L’infection par le SARS-CoV-2 revêt des visages multiples. Parmi
ceux-ci, les formes légères ou peu symptomatiques non seulement
contribuent à la transmission du virus, mais elles peuvent aussi
évoluer de manière imprévisible vers des tableaux très graves
nécessitant une admission en unité de soins intensifs. Poser
rapidement le diagnostic de Covid-19 avec le plus d’exactitude
possible est la pierre angulaire du contrôle de la pandémie.
Limitations des tests diagnostiques actuels
Actuellement, c’est la détection de l’ARN messager viral par RT-PCR
dans les voies aériennes supérieures -nasopharynx ou oropharynx-
qui est la base du diagnostic, mais elle est loin d’être parfaite.
Les faux-négatifs ne sont pas rares même dans les formes
cliniquement patentes, de sorte que, dans certaines séries, la
sensibilité de la technique ne dépasse pas 70 %.
De fait, elle est tributaire de facteurs multiples : type
d’échantillon, stade de l’infection, habileté de l’opérateur qui
réalise le prélèvement par écouvillonnage nasopharyngé sans oublier
la qualité des kits utilisés. Certes, dans les formes cliniquement
avérées, l’imagerie morphologique par tomodensitométrie peut âtre
d’une grande aide mais les anomalies révélées par cette technique
ne sont pas toujours suffisantes pour conclure. Il est clair que
des tests diagnostiques complémentaires seraient les bienvenus et
c’est là que peut intervenir le dosage des anticorps sériques avec
certains avantages théoriques sur la RT-PCR : rapidité et facilité
du prélèvement, sensibilité a priori supérieure, mais aussi moindre
sollicitation des intervenants en temps et en énergie.
Encore faut-il maîtriser la réaction immunologique provoquée
par l’interaction entre le SARS-CoV-2 et son hôte, notamment la
cinétique des anticorps produits par les lymphocytes. Une donnée
fondamentale qui fait actuellement défaut du fait du caractère
émergent de l’agent pathogène. Deux études de cohorte réalisées en
Chine et publiées à une semaine d’intervalle permettent de
défricher le terrain.
Évolution des anticorps sériques
La première (1) décrit l’évolution dans le temps des anticorps
sériques chez 173 patients (âge médian, 48 ans) hospitalisés en
raison d’un Covid-19 biologiquement confirmé. Au total, ont été
effectués 535 prélèvements plasmatiques en cours d’hospitalisation
pour doser de manière itérative les anticorps dirigés contre le
virus : anticorps totaux (Ac), IgG et IgM. Les dosages ont reposé
sur la méthode immuno-enzymatique au moyen de kits ELISA
(enzyme-linked immunosorbent assay) fabriqués et fournis par
Beijing Wantai Biological Pharmacy Enterprise Co. (Pékin,
Chine). Les antigènes recombinants contenaient le récepteur de
liaison de l’enveloppe virale dit RBD (Receptor Binding
Domain) et un antigène conjugué HRP (Horse Radish
Peroxidase). La spécificité du test évaluée sur des
prélèvements sanguins recueillis chez des sujets sains avant
l’épidémie a été estimée à 99,1 % (211/213) (Ac), 98,6 % (210/213)
(IgM) et 99,0 % (195/197) (IgG).
Le taux de séroconversion au sein de la cohorte a été de 93,1
% pour les Ac totaux, de 82,7 % pour les IgM et de 64,7 % pour les
IgG. La négativité de la recherche d’anticorps chez 12 patients
pourrait s’expliquer par l’absence regrettable de prélèvements à un
stade plus tardif de la maladie.
Le délai médian avant la séroconversion a varié selon la
nature des anticorps dosés : (1) Ac : 11 jours ; (2) IgM : 12 jours
; (3) IgG : 14 jours. Dans la semaine qui a suivi les symptômes
inauguraux, ces anticorps n’ont été détectés que chez moins de 11 %
des patients. Il en a été autrement au
15ème jour, avec une positivité de 100 %
pour les Ac, versus 94,3 % pour les IgM et 79,8 % pour les
IgG. C’est l’inverse qui a été constaté pour la recherche de l’ARN
viral par RT-PCR : pour les prélèvements nasopharyngés effectués
avant le 7ème jour, leur taux de positivité
a été de 66,7 % (58/87) puis a chuté à 45,5 % (25/55) entre le
15ème et le 39ème
jour. La combinaison de la RT-PCR et des dosages sérologiques a
permis un gain significatif de sensibilité dans le diagnostic du
Covid-19 (p < 0,001), dès la première semaine de la maladie (p =
0,007), par rapport à la recherche isolée de l’ARN viral. Par
ailleurs, des titres élevés d’AC ont été étroitement associés à une
évolution clinique plus péjorative indépendamment des autres
facteurs pronostiques (p = 0,006), même au-delà des deux premières
semaines de l’infection. Aucune corrélation n’a pu être établie
entre les taux d’anticorps et la clairance virale.
