S’il est un sujet qui devrait faire consensus, c’est bien la
nécessité de mettre au point et de développer rapidement un vaccin
contre le SARS-CoV-2. C’est en effet une étape cruciale dans la
lutte contre la pandémie de Covid-19, mais aussi un défi énorme
auquel il existe déjà des ébauches de solution. Il faut dire qu’en
l’espace d’une décennie, la communauté scientifique et l’industrie
pharmaceutique ont été confrontés à des épidémies fulgurantes à
H1N1, Ebola et Zika, autant de virus auxquels s’ajoute désormais le
SARS-CoV-2 ce dernier s’inscrivant dans la ligne amorcée par le
SARS-CoV-1 (2003) et le MERS-Cov, trois représentants de la famille
des coronavirus.
Des précédents sans commune mesure avec la pandémie
actuelle
Face à ces infections, il a fallu agir vite et bien. En ce qui
concerne la grippe H1N1, la technologie ad hoc était déjà
disponible. Ce n’était pas le cas pour les épidémies de
SARS-CoV-1, de MERS-Cov et de Zika dont les virus étaient nouveaux
et dont les épidémies ont été d’amplitude et de durée insuffisantes
pour permettre une réponse mondiale de grande envergure. Le cas
d’Ebola est à part, puisqu’entre 2013 et 2016, un vaccin a pu être
développé pendant que l’épidémie prenait de l’ampleur pour
s’éteindre avant qu’une politique vaccinale ne soit mise en route.
Des stocks de vaccins ont été constitués, prêts à être utilisés en
cas de résurgence de l’épidémie, ce qui a été le cas récemment en
République du Congo, une AMM sous condition étant accordée fin 2019
par la FDA et plusieurs pays africains.
Ces précédents sans commune mesure avec la pandémie mondiale
actuelle de Covid-19 ont alerté sur la nécessité de développer de
nouvelles stratégies face au risque lié à des agents pathogènes
nouveaux et c’est ainsi qu’ont été créées des plateformes
spécifiques communes à diverses parties prenantes : gouvernement,
industrie pharmaceutique, compagnies ou startups spécialisées dans
les biotechnologies etc. Le problème est de trouver des fonds pour
financer une recherche dont les coûts sont faramineux et confrontés
à un retour sur investissement aléatoire.
Le défi : développer un vaccin en moins de 16
semaines
Il existe une organisation non gouvernementale dénommée CEPI
(Coalition for Epidemic Preparedness Innovation) et fondée
par le Wellcome Trust qui inclut la Fondation Bill and Melinda
Gates et la Commission Européenne, ainsi que huit pays : Allemagne,
Australie, Belgique, Canada, Éthiopie, Japon, Norvège et
Royaume-Uni. Son objectif est de soutenir le développement de
vaccins contre cinq agents pathogènes considérés comme prioritaires
dans une liste établie par l’OMS.
La CEPI vise également le développement de plateformes pour se
préparer à affronter une « maladie X » sous la forme d’une
épidémie émergente : c’est exactement le cas de figure de la
pandémie de Covid-19. Dans l’esprit de cette organisation, il
faudrait développer en moins de 16 semaines un candidat potentiel
pour la vaccination et il semble que ce soit du domaine du possible
pour les vaccins à base d’ARN ou d’ADN, voire les vaccins
recombinants. En effet, à la différence des vaccins plus anciens,
ces derniers peuvent être obtenus par synthèse sans passer par des
processus plus longs que sont la fermentation ou la mise en
culture.
Quelques particularités « préoccupantes » du
SARS-Cov-2
Même avec des plateformes « high tech » des plus
performantes et des plus rodées, -lesquelles sont nombreuses à
batailler dans la course à l’innovation-la mise au point d’un
vaccin dirigé contre le SARS-Cov-2 n’est pas chose aisée. Elle se
heurte à trois problèmes qui en font un véritable défi mondial dans
le contexte actuel, comme le soulignent les auteurs d’un article
publié en ligne dans le New England Journal of Medicine du
30 mars 2020.
En premier lieu, même si les protéines spiculées qui forment
l’enveloppe du virus semblent constituer un site immunogène
prometteur, le choix de l’antigène et de sa configuration pose
encore problème, alors qu’il est à l’évidence critique dans le
succès de l’opération : faut-il cibler la protéine toute entière ou
viser seulement son site de liaison à la cellule hôte, en
l’occurrence le RDB (receptor-binding domain) ? Question
sans réponse à l’heure actuelle.
En second lieu, les expériences précliniques menées lors de
l’épidémie de SARS-CoV-1 et de MERS font craindre des complications
dites immunopathologiques. Il est possible que la mise en
circulation des anticorps anti-SARS-Cov-2 favorise directement ou
indirectement l’exacerbation d’une pathologie pulmonaire
préexistante par le biais d’une réponse lymphocytaire du type Th2
(type 2 helper T-cell). Le choix d’un adjuvant éventuel et les
protocoles des essais thérapeutiques devront tenir compte de ce
risque potentiel qui ne pourrait pas être que
théorique.
En dernier lieu, les conditions de la protection vaccinale
restent à définir car elles ne sauraient reposer sur l’expérience
acquise lors des précédents que constituent les infections à
SARS-CoV-1 et MERS-CoV. La durée potentielle de l’immunité
naturelle et acquise est inconnue, tout autant que les modalités de
la vaccination : une seule injection ? Nécessité d’un rappel et
dans quels délais ?
