Tests sérologiques : il faut sortir de la grande confusion
Paris, le mercredi 22 avril 2020 – Depuis plusieurs semaines,
le lancement de campagnes locales de dépistage sérologique, afin de
déterminer la proportion de la population ayant été en contact avec
SARS-CoV-2, est régulièrement annoncé. Parallèlement, des
laboratoires ont commencé à proposer dans certains départements des
tests sérologiques rapides (des tests rapides d’orientation
diagnostic ou TROD) accessibles sans ordonnance. Pourtant, les
autorités rappellent également depuis plusieurs jours que, pour
l’heure, il n’existe aucun test sérologique validé et que les
dispositifs existant doivent être réservés à l’usage
scientifique.
Le ministre de la Santé, Olivier Véran a par exemple mis en
garde dimanche lors de sa conférence de presse contre le manque de
fiabilité de certains tests étrangers, parfois accessibles sur
internet. « Certains d’entre eux ont 40% de faux négatifs, donc
près d’une chance sur deux de ne pas être détectés, quand bien même
vous feriez ce test sérologique », a-t-il détaillé. Des faux
positifs sont également possibles. « Certains kits montraient
10% d’igG anti-Covid positif sur du sang datant de 2017 »,
remarque par exemple cité par CheckNews, le président du Syndicat
des jeunes biologistes médicaux Lionel Barrand.
Zones d’ombre
Comme l’illustrent ces exemples de faux négatifs et de faux
positifs, de nombreux obstacles demeurent encore pour l’élaboration
de tests fiables. Par ailleurs, compte tenu des incertitudes
concernant les mécanismes immunologiques de l’infection par
SARS-CoV-2, les tests en cours de validation ne pourront apporter
qu’une seule certitude : « Les tests sérologiques permettent
uniquement de déterminer si une personne a produit des anticorps en
réponse à une infection par le virus SARS-CoV-2 » insiste la
Haute autorité de Santé (HAS). Pour le reste, les zones d’ombre
sont multiples : « La cinétique de production des anticorps
contre le virus est encore aujourd’hui mal caractérisée
principalement chez les patients asymptomatiques. La durée de
protection éventuelle est également mal connue » résume la
HAS.
Comparaison avec les tests sérologiques de
référence
Outils dont la portée informative demeure encore réduite, les
tests sérologiques doivent de plus être l’objet d’une vigilance
absolue concernant leur validation. Cette tâche a été confiée au
Centre national de référence (CNR) de l’Institut Pasteur dont
l’avis repose sur l’analyse des résultats et la comparaison avec
ses tests sérologiques de référence. « Ces tests de référence
sont établis par des laboratoires aux moyens assez conséquents.
Mais ils n'ont pas la capacité de faire des tests pour toute la
population » explique cité par LCI Michaël Schwarzinger,
chercheur associé à l'Inserm IAME (infection, anti-microbiens,
modélisation, évolution) et au CHU Bichat (Paris). Concernant les
critères, la HAS a rappelé la semaine dernière les attendus
indispensables quant à « l’évaluation des performances des
tests », qu’il s’agisse des tests « automatisables ou
unitaires, qualitatifs ou semi-quantitatifs » et quelle que
soit la technique sérologique utilisée (ELISA,
immunochromatographie…).
Une spécificité analytique attendue de 100 %
La HAS rappelle d’abord que l’évaluation des tests
sérologiques suppose classiquement trois étapes : les validations
in vitro, (« le test mesure-t-il bien ce qu’il est censé
mesurer et de façon correcte ? »), la validité clinique et la
mesure de l'utilité clinique. Plus précisément, la HAS détaille les
données de validité analytique qui doivent être produites et
publiées. Elles concernent d’abord la précision du test qui repose
sur la « répétabilité (…) la précision intermédiaire (…) et la
reproductibilité (…) qui exprime les résultats entre différents
laboratoires ».
Elles doivent également permettre de vérifier l’exactitude, la
justesse, « la sensibilité analytique (ou limite de détection)
(…) la valeur seuil de positivité ». Concernant la spécificité
analytique, la HAS indique que pour le SARS-CoV-2, il s’agit
d’écarter le risque de réaction avec « d'autres anticorps
dirigés contre des virus apparentés au SARS-CoV2, des virus
provoquant des infections respiratoires communes, ou d’autres
composés connus pour donner des réactions croisées non spécifiques
(facteur rhumatoïde notamment) ». La HAS insiste sur le fait
que « La spécificité analytique attendue est de 100 %. Dans tous
les cas, le fabricant doit indiquer la méthodologie adoptée ayant
permis d’estimer la spécificité analytique du test
».
Une sensibilité clinique acceptable entre 90 et 95
%
Devra nécessairement également être précisée la sensibilité
clinique. « Dans la mesure où la sensibilité clinique des tests
de sérologie peut varier en fonction de la période de prélèvement
du test (première ou deuxième semaine après l’apparition des
symptômes par exemple), il conviendra de documenter explicitement
le panel de sérums ayant conduit à la validation de la sensibilité
clinique (…). En théorie, une sensibilité clinique de 100 % est
attendue afin de minimiser le plus possible le nombre de
faux-négatifs. La sensibilité des tests sérologiques doit donc
tendre vers cette valeur. Toutefois, compte tenu des connaissances
actuelles, la valeur seuil minimale acceptable pour la sensibilité
clinique est estimée à 90 ou 95 % selon l’usage du test »
relève la HAS. Enfin, concernant la spécificité, la valeur seuil
minimale acceptable est de 98 % quel que soit le type de test. La
HAS note enfin que « Les tests sérologiques recommandés doivent
préférentiellement permettre au sein d’un même test de détecter
séparément les IgM et les IgG spécifiques des antigènes
».