Démonstration d’un gain de sensibilité
La seconde étude (2) diffère de la précédente par l’effectif,
mais aussi et surtout par la méthode de dosage des anticorps. Au
total, 208 prélèvements plasmatiques ont été effectués chez 140
patients atteints d’un Covid-19 confirmé (n = 82) ou probable
(RT-PCR négative en dépit de signes/symptômes typiques) (n = 58).
Le dosage des anticorps a été réalisé au moyen de tests ELISA,
l’antigène étant schématiquement la protéine N du SARS-CoV-2, celle
qui est contenue dans la nucléocapside virale. Donc une technique
de dosage différente de celle de la première étude mais qui a
cependant conduit à des résultats assez proches quoique
complémentaires.
Le délai médian écoulé entre les symptômes inauguraux et
l’apparition des IgM et des IgA a été estimé à 5 jours (écart
interquartile 3-6) et à 14 jours (10-18) pour les IgG. Les taux de
positivité correspondant à ces trois types d’anticorps ont été de
respectivement 85,4 %, 92,7 % et 77,9 %. Dans les cas de Covid-19
confirmé, le taux de positivité a été de 75,6 %, versus 93,1
% dans les cas probables. La sensibilité des IgM s’est avérée
supérieure à celle de la RT-PCR en moyenne 5,5 jours après le début
des symptômes. La combinaison des deux techniques (IgM et PCR) a
conduit à une sensibilité de 98,6 %, versus 51,9 % avec la
PCR seule.
Les enjeux du dépistage à l’heure du déconfinement
Le dosage des anticorps anti-SARS-CoV-2 au cours de
l’évolution du Covid-19 semble donc prometteur sur un plan
diagnostique et peut-être pronostique. La confirmation de ces
résultats sur une grande échelle ne saurait tarder : elle permettra
de cerner avec plus de précision la cinétique des anticorps et les
performances diagnostiques de la méthode de dosage choisie. Ces
premiers pas méritent d’être salués, même si la route s’annonce
longue, selon certains avis éclairés (3), avant d’aboutir à des
protocoles validés et fiables sans lesquels aucune approche
sérieuse ne peut être envisagée tant au niveau individuel que
collectif.
Les enjeux dans le contrôle de la pandémie sont énormes et, là
encore, il importe de ne pas confondre vitesse et précipitation. Le
choix des kits et leur fiabilité doivent être pris en compte, tout
autant que les conditions dans lesquelles les dosages ont été
effectués.
La convergence des résultats des études à tous les stades de
la maladie, y compris asymptomatique, présymptomatique et
symptomatique, est le prérequis à l’utilisation de cette technique
à des fins de dépistage dans la population générale. Question
d’importance quand sera venu le temps du déconfinement, ce qui
laisse peu de temps pour progresser sur la piste des dosages
sérologiques dont la spécificité devra être prise en compte : 1 %
de faux-positifs (1) à l’échelon d’une population, c’est un chiffre
qui mérite réflexion…
Région paca 40 morts pour 1 million d'habitants Region île de France 200 pour 1 million d'habitants Calcul tiré de santé publique France. Dr G Besselat
Sensibilité de la PCR
Le 08 avril 2020
Elle est dite médiocre, ceci par rapport à la clinique ! J'aimerai donc qu'on ne décrive ce que sont "les formes cliniquement patentes", en particulier les signes qui permettent d'affirmer avec certitude qu'on n'est pas en présence d'une grippe ou pathologie apparentée (outre l'anosmie-agueusie, brutale, sans obstruction nasale pas bien constante). Certes c'est l'éternel problème du "gold standard" mais que les auteurs que vous rapportez ici affirment ainsi qu'il n'y a une sensibilité que de 70% me semble bien audacieux.
Dr Yves Gille, microbiologiste retraité
Bravo
Le 12 avril 2020
Bravo pour la clarté et la densité d'infos de cette mise au point sur la chronologie clinique-biologie et la validité des tests.