Exclusif : soutien très majoritaire des professionnels aux chefs de service démissionnaires

Paris, le jeudi 6 février 2020 – Depuis le début de la semaine, des dizaines de chefs de service ont officiellement remis leur lettre de démission de leur fonction administrative aux directeurs de leur établissement. Fin décembre puis début janvier, plusieurs centaines de praticiens avaient annoncé publiquement leur intention de renoncer à leurs tâches administratives, afin de dénoncer la dégradation des conditions de travail à l’hôpital public et les conséquences délétères, selon eux, d’une logique managériale obnubilée par l’idée de rentabilité. Face à l’absence de réactions satisfaisantes des pouvoirs publics, à l’exception des déclarations du ministre rappelant les différentes mesures annoncées ces derniers mois, les chefs de service mettent les uns après les autres leur menace à exécution.

81 % des professionnels de santé ont une opinion favorable de la démission des chefs de service

De la même manière que la grève conduite dans les services d’urgences depuis le printemps dernier (et qui perdure sous des formes diverses dans de nombreuses unités) a suscité un soutien massif de la population (jusqu’à 84 % selon une enquête réalisée en octobre pour Opinionway-Square Management), l'initiative de ces chefs de service est également l’objet d’une adhésion majeure des professionnels de santé. Ainsi, un sondage réalisé dans nos colonnes entre le 15 janvier et le 1er février (auquel plus de 1000 lecteurs ont participé) révèle que 81 % d’entre eux soutiennent la démission de ces praticiens. Ils ne sont que 16 % à ne pas accorder leur adhésion à cette forme d'action, quand 3 % s’interrogeant peut-être sur les réalités concrètes et les conséquences possibles pour l’organisation des hôpitaux d’une telle attitude préfèrent ne pas se prononcer.

Sondage réalisé sur JIM du 15 janvier au 2 février 2020

Au-delà des dissensions

Certains commentaires provoqués par l’annonce du renoncement de ces chefs de services à leurs fonctions administratives avaient suggéré qu’une action correctrice de la part de ces praticiens pour modifier les organisations défectueuses serait préférable. D’autres ont également pu noter que cette démission apparaît en contradiction avec l’acceptation de leurs postes en toute connaissance de cause. Néanmoins, notre enquête signale que ces perceptions sont très minoritaires et qu’elles ne parviennent pas à entamer un soutien très large, dont l’ampleur est probablement lié au sentiment d’une urgence à agir face à la dégradation réelle des conditions d’accueil des patients et de travail dans les hôpitaux publics. On notera encore que le fait que notre lectorat soit largement composé de professionnels libéraux n’a pas affaibli la force de ce soutien, en dépit des dissensions qui peuvent exister entre l'hôpital et la ville et de la tentation de certains de faire porter une part de la responsabilité des difficultés de l'hôpital sur la désorganisation des soins de ville.

Cœur brisé

Sans doute, l’adhésion des professionnels de santé aura été renforcée par les premières réactions à cette vague de démission. Ainsi, les responsables du collectif Inter-Hôpital à l’origine de cette initiative ont fortement déploré les réponses glaciales de certains directeurs d’établissement, refusant totalement de commenter le contexte de ces départs et se contentant d'en prendre acte. Parallèlement, le fait qu’Agnès Buzyn, ministre de la Santé, ne semble pas prévoir de rencontrer avant mars les chefs de service démissionnaires n’a pu que conforter beaucoup d’observateurs dans l’idée d’un mépris des autorités publiques. Ce rendez-vous parisien pourrait cependant être anticipé si la mobilisation prévue le 14 février prochain était particulièrement suivie. La plupart des syndicats représentants les personnels hospitaliers dont ceux fédérant les praticiens appellent en effet à une grève et à une manifestation nationale le jour de la Saint Valentin pour faire entendre une nouvelle fois leurs voix. En attendant cette date, les démissions se poursuivent et les soutiens, au-delà de celui des lecteurs du JIM, sont de plus en plus déterminants : le collectif Inter Hôpital indique en effet aujourd’hui qu’il a obtenu l’engagement des présidents de CME parisiens de ne pas proposer de chefs de service remplaçants.

Aurélie Haroche

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Vos réactions (3)

  • Cherchez l'erreur

    Le 07 février 2020

    Nommée en 1976 je suis restée plus de 10 ans à l'hôpital public. A l'époque il existait un administratif pour 10 soignants et l'hôpital allait parfaitement bien. Aujourd'hui il y a un administratif pour un soignants cherchez l'erreur.

    Dr Dominique Robine

  • Un jour ou l'autre l'addition se paie. Le nier est tout simplement le mépris des générations à venir

    Le 07 février 2020

    Une "démission administrative" c'est peut-être gênant pour le fonctionnement de l'hôpital, pas pour le salaire du professeur des universités qui ne met en péril ni ses revenus ni sa carrière.
    La logique comptable? Les praticiens privés la vivent tous les jours dans leur cabinet et nul contribuable ne viendra effacer la dette en cas de déficit dit abyssal comme on définit régulièrement le déficit de l'hôpital public.

    Il faut être bien inconscient quand l'accès aux soins coûte déjà un tiers des salaires des français de penser qu'aucune logique comptable ne saurait s'appliquer. Chacun revenu chez lui l'applique dans sa vie quotidienne et ses décisions budgétaires.
    Alors tout cela c'est du raisonnement abstrait. Un jour ou l'autre l'addition se paie. Le nier est tout simplement le mépris des générations à venir.

    Dr Jean-François Michel

  • Le mépris

    Le 07 février 2020

    RDV aux médecins démissionnaires en mars...? En effet, force est de constater que pour le ministère, il n'y a pas le feu au lac...Un signe de plus que la Santé n'est pas, mais vraiment pas à l’ordre du jour du ministère…

    Dr Astrid Wilk

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