Un essai de phase 1 débuté le 16 mars
Le développement d’un vaccin selon les méthodes classiques est
en outre un processus long et coûteux, menacé d’un risque
d’attrition élevé qui ne suscite guère l’enthousiasme des
fabricants. Les multiples vaccins-candidats sont habituellement
testés sur une longue durée en plusieurs phases afin d’éviter de
persister sur une mauvaise piste et de réduire les coûts. Trop long
quand l’on fait face à une pandémie menaçante. A ce modèle
séquentiel classique il paraît judicieux d’en substituer un autre
moins chronophage. Par exemple, dans les plateformes qui ont déjà
l’expérience de la transposition des résultats à l’homme, les
essais de phase 1 doivent être potentiellement entrepris en
parallèle aux tests effectués chez l’animal, à conditions de
disposer des modèles les plus représentatifs de la réalité
clinique.
Ainsi dès que le génome du SARS-CoV-2 a été séquencé en Chine,
la plateforme du CEPI s’est lancée dans la recherche rapide d’un
vaccin.
Un essai de phase 1 a débuté dès le 16 mars 2020, moins de dix
semaines après le dit séquençage et d’autres études de ce type sont
prévues en Chine dès le début avril 2020 pour tester les premiers
vaccins candidats. Pour certains d’entre eux, il est d’ores et déjà
envisagé une phase 2 par les fabricants et, dans cette course
contre la montre, ces derniers se lancent avant d’avoir
connaissance de l’acceptabilité et du pouvoir immunogène des
candidats. Au-delà, comment programmer la fabrication sur une
grande échelle un vaccin dans la perspective de sa
commercialisation ? Une gageure plus qu’un défi car le coût de
telles opérations se chiffre en centaines de millions de dollars
alors que la viabilité du produit est inconnue.
Il y a un moment où il faudra une phase 3…
Face à cette catastrophe sanitaire inédite, les technologies
développées en toute hâte par ces plateformes seront-elles à la
mesure d’une demande qui risque d’être énorme ? La fabrication du
vaccin dans tous les pays est-elle concevable, même au prix d’un
transfert de technologies et de l’adaptation des processus de
production à un échelon local ? Il faudra s’assurer que le vaccin
est bel et bien à la fois efficace et bien toléré avant d’aller
plus avant, tout cela dans un climat d’urgence sanitaire mondiale,
en sachant que les pays émergents sont ceux qui vont payer le plus
lourd tribut à la pandémie, qu’il s’agisse de l’Inde ou encore des
pays africains.
Toutes les opérations du développement ne sauraient donc être
menées en parallèle car il y a un frein qui est celui des essais
thérapeutiques de phase 3. Il y a un moment où il faudra revenir
plus ou moins à l’approche séquentielle qui prendra plus de temps
certes mais sans laquelle il est illusoire de songer à fabriquer
des centaines de millions de doses de vaccins, voire des milliards.
Les pays favorisés seraient les premiers à bénéficier de la
vaccination, mais l’on ne peut ignorer la menace qui pèse sur les
pays émergents, appelés à devenir l’épicentre futur de la
pandémie…
A cela s’ajoute la difficulté de mener des essais randomisés
dans une période de pandémie, lesquels pourraient être envisagés au
mieux d’ici la fin de cette année. Face à une maladie
potentiellement mortelle surtout dans les populations vulnérables
de certains pays, il faudra envisager d’autres stratégies que les
essais classiques contre placebo, une échappatoire étant la
possibilité de tester simultanément plusieurs vaccins si tant est
qu’il en existe plusieurs ou encore de comparer vaccination précoce
et tardive comme dans l’étude “Ebola ça suffit!” . Des solutions
complexes à la fois sur le plan logistique et
statistique.
Des besoins financiers énormes
Pour y parvenir, il ne faut pas se leurrer : la CEPI et les
autres organisations comparables auront besoin de soutiens
financiers énormes pour finaliser le développement du ou des
vaccins et assurer leur production sur une grande échelle. Les pays
favorisés auront déjà du mal à suivre, à l’heure où ils sont
confrontés à une crise qui menace leur stabilité tant économique
que financière… Que dire des autres, victimes d’une pénurie de tous
ordres …
Quand bien même la pandémie viendra à s’éteindre dans certains
pays, ce qui prendra du temps, la course au vaccin devra se
poursuivre méthodiquement pour éviter les résurgences. Le
SARS-Cov-2 pourrait bien s’installer durablement sur la planète en
passant d’un épicentre à l’autre.
Les gouvernements des pays riches confrontés à des dettes
colossales auront du mal à subvenir au financement d’une politique
vaccinale globale à la hauteur des enjeux, mais alors où trouver le
nerf de la guerre ? « La lucidité est la brûlure la plus
rapprochée du soleil », écrivait le poète René Char. Au
passage, il est bon de rappeler que lucidité rime avec solidarité…
et que l’une n’empêche pas l’autre, bien au contraire.
J'espère que si un vaccin est mis au point, il ne contiendra pas d'aluminium.
Dr Joël Delannoy
Un ou plusieurs vaccins disponible, quand ?
Le 07 avril 2020
Beau texte mais il manque le plus important : "Selon lui, la marche du monde ne pourra revenir à la normale que lorsqu'un tel vaccin sera accessible globalement. Le scénario le plus optimiste table sur douze à dix-huit mois."