Le marquage CE n’est en rien un gage
Ce cahier des charges très précis, qui est une adaptation (aux
spécificités de la crise sanitaire et du SARS-CoV-2) des critères
classiques appliqués à l’évaluation des tests sérologiques rappelle
de façon claire que le marquage CE que certains veulent voir comme
un gage de fiabilité est très loin d’être suffisant, même s’il est
également indispensable. C’est ce que rappelle de façon claire
l’Académie de pharmacie dans un récent communiqué insistant : «
Le marquage CE n’est en aucun cas une garantie absolue de
qualité. Apposé par le fabricant, il indique seulement que la
législation de l'Union européenne est respectée. C’est la raison
pour laquelle tout nouveau test doit faire l’objet d’une évaluation
dans des laboratoires de référence. Surtout, l’achat de tests sur
internet doit être proscrit ».
Le biologiste médical : un référent
incontournable
Compte tenu des enjeux, la période de validation pourrait donc
encore prendre quelques semaines avant qu’un test sérologique
puisse être finalement homologué et que son utilisation en routine
puisse être envisagée. Se posera alors la question de la mise en
œuvre de ces tests, concernant notamment les TROD et les autotests.
Sur ce point, l’Académie de pharmacie recommande que « le
biologiste médical soit le référent incontournable assurant la
maîtrise de la qualité de l’analyse et la contextualisation du
résultat en fonction des performances analytiques des réactifs
utilisés ». Par ailleurs, l’ensemble des représentants des
médecins, pharmaciens et biologistes (Ordres et Académies) ont
insisté dans une déclaration commune pour que « Tous les examens
non validés par le CNR soient interdits au risque de laisser se
diffuser des techniques non fiables et sources d’incertitudes aux
conséquences graves pour la santé publique (faux négatifs en
particulier) ». A suivre.
En France formons nous des Médecins ou des épiciers...?
Le 23 avril 2020
Depuis début Avril l’Allemagne teste à tour de bras avec des tests sérologiques, bien après certains pays Asiatiques et autres y compris dans la communauté Européenne... La France est toujours dans ses querelles d’épiciers à savoir quelle épicerie aura le monopole de la vente de ses tests...
Ayant passé les trois quarts de ma carrière dans les blocs opératoires de France et de Navarre avec des professeurs de renom national voir international, j’ai été témoin de ces querelles d’Épiciers, paiement de séjours de congrès, de congés dans des paradis, de dessous de table pour promotionner telle prothèse, ou tel instrument...
Avec tous les scandales que nous connaissons sur les prothèses mammaires, prothèses de hanches, prothèses vasculaires, je ne parle même pas de certains médicaments qui défrayent la chronique dans les affaires judiciaires... Je pensais tout cela révolu étant retraité depuis un certain nombre des d’années...
Malheureusement depuis l’avènement du Covid-19, les journalistes, et les Médias sont devenus des facs de Médecine, et les Médecins sont devenus journalistes et c’est à qui fera le Beuze sur les plateau de télévision et aux micros des différentes radios... Pendant ce temps des êtres humains meurent... Et les épiceries pharmaceutiques se frottent les mains et se pourlèchent les babines en attendant la retombée du pactole.... Pauvre France, qu'as tu fat de tes enfants ?
Daniel Joseph Naudar, IDE Retraité
"L'imbécile regarde le doigt"
Le 25 avril 2020
Certes, la discussion technique sur les spécifications analytiques des tests est intéressante. Elle est même très importante, à divers titres. Néanmoins, il s'agit là de questions secondaires. La question principale (celle que le sage pointe du doigt, si l'on regarde plus loin que son bout) est quel usage on compte en faire.
En médecine pratique (ce qui est différent de la recherche épidémiologique) aucun test ne vaut sans tenir compte du contexte : à qui le fait-on, de quelle manière, à quel moment et dans quel but. Les tests, quelles que soient leurs spécifications analytiques (techniques, métrologiques et populationnelles), n'ont d'utilité définie que dans un groupe précis dont on postule une probabilité prétest et à propos duquel on sait quel impact aura le résultat sur la stratégie médicale.
On est bien loin d'avoir la moindre idée sur ces questions, qui diffèrent d'ailleurs totalement selon les divers tests envisageables.
Dr Pierre Rimbaud
Bon usage de Bayes et des examens paracliniques
Le 26 avril 2020
La valeur prédictive d'un test paraclinique dépend de ses caractéristiques intrinsèques (sensibilité et spécificité) et de facteurs extrinsèques (prévalence de ce que l'on cherche dans la population testée, ou probabilité pré-test, qui dépend de la stratégie d'utilisation du test)
Si l'on considère que 3 % de la population est immunisée contre le SARS-CoV-2, avec une spécificité de 98 %, pour cent tests réalisés, on aura 3 vrais positifs et 2 faux positifs, soit au total 5 positifs. La valeur prédictive positive du test sera d'environ 3/5 soit 60 % (Le calcul n'est pas tout à fait exact car il néglige, les faux négatifs). En d'autres termes si on se fonde uniquement sur la sérologie pour vérifier si les sujets sont immunisés et s'ils peuvent être déconfinés en toute sécurité, le résultat sera faussement rassurant près d'une fois sur deux.