
Des formes cliniques méconnues
Le Covid-19 semble donc pouvoir revêtir des formes cliniques différentes et le neurotropisme du virus a même été évoqué par certains, notamment à cause de l’anosmie qui pourrait témoigner d’une atteinte du bulbe olfactif. Dans ces conditions, pourquoi le virus ne pourrait-il pas investir d’autres territoires du système nerveux central, par exemple le tronc cérébral (1) ? Ainsi, l’implication de ce dernier pourrait contribuer à l’apparition brutale de certaines insuffisances respiratoires aiguës qui exigent une intubation immédiate, tant le tableau clinique se dégrade rapidement.Cette hypothèse est étayée par d’autres arguments. Ainsi, certaines autopsies et les données de l’expérimentation animale suggèrent l’existence d’une atteinte inflammatoire cérébrale au cours des infections à SARS-CoV-1, observées en 2003. C’est le tronc cérébral qui serait d’ailleurs le plus touché, si l’on se réfère aux premières études publiées à l’occasion de l’épidémie de l’époque. Par ailleurs, il semble bien que certains coronavirus soient capables de se répandre dans l’organisme en empruntant d’autres voies que celles du tractus respiratoire, notamment les voies synaptiques afférentes qui mènent directement aux centres cardiorespiratoires bulbo-médullaires.
Des portes d’entrée inattendues
Le virus trouverait des portes d’entrée idéales au travers des
mécanorécepteurs et des chémorécepteurs qui interviennent dans la
régulation périphérique des échanges alvéolo-capillaires. Ces
structures omniprésentes dans l’appareil respiratoire, à tous ses
étages y compris les voies aériennes inférieures, ne seraient pas
épargnées au cours des infections induites par les coronavirus,
notamment le SARS-CoV-1 et c’est pour ce virus que les preuves sont
les plus convaincantes à l’heure actuelle. Compte tenu des
similitudes entre ce dernier et SARS-CoV-2, certaines hypothèses
sont permises. La voie des nerfs olfactifs par transmission
afférente est également plausible, comme le suggèrent l’anosmie et
la possibilité d’une atteinte du bulbe olfactif en tant que
mécanisme pathogénique.
Une étude rétrospective passée plutôt inaperçue
A noter également, dans une étude rétrospective chinoise passée inaperçue (2) – publiée en ligne sur le site MedRxiv éloigné des grandes revues internationales- l’identification et la description de troubles neurologiques variés et disparates, souvent subjectifs, chez 214 patients atteints d’un Covid-19 plus ou moins sévère : céphalées, vomissements, malaises, troubles de l’équilibre ou de la conscience, anosmie ou hyposmie, agueusie, ataxie, voire neuropathies etc. Une sémiologie trop riche et succinctement rapportée qui la rend difficile à exploiter, si ce n’est pour étayer les hypothèses précédentes.L’atteinte du tronc cérébral pourrait-elle contribuer à l’insuffisance respiratoire aiguë de certains patients atteints d’un Covid-19 ? Rien n’est sûr, mais cette piste mérite d’être explorée ce qui n’est pas aisé dans le contexte d’une urgence vitale qui ne laisse guère de temps pour l’examen neurologique. La même remarque vaut pour l’imagerie du tronc cérébral – par IRM- qui n’est pas concevable en unité de soins intensifs.
Il reste deux options : l’autopsie avec recherche d’une atteinte cérébrale inflammatoire ou encore, dans les formes pas trop sévères, la traque de certains signes ou symptômes neurologiques. A ce titre, la découverte de l’anosmie parfois révélatrice ou brutale, voire isolée est un bon exemple pour illustrer l’intérêt de cette démarche qui pourrait conduire au diagnostic d’infections par le SARS-CoV-2 ni plus ni moins que méconnues…
Dr Philippe Tellier