
Le rôle incertain des enfants
Si la réouverture des écoles est donc certainement une décision d’abord politique avant d’être scientifique, les arguments scientifiques pouvant si ce n’est conforter tout au moins ne pas désavouer une telle mesure ne manquent pas. En tout état de cause, le rôle des enfants dans la diffusion du virus n’est l’objet d’aucune certitude. « L'argument initial sur les enfants, c'était que ce coronavirus se comportait un peu comme une grippe. Et on sait que les enfants sont de forts transmetteurs de ce genre de virus respiratoires tels que la grippe. On s'aperçoit maintenant que ce coronavirus ne se comporte pas exactement de la même façon » observe ainsi le Dr Pascal Crépey, épidémiologiste et enseignant-chercheur, interrogé par Radio France. Le docteur Robert Cohen, infectiologue à l’hôpital intercommunal de Créteil, qui qualifie la réouverture des écoles en mai de « globalement raisonnable » précise pour sa part sur France Info : « Au fur et à mesure, on s'est rendu compte que parmi les gens avec des symptômes évoquant le Covid-19, les enfants étaient beaucoup moins atteints que les adultes. Chez les adultes, on a 30 % de prélèvements positifs, alors que chez les enfants, on est à 10 % » relève-t-il ajoutant encore que les différents éléments aujourd’hui mis en avant font « qu’on n'a pas la certitude que les enfants ne jouent pas de rôle dans l'épidémie, mais il n'est pas celui que l'on attendait au début de l'épidémie ». Des travaux complémentaires doivent être menés pour disposer de données plus précises. Dans ce cadre la Société française de pédiatrie vient de lancer une étude en région parisienne destinée à tester 600 enfants (la moitié ayant présenté des symptômes évocateurs d’une infection par SARS-CoV-2 et l’autre n’ayant pas présenté de symptômes) en région parisienne.Un avis du conseil scientifique attendu
Si les résultats de telles études seront utiles pour ajuster les stratégies à déployer pour un retour à l’école dans les meilleures conditions possibles, l’urgence nécessite des réponses et des actions plus rapides. Dès aujourd’hui, le Syndicat national des lycées et collèges (SNALC) demande donc un « avis écrit du conseil scientifique », alors que pour l’heure, à notre connaissance, les avis rendus publics (mais ils sont parfois publiés avec retard) n’ont pas abordé cette question de la réouverture des écoles.Des masques pour 12 millions d’élèves et 800 000 enseignants ?
Des tests souhaitables mais peu probables ?
Les attentes des syndicats concernent également la réalisation de tests. « Ce qui nous semble incontournable, ce sont les garanties pour la sécurité et la santé des élèves et des personnels qui doivent subir un test sérologique avant la réouverture des établissements » recommande ainsi Sophie Venetitay, secrétaire générale adjointe du SNES-FSU. L’idée va à l’encontre des préconisations d’Emmanuel Macron d’un dépistage systématique des cas symptomatiques et apparaît peu compatible avec les capacités de dépistage (et alors que des incertitudes concernent encore les tests sérologiques). Cependant l’idée est également soutenue par certains médecins. « Il faudra que tous les enseignants puissent faire un test sérologique. Ceux qui seront positifs, seront tranquilles. Les autres devront porter un masque. On ne pourra pas reprendre sereinement sans ces précautions » note ainsi citée par Le Parisien, Karine Lacombe, (chef du service d’infectiologie à l'hôpital parisien Saint-Antoine). Les syndicats attirent également l’attention des pouvoirs publics sur la mise à disposition indispensable de gels hydroalcooliques et de dispositifs de protection, qui font pourtant régulièrement défaut dans les installations sanitaires des établissements.Une décision illogique et inconsciente
Si on l’observe, les syndicats d’enseignants se montrent aujourd’hui circonspects quant à la possibilité de disposer de toutes les garanties essentielles pour une réouverture de l’école restreignant les risques, les représentants des médecins sont également très partagés, voire hostiles. Ainsi, alors que le patron de la Fédération des médecins de France (FMF) Jean-Paul Hamon a jugé que « La réouverture progressive des crèches, écoles et lycées, fait courir un risque inutile à l'ensemble de la population », le président de l’Ordre des médecins, Patrick Bouet dans une interview au Figaro se montre également très critique. « Ce choix révèle un manque absolu de logique » dénonce-t-il. Il observe encore que « L’inquiétude des enseignants est justifiable car nous ne savons pas comment les tests PCR ou sérologiques seront effectués, comment les masques seront distribués etc. J’en suis moi-même encore à demander que tous les moyens de protection soient fournis aux soignants! La semaine passée, la DGS m’a informé que cette semaine les soignants n’auront que 18 masques chirurgicaux et pas de FFP2. Donc, je suis désolé, mais nous n’avons pas encore tous les moyens de protection nécessaires. Je ne voudrais pas qu’on se retrouve dans la même situation avec les enseignants ». En tout état de cause, qu’ils soient opposés à la réouverture des écoles dès le mois de mai ou favorables sous conditions strictes, l’ensemble des acteurs s’accorde pour dire que le déconfinement des enfants impose de continuer à restreindre les contacts entre eux et les plus fragiles.Aurélie Haroche