas été
caractérisé et la PC sévère elle-même a été définie de façon
variable dans les études jugées pertinentes. Une analyse
avantages-risques exigerait un suivi à plus long terme que dans la
plupart des études pertinentes, ainsi qu'une évaluation des
complications potentielles liées aux corticostéroïdes. Or il
n’existe aucune étude conçue à cette fin.
Dr Bernard-Alex Gaüzère