Que sait-on des anticorps neutralisants du SARS-CoV-2 ?
Durant une infection virale, chaque individu produit divers
anticorps dirigés contre différents composants (épitotes) viraux.
La capacité des anticorps à reconnaître un virus ne préjuge pas de
leur capacité à le neutraliser. Certains anticorps bloquent
efficacement le virus, d'autres plus faiblement, ou pas du tout. La
sérothérapie consiste à injecter "une soupe d'anticorps
polyclonaux" alors que l'injection d'anticorps monoclonaux permet
d'apporter des anticorps neutralisants sélectionnés et produits en
très grande quantité. Ces deux types de traitements ont été
utilisés lors des épidémies de SRAS, de grippe H1N1, et de fièvre
Ebola. L'administration d'anticorps pour combattre le Covid-19 est
envisagée, mais les taux de sécrétion et le rôle des anticorps
neutralisants du SARS-CoV-2 sont encore mal connus.
Une étude chinoise du Shanghai Public Health Clinical Center
a inclus 175 patients adultes guéris du Covid-19. Tous avaient
présenté une infection bénigne ou moyenne, et avaient bénéficié
d'une confirmation biologique du diagnostic de Covid-19. Ils
avaient reçu un traitement "standard", et avaient quitté l'hôpital
avant la fin du mois de Février. Aucun n'avait nécessité une
admission dans un centre de réanimation. L’âge moyen est de 50 ans
(16 à 85) ; 53 % d'entre eux sont des femmes ; durée moyenne
d'hospitalisation 16 jours (7 à 30) ; durée moyenne de la maladie
21 jours (9 à 34).
Inhibition spécifique du SARS-CoV-2
Le plasma des patients guéris du Covid-19 inhibe de manière
spécifique l'infection à SARS-CoV-2 mais pas celle à
SARS-CoV-1.
Sur 5 échantillons de plasma, prélevés chez ces patients le jour de
leur départ, ont été mesurés les titres de neutralisation de
l'infection expérimentale de lignées cellulaires 293T/ACE 2 par les
pseudovirus (PsV) SARS-CoV-2 PsV et SARS CoV-1 PsV ; les
pseudovirus sont capables d'infecter les mêmes cellules que les
"vrais" virus, sans avoir leur dangerosité.
Les anticorps spécifiques dirigés contre la protéine de
surface Spike du SARS-CoV-2 étaient détectés par la méthode ELISA,
en utilisant les deux sous-unités S1 et S2 et RBD. Il en a été de
même pour les anticorps de SARS-CoV-1 (S1 et RDB).
Les cinq plasmas montraient des titres de neutralisation
"concentration-dépendante" de l'infection des cellules 293T/ACE par
SARS-CoV-2 PsV.
Les plasmas qui avaient des titres élevés d'anticorps
neutralisants avaient également les titres les plus élevés
d'anticorps spécifiques dirigés contre les protéines de surface
RBD, S1 et S2 du SARS-CoV-2.
De plus, ces plasmas montraient une réaction croisée avec les
protéines RBD et S1 du SARS-CoV-1, mais ils n'inhibaient pas
l'infection des cellules par le SARS-CoV-1 PsV.
Vingt-six échantillons de plasma de patients atteints de Covid-19
qui montraient des activités neutralisantes fortes vis à vis du
SARS-CoV-2 n’ont pu inhiber l'infection des cellules par le
SARS-CoV-1 PsV.
Production entre le 10e et le
15e jour de l’infection
Les patients atteints de Covid-19 produisent des anticorps
neutralisants et des anticorps dirigés contre la protéine de
surface Spike spécifiques du SARS-CoV-2, simultanément, entre le
10ème jour et le 15ème jour de
l'infection.
Environ 30 % des patients convalescents ont produit des taux
très faibles d'anticorps neutralisants spécifiques du
SARS-CoV-2.
Sur les 175 patients convalescents, 30 % avaient des taux très
faibles et 10 d'entre eux des taux pratiquement indétectables. Deux
semaines après la sortie des patients, l'analyse de suivi de 47
plasmas ne montrait pas de modifications significatives des taux
des anticorps neutralisants, comparés aux taux mesurés au moment de
la sortie. Les patients qui n'avaient pas produit des taux
d'anticorps élevés au moment de la sortie, alors qu'ils étaient
cliniquement guéris, n'en ont pas produit plus par la suite.
Des taux plus élevés chez les plus âgés
Dans cette cohorte de patients guéris du Covid-19, ce sont les
patients d'âge moyen (40 à 59 ans) et les plus âgés (60 à 85 ans)
qui ont développé les plus hauts taux d'anticorps neutralisants
spécifiques du SARS-CoV-2.
Ces mêmes patients avaient aussi des taux d'anticorps
spécifiques de Spike significativement plus élevés que les plus
jeunes.
La durée d'hospitalisation n'était pas corrélée à l'âge des
patients.
De hauts niveaux d'anticorps neutralisants seraient utiles à
la clairance du virus et aideraient la guérison des patients au fur
et à mesure qu'ils avancent en âge.
L'âge des patients guéris du Covid-19 et le titre des anticorps
neutralisants spécifiques du SARS-CoV-2 étaient corrélés
négativement au nombre des lymphocytes, et positivement au taux de
CRP lors de l'admission. Cela peut laisser penser que la réponse
immunitaire humorale pourrait jouer un rôle important quand
l'immunité cellulaire est déficiente ou altérée.
Action inhibitrice de la chloroquine sur l'immunité humorale
Le 04 mai 2020
La présence durable d'anticorps spécifiques neutralisants après une infection par Covid19 permet d'envisager l'hypothèse d'une protection durable contre un nouvel assaut de la maladie. Pour les patients traités par hydroxychloroquine, il serait important d'étudier la cinétique de ces anticorps pour savoir si elle est modifiée par la prise de ce médicament à doses curatives.
Dans un travail déjà ancien, randomisé (1987), mené en Afrique, nous avons pu mettre en évidence chez des enfants nigériens une inhibition partielle de leur réponse anticorps antirougeole, après vaccination antirougeoleuse et prise d'une dose unique de chloroquine (10 mg/kg) au moment de la vaccination. La chloroquine (et l'hydroxychloroquine) a une activité inhibitrice sur l'immunité humorale.
Pr Arnaud Cénac, Professeur émérite
Cénac A, et al. La chloroquine diminue la réponse anticorps à la vaccination antirougeoleuse. Etude contrôlée de 580 enfants nigériens vivant en région impaludée hyperendémique (département de Niamey, République du Niger). In “Troisième séminaire international sur les vaccinations en Afrique”, J. Drucker, P. Stoeckel, L. Valette. Collection Fondation Marcel Mérieux, éditions Arnette, Paris, 1987, pp 595-606.