
Discrétion et humour
Si le propos de Catherine Goblot-Cahen est de mettre en évidence
que certains hérauts peuvent faire preuve de violence, dans ses
observations liminaires, elle remarque : « On s'attendrait a
priori à un comportement empreint d'une prudente réserve ». Or,
ces caractéristiques semblent particulièrement bien s’appliquer au
directeur général de la Santé. La plupart de ses proches insistent
en effet sur sa discrétion et sur sa réserve. « A ses débuts, il
était presque trop discret. Il fallait le pousser à se mettre en
avant. Avec le temps, il a surmonté cette timidité », remarque
cité par l’Obs Didier Tabuteau, conseiller d’Etat et ancien
directeur de cabinet de Bernard Kouchner (Jérôme Salomon fait
partie de ceux que l’on surnomme Les Kouchner boys). Cette attitude
ne l’empêche pas de cultiver un grand sens de l’humour et de
l’autodérision. « C'était le petit dernier de la bande, il était
extrêmement brillant et avait l'air plus sérieux que les autres, un
vrai pince-sans-rire! » décrit Bernard Kouchner dans Les
Echos.Héritage
Ces observations se retrouvent toutes entières dans l’anecdote que
Jérôme Salomon aime à raconter et qu’il n’hésitait pas encore à
évoquer au moment de sa nomination comme DGS en 2018. Quand
il décida d’opter pour la santé publique, son doyen avait ironisé
sur un tel choix quand son classement à l’internat lui permettait
de prétendre à d’autres ambitions. La santé publique et la lutte
contre les maladies infectieuses ont cependant toujours été des
vocations pour Jérôme Salomon, sans doute inspiré par sa filiation
: il compte en effet dans son arbre généalogique le docteur
Pierre-Paul Lévy, l'un des découvreurs du vaccin contre la
diphtérie, dont il garde une ordonnance libellée de sa main dans la
vitrine de son bureau.Proche d’Emmanuel Macron
Né en 1969, à Paris, Jérôme Salomon, a vu sa carrière le conduire
rapidement sous les ors de la République (dans les équipes de
Bernard Kouchner et de Marisol Touraine), avec un détour par
l’Institut Pasteur (dont il fut le responsable des relations
internationales). Proche d’Emmanuel Macron, avec lequel il partage
une même passion pour le piano, dont il fut le principal architecte
du programme santé (il avait d’ailleurs à ce titre répondu aux
questions du JIM pendant la campagne électorale), il avait été un
temps pressenti pour devenir ministre de la Santé. Si Agnès Buzyn
lui fut préférée, il demeura toujours proche du Président de la
République, lui soufflant notamment l’idée de la création du
service sanitaire.Anticipation : objectif manqué
Beaucoup remarquent aujourd’hui que sa connaissance des épidémies
et des menaces sanitaires, couplée à une rigueur remarquée et à une
impression de force tranquille jamais ébranlée font de lui une
figure probablement idéale pour affronter la crise actuelle. De
fait, après avoir conduit sa thèse sur les maladies à prions,
Jérôme Salomon a été l’auteur en collaboration avec le virologue et
professeur Bruno Lina d’un ouvrage sur l’épidémie de grippe H1N1
s’intéressant à ses différents aspects. Peu après sa nomination, le
praticien affirmait d’ailleurs vouloir se concentrer sur «
l’anticipation, l’évaluation quantitative des risques sanitaires
et les capacités de gestion et de communication ». Face aux
nombreuses insuffisances et erreurs que l’on ne peut manquer de
constater dans la gestion de la crise actuelle, on peut regretter
qu’en dépit du sérieux avec lequel il accomplit sa mission de
messager, le directeur général de la Santé n’a pas réussi à
réaliser certains de ses objectifs, pourtant si pertinents.
Aurélie Haroche