Covid-19 : une course effrénée au traitement

Trouver un traitement contre l’infection par le SARS-CoV-2 est un véritable défi lancé à la recherche et a pris l’allure d’une course contre la montre. Dès les premières semaines suivant l’extension de la pandémie de Covid-19, de très nombreux essais thérapeutiques ont vu le jour. Plus de 300 études ont été entreprises, ciblant des traitements aussi variés que les anti-viraux et immuno-modulateurs ou la vitamine C. Il est permis de se demander si un tel nombre d’études est vraiment nécessaire.

Un éditorialiste du Lancet pose la question et analyse cette profusion de recherches cliniques. Sans doute, de bonnes raisons la justifient. Plus de 90 % des essais cliniques n’aboutissant pas à une autorisation de mise sur le marché, les investigateurs espèrent, en multipliant les essais, augmenter les chances de réussite. Chaque jour apporte son nouveau lot de connaissances sur le SARS-CoV-2, et il semble normal que toutes les pistes soient explorées sans perdre de temps.

Des chercheurs tiraillés entre le temps et la nécessité de coordonner les études

Mais en l’absence de mécanisme de coordination, des inquiétudes surgissent. Beaucoup de ces essais sont trop petits et, même si certains sont prometteurs, la littérature contient de nombreux exemples de molécules n’ayant pas confirmé sur des populations plus importantes une efficacité démontrée sur de petites cohortes. Les protocoles de ces essais sont souvent hétérogènes et il ne sera pas possible de pooler les données à grande échelle. De plus, force est de constater que certaines molécules concentrent une telle attention qu’elles risquent d’empêcher de détecter les signaux éventuels envoyés par d’autres molécules.

Reconnaissons que la communauté des chercheurs se trouve face à un dilemme difficile et, qui plus est, est pressée par le temps. Parsey M., médecin en chef chez Gilead, biotech américaine, l’exprime bien en reconnaissant qu’une coordination de tous ces essais est nécessaire, mais que le temps étant compté, personne ne veut en « perdre » à se coordonner.

Des exemples de coordination internationale

Une coordination semble toutefois se faire jour, avec l’initiative de l’OMS de l’essai « ombrelle » Solidarity, une étude menée sur les patients hospitalisés avec un Covid-19 confirmé. Quatre options thérapeutiques sont étudiées : le remdesivir, l’hydroxychloroquine et la chloroquine, le lopinavir et ritonavir et enfin le lopinavir et rintonavir en association avec l’interféron beta-1. Déjà 70 pays ont signalé vouloir y participer. Le protocole des essais a été simplifié, mais est précis et peut être adapté aux pays n’ayant pas des infrastructures de santé développées. Les premiers résultats pourraient parvenir dans 12 à 16 semaines.

Rappelons  aussi l’essai européen Discovery, très rapidement lancé, et RECOVERY au Royaume-Uni. Ces essais sont parmi les grands travaux très rapidement mis en place, en coordination entre plusieurs pays. D’autres seront nécessaires. Il semble en effet que les différentes classes thérapeutiques pourraient être plus utiles à un moment ou à un autre de l’évolution de la maladie, voire en prophylaxie. Il ne faut pas exclure les essais financés par l’industrie, qui, si elle favorise ses propres produits, offre aussi, selon Kieny M-P., un moyen d’éviter la « pensée unique ».

Tout cela sans compter que la recherche d’un traitement n’est qu’une étape dans la maîtrise mondiale du Covid-19. Resteront encore à résoudre les questions concernant la fabrication, les autorisations règlementaires, les décisions d’approvisionnement et d’accès, qui nécessiteront des décisions collectives. Sans oublier le développement d’un vaccin et de méthodes de diagnostic.

Rêvons que, dans « le monde d’après », la solidarité et la coordination deviennent des paramètres incontournables de la recherche…

Dr Roseline Péluchon

Référence
Mullard A : Flooded by the torrent: the COVID-19 drug pipeline. Lancet, 2020; 395(10232):1245-1246. doi: 10.1016/S0140-6736(20)30894-1.

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Vos réactions (3)

  • Traitement possible ?

    Le 23 avril 2020

    Parmi d'autres, c'est aussi l'oméprazole qui a présenté une action antivirale SARS-CoV-2 lors des tests cellulaires : https://doi.org/10.1101/2020.04.03.023846

    Dr J Hambura

  • But mercantile ?

    Le 25 avril 2020

    À lire tous ces articles, on commence à penser que certaines molécules ne seraient pas «  bien » expérimentées parce que leur utilisation ne rapporterait aucun bénéfice à l'exploitant (l'HCQ par exemple).

    Aussi il semble que certaines recherches se font dans un but qui peut nous sembler mercantile comme la recherche de la poule aux œufs d or pour le laboratoire qui trouverait le produit miracle avec un AMM adéquat...

    Dr P. Pizard

  • Études du Lancet...

    Le 25 août 2020

    Suite aux mensonges décriés récemment, le Lancet n’est plus crédible...

    Dr GG

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