Tumeurs neuro-endocrines du tractus digestif : traquer la dénutrition

Une équipe anglo-néerlandaise s’est intéressée au statut nutritionnel et vitaminique des patients atteints d’une tumeur neuro-endocrine (TNE) gastro-intestinale ou pancréatique. De fait, plusieurs études ont montré que jusqu’à 40 % de ces malades étaient dénutris. Certes le diagnostic n’est pas facile et l’on estime qu’environ la moitié des patients sont déjà à un stade métastatique au moment de la découverte de la tumeur, mais même dans les centres spécialisés l’évaluation nutritionnelle n’est pas systématique. Or, dans les TNE digestives, plusieurs facteurs peuvent être responsables de troubles gastro-intestinaux : localisation de la tumeur, syndrome carcinoïde (SC) en cas de cancer fonctionnel à l’origine de la sécrétion de sérotonine, effets secondaires de la chirurgie, des analogues de la somatostatine, de la chimiothérapie… Le tout pouvant conduire à une perte de poids, voire à une cachexie. Et la dénutrition a de nombreuses conséquences délétères sur le pronostic : diminution de la réponse au traitement, hospitalisations plus longues, augmentation des complications, mortalité plus élevée.

Penser aussi aux carences vitaminiques

Plusieurs études ont aussi montré la très grande fréquence des carences vitaminiques, principalement en vitamines liposolubles (A, D, E, K1) et aussi en vitamines B12 et B3. Concernant la vitamine D, il a même été mis en évidence une corrélation négative entre les taux vitaminiques et la survie, la survie globale étant augmentée en cas d’apport de vitamine D (mais pas chez tous les patients). Cette intervention permet également d’améliorer la densité minérale osseuse. 

En cas de SC, la production élevée de sérotonine puise dans les réserves de tryptophane, majoritairement utilisé pour la synthèse de la vitamine B3, ce qui peut aboutir, dans 5 % des cas, à une pellagre avec atteinte cutanée, diarrhée et démence, nécessitant alors une supplémentation. La dénutrition peut aussi abaisser les taux d’éléments trace comme le cobalt, le cuivre, le fluor, l’iode, le sélénium et le zinc avec des conséquences négatives possibles sur la cicatrisation, l’humeur ou le système immunitaire, mais les données sont encore très parcellaires dans ce domaine. 

Les auteurs se sont penchés plus précisément sur les causes de la dénutrition en détaillant davantage les données sur la diarrhée, symptôme « phare » des TNE gastro-intestino-pancréatiques. Il s’agit du cancer lui-même qui accroît le métabolisme, la résistance à l’insuline, la lipolyse et la protéolyse ; du métabolisme de la tumeur et de l’inflammation qui induisent la sécrétion de cytokines augmentant les pertes énergétiques. En présence de SC, la diarrhée contribue aussi à la dénutrition, tout comme l’éviction de certains aliments. En cas de localisation à l’intestin grêle, des phénomènes d’obstruction intestinale peuvent aussi modifier l’alimentation. Une résection intestinale peut conduire à une diarrhée et une malabsorption ; peuvent s’y ajouter des déficits en vitamines, une colonisation bactérienne, une malabsorption des acides biliaires, une insuffisance pancréatique exocrine (IPE). Les traitements par analogues de la somatostatine peuvent aussi provoquer une stéatorrhée due à une IPE.

Plusieurs options thérapeutiques existent pour soulager ces symptômes. Ainsi la diarrhée due à un SC nécessite, en premier lieu, une optimisation du traitement par analogues de la somatostatine. Parfois une désobstruction chirurgicale, une intervention à visée hépatique (chimio-embolisation de l’artère hépatique, radiofréquence, etc.) peuvent permettre de réduire la production hormonale. Un inhibiteur de la tryptophane décarboxylase a aussi donné de bons résultats. Dans d’autres cas, c’est l’ondansétron, les inhibiteurs de la pompe à protons, le lopéramide ou la codéine qui sont utilisés. En cas de malabsorption des acides biliaires, on propose des résines chélatrices ; une colonisation microbiennne réclame un traitement antibiotique, une insuffisance pancréatique externe, des enzymes pancréatiques.

Les auteurs insistent beaucoup sur l’importance de dépister la dénutrition à chaque consultation, de rechercher et de corriger une carence vitaminique et d’inclure un spécialiste de la nutrition dans l’équipe pluridisciplinaire, tout particulièrement en cas de dénutrition.  

Dr Louise Guisgand

Référence
Clement D et coll. Nutritional and vitamin status in patients with neuroendocrine neoplasms. World J Gastroenterol., 2019 ; 25 : 1171-1184.

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