
Est-ce que ça marche ?
C’est la question à laquelle l’Imperial College of London, se propose de répondre. Celui-là même qui a réussi à faire infléchir la politique du laisser s’infecter jusqu’à l’immunité de horde, de Boris Johnson (ce dernier n’ayant pas hésité à joindre l’acte à la parole en se retrouvant Covid+), en lui faisant miroiter quelques centaines de milliers d’exitus post Brexitus. Schoking !Du marc de café à la modélisation mathématique
Un modèle hiérarchique bayésien semi-mécanique a été utilisé pour tenter de déduire l'impact de ces interventions dans 11 pays européens, en prenant comme hypothèse que la valeur du taux de reproduction R0 a été dictée par la réponse immédiate à la mise en œuvre de ces interventions plutôt qu’à des changements comportementaux progressifs. Ce modèle estime ces changements en calculant « à rebours » à partir des décès observés dans le temps afin d’estimer la transmission du virus qui s'est produite plusieurs semaines auparavant, en tenant compte du délai entre l'infection et le décès.L'une des principales hypothèses du modèle est que chaque intervention a eu le même effet sur le taux de reproduction dans les différents pays et au fil du temps, ce qui permet d’agréger beaucoup plus de données, mais également de faire remarquer que les résultats qui vont suivre sont fortement influencés par les données provenant de pays dans lesquels les épidémies sont plus avancées et les interventions plus précoces, comme l'Italie et l'Espagne.
Miroir, au mon beau miroir, que vois-tu ?
Entre 21 000 et 120 000 décès évités dans 11 pays d’Europe
Si les interventions actuelles sont maintenues au moins jusqu'à la fin mars, il est estimé que, dans ces 11 pays, elles auront permis d'éviter 59 000 décès jusqu'au 31 mars [intervalle crédible à 95 % : 21 000-120 000], dont 2 500 en France. De nombreux autres décès seront évités si ces 11 pays s'assurent que les interventions sont maintenues jusqu'à ce que la transmission soit réduite à de faibles niveaux.Trois pour cent des Français (seulement) auraient été infectés
Il est estimé que dans les 11 pays européens, entre 7 et 43 millions de personnes ont été infectées par le CoV-2 du SRAS jusqu'au 28 mars, ce qui représente entre 1,88 % et 11,43 % de la population (un intervalle très large !). La proportion de la population infectée à ce jour (le taux d'attaque) serait la plus élevée en Espagne, suivie de l'Italie, et la plus faible en Allemagne et en Norvège, ce qui reflète les stades relatifs de l'épidémie. En France, elle serait de 3,0 % [1,1 %-7,4 %], soit la bagatelle de 700 000 à 5 millions de nos compatriotes ! Ce qui laisserait présager de beaux jours à l’épidémie.Quelles sont les limites de ces estimations ?
Étant donné le délai de 2 à 3 semaines entre le moment où les changements de transmission se produisent et celui où leur impact peut être observé dans les tendances de la mortalité, il est trop tôt pour être certain que les interventions les plus récentes ont été efficaces.En effet, si les interventions dans les pays qui se trouvent à un stade précoce de leur épidémie (Allemagne ou Royaume-Uni), sont plus efficaces ou moins efficaces que celles mises en place dans les pays dans lesquels l'épidémie est avancée (ce sur quoi le modèle de calcul est largement fondé), ou bien si les interventions ont été renforcées ou relâchées au fil du temps, ces estimations du nombre de cas de reproduction et de décès évités changeraient en conséquence.
Enfin, R0, le taux de reproduction de base peut varier au cours du temps et dans l’espace si le taux d’interactions humain-humain et humain-agent infectieux varie (à infectiosité d’un agent pathogène et à durée de contagiosité constantes). De fait, le R0 est presque toujours estimé rétrospectivement à partir de données séro-épidémiologiques après l’épidémie ou en utilisant des modèles mathématiques théoriques.
Si j'étais Président de la République, j'écrirais mes discours en vers et en musique
- Que les interventions actuelles doivent être maintenues et que les tendances en matière de nouveaux cas et de décès doivent être étroitement surveillées dans les jours et les semaines à venir pour s’assurer que la transmission du SRAS-Cov-2 ralentit.
- Que les mesures de confinement se poursuivront vraisemblablement au moins jusqu’à la fin avril en France et en Europe.
Dr Bernard-Alex Gaüzère