
Paris, le mardi 14 avril 2020 – Différentes données et
notamment des travaux chinois suggèrent de façon attendue que c’est
au sein des foyers familiaux qu’ont majoritairement lieu les
contaminations par le virus Sars-CoV-2. Aussi, alors que
l’identification des cas devrait être élargie grâce à
l’augmentation des capacités de tests, l’idée fait son chemin
d’isoler les patients Covid + souffrants de formes mineures dans
des hôtels (et autres hébergements de ce type).
Plusieurs voix se sont ainsi prononcées en ce sens, alors que
les hôtels ne rouvriront pas au tourisme même au-delà du 11 mai et
ce jusqu’à nouvel ordre.
Académie de médecine, Inserm, AP-HP : une idée plébiscitée
Vendredi, l’Académie de médecine proposait ainsi que « les
établissements hôteliers (ou autres lieux de résidence assimilés)
soient mis à la disposition des Agences Régionales de Santé pour
accueillir, jusqu’à la guérison clinique et la négativation des
tests de détection virale, les patients atteints de formes simples
ou modérées de Covid-19, ou convalescents de cette maladie sortant
de l’hôpital, sur la base du volontariat ».
C'est aussi l'une des suggestions d’un rapport de l'Inserm,
publié ce week-end, qui détaille des mesures pour que la levée du
confinement (en Ile-de-France) ne rime pas avec une deuxième vague
d'épidémie.
Martin Hirsch, directeur général de l'Assistance
publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP), a lui aussi évoqué une telle
possibilité dans le Parisien ce week-end : « Nous pouvons penser
que nous allons entrer dans une nouvelle phase où il sera utile de
mobiliser un grand nombre de volontaires. Je veux parler à la fois
des conditions du déconfinement, mais aussi des mesures permettant
de repérer et d'isoler les porteurs de virus pour casser les
chaînes de transmission encore actives ».
« Cela fait quand même plusieurs semaines que ce sujet est
sur la table » a remarqué pour sa part sur France Inter
l'ancien directeur général de la Santé (2003-2005), William Dab,
regrettant qu'un tel dispositif n'ait toujours pas été déployé. «
On sait que les hôtels sont vides et on laisse retourner chez
eux des gens contagieux, soit qu'ils sortent du cabinet du médecin,
soit qu'ils sortent de l'hôpital où ils n'ont plus besoin de soins.
Évidemment, retournant chez eux, ils contaminent d'autres gens
» analyse-t-il.
Enfin on peut encore citer le maire de Paris, Anne Hidalgo,
qui a appelé le Premier ministre à généraliser ce
système.
Cette idée ne vient pas de « nulle part » : des
expériences existent en effet déjà à l’étranger.
Une bonne idée venue d’ailleurs
En Italie, à Bergame, épicentre de l'épidémie, les hôtels sont
déjà réquisitionnés pour accueillir les patients en voie de
guérison. À l'intérieur de ces établissements, le personnel de
l'hôtel est remplacé par des infirmiers et des aides-soignants. Les
malades y restent plusieurs jours, le temps de leur convalescence,
avant de repartir chez eux, guéris et non-contagieux. Autre
avantage : ceux qui présentent des difficultés respiratoires
peuvent être facilement conduits vers les services hospitaliers.
L’Espagne est également en train de tester ce genre de
système.
En Chine, berceau de la pandémie mondiale, les autorités
avaient pris une décision similaire, avant que la maladie ne soit
en partie endiguée. Les personnes ayant été au contact de malades
étaient transférées vers des hôtels, reconvertis en services de
quarantaine, afin de ne pas propager la maladie. L'un de ces hôtels
s'était d'ailleurs effondré en mars, causant la mort d'au moins dix
personnes. Ici, « des habitants sont emmenés de force en
isolement », souligne le correspondant du Monde.
Des questions multiples
Le confinement des patients présentant des formes légères en
dehors de leur cadre familial soulève en effet des questions
relatives aux libertés individuelles. Doit-il être systématisé ou
restreint aux personnes résidant avec des sujets à risque ? Peut-il
être imposé au risque de susciter des situations complexes (comment
assurer la garde des enfants des parents isolés qui seraient
confinés à l’hôtel ou si les deux parents sont atteints par
exemple) ?
Des interrogations pratiques existent également. La
disposition des établissements doit permettre d’assurer le respect
des mesures barrières. Qu’en est-il par ailleurs des personnels
assurant la logistique ? Ces tâches doivent-elles réservées à des
professionnels de santé et si oui pourront-ils être mobilisables ou
au contraire peut-on envisager que les personnels des hôtels
puissent être recrutés volontairement pour assurer la gestion
logistique. Quid enfin de la rétribution donnée à ces hôtels
?
Le jugement de Salomon
Face à ces interrogations multiples, en France, les
initiatives sont demeurées rares mais pas inexistantes. Ainsi, à
Perpignan, la mobilisation d’un hôtel a permis l’isolement de 79
patients covid +.
Interrogé samedi sur le sujet, durant sa conférence de presse
quotidienne, Jérôme Salomon, directeur général de la Santé, a pour
l'instant balayé cette idée estimant qu’il n’y avait « pas de
besoin particulier ».
« Personne ne sort avec 40 de fièvre et en toussant de
l'hôpital », a-t-il précisé, expliquant ainsi que les personnes
qui quittent les établissements hospitaliers ne présentent plus de
charge virale.
Jérôme Salomon a aussi assuré "qu'en ville" les personnes sont
de toute façon déjà contagieuses pour leurs proches au moment où
elles sont testées ou diagnostiquées comme porteuses du virus et
ont donc très certainement déjà contaminé leurs proches. Le
confinement servirait alors principalement à éviter une
contamination en dehors du cercle familial, ce qui peut être
possible en limitant le plus possible le contact des sujets
malades.
F.H.