
Une recherche dynamique et efficace
On peut tout d’abord saluer la remarquable réactivité des
laboratoires de recherche privés et publics face à la nécessité de
développer rapidement de nouvelles techniques de test.Le premier mode de dépistage repose sur la pratique « classique » de la PCR (réaction en chaîne par polymérase). En France, le protocole adapté au SARS-CoV-2 a été finalisé par l’Institut Pasteur. Le hic, on le sait, est que l’utilisation de cette méthode, non automatisée, nécessite des équipements particuliers (dont sont dotés en France 45 établissements). Afin de pouvoir multiplier le nombre de tests, de nouvelles méthodes devaient donc être développées. La réponse des industriels et des chercheurs a été à la hauteur des attentes. Ainsi le laboratoire français BioMérieux a mis au point un test (qui sera très prochainement disponible) permettant d’obtenir un résultat en quelques heures et qui pourra être produit à l’échelle industrielle. Parallèlement, les laboratoires Roche viennent d’obtenir l’autorisation de la Food and Drug Administration et le marquage CE pour commercialiser un test, dont l’un des intérêts est de pouvoir être mis en œuvre en recourant aux plateformes moléculaires Cobas (présentes dans de nombreux laboratoires d’analyse), soit une promesse d’automatisation. Parallèlement aux travaux de ces géants de la biologie, partout à travers le monde, des sociétés de biotechnologies travaillent au développement de nouveaux dispositifs plus rapides et plus faciles à utiliser.
L’émulation est également intense dans les laboratoires de recherche publics. Ainsi, des scientifiques chinois travaillant à Oxford ont présenté mercredi les premiers résultats très encourageants d’un système reposant sur l’utilisation d’un simple réactif chimique appliqué sur les prélèvements nasaux, qui permet donc d’éviter le recours à des machines.
Exemplarité de la Corée du Sud
Si le développement de ces nouveaux tests est essentiel, c’est en
raison de l’importance d’une pratique de dépistage soutenue pour
mieux contenir l’épidémie, mieux la comprendre et adapter les
dispositifs d’endiguement. A cet égard, l’exemple de la Corée du
Sud est riche d’enseignant. Le pays a en effet réalisé 20 000 tests
par jour (et plus de 260 000 depuis le début de l’année), ce qui
lui a notamment permis de mettre en œuvre une stratégie fine
concernant la quarantaine des patients (et d’éviter un confinement
aussi strict qu’en Europe avec jusqu’ici de meilleurs
résultats).Dépistage massif en population générale : un habitant
sur 30 testé en Islande !
D’autres pays s’inscrivent dans la même ligne que la Corée du Sud,
qui est fortement recommandée par l’Organisation mondiale de la
Santé. Ainsi, Israël a indiqué mardi vouloir fortement augmenter sa
capacité de tester, afin de réaliser jusqu’à 3 000 dépistages par
jour. Un espace « drive-in » devrait notamment être ouvert à
Tel-Aviv permettant de se faire prélever sans quitter sa voiture
comme en Corée du Sud. Des initiatives similaires sont également en
cours de développement en Allemagne ou en Irlande. L’Islande est
également en pointe : un appel aux volontaires a été lancé pour
participer à une opération massive de dépistage chez des sujets
asymptomatiques. Quelques 14 000 prélèvements ont déjà été réalisés
(sur une population totale de 362 000 habitants !) et 3 700
échantillons analysés, qui ont révélé la présence de SARS-CoV-2
dans 1 % des cas. On peut également signaler l’expérience menée en
Italie où les 3 000 habitants de Vo Eugenao (Vénétie) ont été
testés, ce qui a permis de révéler que 30 à 50 % des personnes
contaminées étaient asymptomatiques.4 000 dépistages réalisés le 18 mars en
France
En France, deux chercheurs, Laurent Lagrost (ancien directeur du
centre de recherche UMR1231 de l’INSERM et de l’Université de
Bourgogne à Dijon) et Didier Payen (professeur à l’université Paris
7 et professeur d’anesthésie réanimation) incitent les autorités
françaises à suivre cette voie, dans une tribune publiée par le
Quotidien du médecin. « Cette stratégie est fortement encouragée
par l’OMS. Les campagnes italiennes de dépistage, menées notamment
dans la région de Venise avec le soutien de l’OMS, commencent à
produire des résultats spectaculaires ! » écrivent-ils
notamment. Les deux spécialistes invitent donc à exploiter les
potentialités importantes des laboratoires d’analyse médicale. La
participation de ces derniers est cependant freinée par un obstacle
à la fois dérisoire (eu égard à sa faible technicité) et majeur :
l’absence d’équipements de protection. La France a cependant
entendu ces recommandations et s’est engagée à accroître ses
capacités de dépistage. Ainsi, 4 000 tests ont été réalisés au
cours de la journée de mercredi, alors que jusqu’alors la capacité
quotidienne atteignait 2 500. L’accent est cependant encore
prioritairement mis sur les sujets symptomatiques présentant des
signes de gravité, les personnes à risque et les personnels
soignants.
L’Amérique paye le prix de son hubris
Partout dans le monde cette question du dépistage est un enjeu
capital. La Grande-Bretagne s’est ainsi fixée pour objectif de
doubler sa capacité de tests d’ici la semaine prochaine (pour
atteindre 10 000 par jour). Aux Etats-Unis, le choix de Donald
Trump de repousser les offres d’aide de l’Organisation mondiale de
la Santé (OMS) a entraîné un important retard déploré par le
directeur de l’Institut national des allergies et des maladies
infectieuses et conduisant certains établissements américains à se
tourner vers des fournisseurs européens.Outre un outil essentiel pour mieux lutter contre la propagation du virus, le dépistage massif permet de mieux connaître la part de patients asymptomatiques ou peu symptomatiques et ainsi de disposer d’une évaluation plus exacte de la létalité du virus.
Aurélie Haroche