Pneumonie à 2019-nCoV : tout a débuté au marché aux poissons…

L’épidémie à coronavirus, qui sévit actuellement en Chine, a débuté dans une métropole de onze millions d’habitants, Wuhan (province de Hubei) devenue célèbre en peu de temps. C’est dans les premiers jours de décembre 2019 que le nouveau membre de la famille des coronavirus du nom de 2019-nCoV commence à faire des siennes sur le plan clinique. Les quatre premiers cas, identifiés par les hôpitaux de proximité, ne surviennent pas au hasard. Ils concernent en effet des patients qui ont été en contact direct avec le marché aux fruits de mer de Huanan. Le diagnostic initial qui va mettre la puce à l’oreille dans un pays qui a notamment été confronté à l’épidémie de SRAS (syndrome respiratoire aigu sévère) en 2003 est « pneumonie de cause inconnue », de quoi réveiller les angoisses suscitées par la petite famille des coronavirus. En peu de temps, le nouvel arrivant est identifié et séquencé, cependant que les cas de pneumonie liée à ce dernier se multiplient rapidement en Chine, tout en accédant à pas feutrés à une douzaine de pays de par le Monde, dont la France (5 cas avérés au 29 janvier 2019).

Une publication du Lancet (30 janvier) permet de préciser les caractéristiques épidémiologiques initiales de l’infection à 2019-nCoV ainsi que les modalités de sa transmission à partir des 425 premières observations cliniques recueillies en décembre 2019 et janvier 2020 à Wuhan, épicentre de l’épidémie chinoise actuelle. Les données démographiques, l’exposition préalable à l’agent pathogène (ancienneté, modalités etc.), la chronologie des cas confirmés par les examens de laboratoire ont été revues et analysées jusqu’au 22 janvier 2020, date à laquelle l’étude se termine. Il est ainsi permis de se faire une idée approximative mais précieuse sur deux grandes caractéristiques épidémiologiques de l’infection au moment où sa propagation s’est faite de manière exponentielle : le temps de doublement de l’épidémie - le temps nécessaire pour que le nombre de cas soit multiplié par deux- et le taux de reproduction de base - le nombre d’individus contaminés par un individu infecté.- deux paramètres issus de la modélisation mathématique des maladies infectieuses.

Temps de doublement 7,4 jours, taux de reproduction de base 2,2

Au sein de la cohorte précédemment définie, l’âge médian a été estimé à 59 ans et le sexe masculin prédomine quelque peu (56 %). Surtout, dans la majorité des cas (55 %) vus en majorité avant le 1er janvier 2020, l’infection a trouvé son origine dans le désormais fameux marché aux fruits de mer de Huanan, à la différence des cas postérieurs (8,6 %) à cette date. La durée moyenne de l’incubation a été estimée à 5,2 jours (intervalle de confiance à 95 %, IC 95 %, 4,1 à 7,0), le 95ème percentile de la distribution correspondante étant calculé à 12,5 jours. A ses stades les plus précoces qui sont ceux visés dans cette étude, le temps de doublement de l’épidémie a été estimé à 7,4 jours. En prenant comme valeur moyenne un intervalle sériel de 7,5 jours, le taux de reproduction de base a été estimé, pour sa part, à 2,2 (IC 95 %, 1,4 à 3,9).

Sur la base de ces informations épidémiologiques qui valent pour la période étudiée dans des conditions bien définies, il peut être établi que la transmission interhumaine de l’infection était à l’œuvre dès la mi-décembre 2019 et que les contacts des sujets infectés ont pu être nombreux. De quoi expliquer la cinétique actuelle de l’épidémie à l’échelon de la Chine, en espérant que le confinement de près de 60 millions de Chinois permettra d’endiguer l’épidémie. L’amplitude des mesures préventives dans d’autres pays dépendra des caractéristiques épidémiologiques spécifiques à chacun d’entre eux et de l’efficacité de la quarantaine appliquée aux sujets rapatriés et aux cas suspects, le problème des contacts étant réglé par leur « autosurveillance » clinique.

La durée de la quarantaine est-elle optimale ? Les auteurs posent la question en soulignant que cette dernière a été calculée à partir… de dix cas, de sorte qu’à leurs yeux, elle peut être considérée comme imprécise et que d’autres données épidémiologiques en temps réel sont requises pour préciser le profil de l’infection à 2019-nCov et le comparer à celui des infections à d’autres coronavirus, telles le SRAS ou encore le syndrome respiratoire du Moyen-Orient (MERS-Cov).

Dr Peter Stratford

Référence
Li Q et coll. : Early Transmission Dynamics in Wuhan, China, of Novel Coronavirus-InfectedPneumonia. N Engl J Med. 2020 : publication avancée en ligne le 29 janvier. doi: 10.1056/NEJMoa2001316.

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Vos réactions (2)

  • Ce n'est pas un marché de poisson

    Le 31 janvier 2020

    C'est un marché global, donc un lieu ou l'on trouve bien d'autres choses que des produits de la mer d'une part et d'autre part bien des produits interdits à la vente. Par respect pour tous les acteurs des filières produits de la mer, vous devriez faire un peu attention...

    Dr Bertrand Carlier (vétérinaire)

  • Roussettes, sélaciens ou chiroptères ?

    Le 31 janvier 2020

    Ce qui est impressionnant dans cette épidémie en Chine, c'est son rapide essaimage dans la plupart des provinces. Voir la carte avec https://gisanddata.maps.arcgis.com/apps/opsdashboard/index.html#/bda7594740fd40299423467b48e9ecf6

    Comme le signale le Dr Carlier, on trouvait de tout dans ce marché à l'enseigne du poisson. Il s'était spécialisé dans ce qui était théoriquement interdit depuis le SRAS et sa civette source. Il était donc bien achalandé et recevait des clients prévoyants, certains venus sans doute de loin, pour leurs achats de janvier. Au besoin ils passaient commande sans se déplacer. Si on a craint à tort les colis internationaux (demandant des délais au delà de l'infectiosité), les livraisons à courte distance ont sans doute multiplié les cas dans Wuang, surtout si le livreur était contagieux.

    Je pense que l'inquiétude mondiale va vite retomber et que le dragon va se dégonfler comme une baudruche.

    Comme le disent déjà quelques médecins, la gravité de ce 2019nCoV tient grandement à la qualité de l'air respiré. Malheureusement pour les habitants de Wuang, cette qualité est durablement médiocre, en particulier avec des taux élevés en particules fines, vis-à-vis desquels la quarantaine n'a eu aucun effet ces dernières semaines.

    JPHM (Biologiste épidémiologiste en retraite. 86 ans)

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