Comment traiter les femmes enceintes infectées par le SARS-CoV-2 ?
En l'absence de traitement spécifique validé, la prise en charge
des femmes enceintes infectées par le SARS-CoV-2 est avant tout
symptomatique. Les femmes peu ou pas symptomatiques n'ont pas
besoin d'un traitement systématique ni d'une hospitalisation, mais
elles doivent être surveillées pendant au moins deux semaines pour
qu'on ne passe pas à côté d'une détérioration respiratoire.
Certaines publications ont rapporté que des femmes enceintes
infectées, présentant des symptômes respiratoires, avaient reçu un
traitement antiviral.
A la date où cet article est écrit, il n'y a pas de stratégie
thérapeutique qui ait fait preuve de son efficacité, bien que de
nombreuses équipes travaillent sans relâche à identifier un
traitement. Les études portent majoritairement sur 4 produits : le
remdesivir, l’(hydroxy) chloroquine, l'association
lopinavir/ritonavir et la ribavirine.
Les 4 principales stratégies explorées actuellement
Le remdésivir, antiviral, analogue nucléosidique de l'adénine, dont
l'efficacité a été démontrée contre d'autres coronavirus, et "in
vitro" contre le SARS-CoV-2, a fait l'objet de prescriptions
compassionnelles et est inclus dans trois études de phases 3 en
cours. Pour la femme enceinte, une seule étude randomisée (6 cas) a
rapporté son utilisation lors d’infections à virus Ebola, sans
signaler d'effets délétères.
L'hydroxychloroquine est connue de longue date pour son efficacité
thérapeutique contre le paludisme et les maladies auto-immunes. Des
études plus récentes ont montré ses propriétés antivirales et son
action "in vitro" contre le SARS-CoV-2. Elle a été prescrite
chez des patients infectés par le SARS-CoV-2 avec des résultats
très controversés, et des études de phases 3 sont en cours afin
d'étudier son intérêt en prévention et à différents stades du
Covid-19. L'ancienneté et la large diffusion de
l'(hydroxy)chloroquine contre le paludisme ou les maladies
auto-immunes rassurent en ce qui concerne son innocuité pendant la
grossesse.
L'association lopinavir/ritonavir, inhibitrice de protéase virale,
est utilisée dans le traitement du SIDA. Elle a déjà été
administrée à des patients infectés par le SARS-CoV-2, mais une
première étude randomisée contrôlée n'a pas établi qu'elle
apportait un bénéfice supplémentaire au traitement "standard" des
formes sévères. Cette association a été suspectée de favoriser les
accouchements prématurés.
La ribavirine, antiviral, analogue nucléosidique de la
guanosine, a été utilisée pendant des années dans le traitement de
l'hépatite C chronique. Elle aussi est active "in vitro", et
des études chinoises ont rapporté son utilisation chez des patients
infectés par SARS-CoV-2 sans que son efficacité n'ait été prouvée
de manière certaine. Des effets tératogènes dans toutes les espèces
animales testées contre-indiquent son utilisation chez les femmes
enceintes et leurs partenaires.
J'ajoute que de nombreuses autres molécules-candidates font la Une
des quotidiens.
Quelques spécificités obstétricales
Le traitement des femmes enceintes infectées par le SARS-CoV-2
doit suivre les mêmes indications qu'en population générale, mais
quelques spécificités obstétricales doivent être soulignées.
Le premier objectif est de ralentir, voire de stopper, la
progression clinique de l'infection et son évolution vers un
syndrome de détresse respiratoire. La survenue d'un tel syndrome
chez la femme enceinte conduit souvent à un accouchement en urgence
et à la naissance d'un enfant prématuré.
Le second objectif est de diminuer la charge virale et la
durée de contagiosité des femmes enceintes infectées. L'infection,
tout en perturbant la surveillance de la grossesse, expose les
professionnels de la grossesse et de la naissance.
Le troisième objectif est de mettre en place un traitement
préventif en cas de contact de la femme enceinte avec une personne
infectée.
Vous dites que le traitement HCQ+AZ chez les malades Covid 19 est très controversé... C'est se référer au et d'un petit groupe de chercheurs en France. C'est nier l'existence des derniers résultats de L'IHU de Marseille sur 1061 patients.
Par ailleurs, il existe une étude passèe sur la prescription bien tolérée chez la femme enceinte de cette association médicamenteuse pour une autre maladie.
Dr I. Lagny
Traitement des femmes enceintes covid+ par l'hydroxychloroquine
Le 29 avril 2020
Merci pour l'information de cette synthèse. Une précision concernant l'(hydroxy)chloroquine. Désormais, suite à la mise en évidence de sa génotoxicité rappelée par le CRAT, la chloroquine est contre-indiquée en France dans le traitement du paludisme d'importation chez la femme enceinte et allaitante. A contrario, en présence d'une maladie grave (lupus...), la balance bénéfice-risque de ce traitement peut être en faveur de sa poursuite lors de la survenue d'une grossesse. Mais dans le covid-19, l'ANSM a émis un avis négatif sur son utilisation hors protocole, en raison d'une balance bénéfice-risque défavorable. Au total, il faut sans doute ne pas en prescrire hors protocole chez la femme enceinte covid+.
Dr P. Imbert
Quelques références utiles
Le 06 mai 2020
Suite à la mise au point Comment traiter les femmes enceintes infectées par le SARS-CoV-2 ? et en complément de l’article de l’équipe de Necker (In press) que vous évoquez :
1/ Il peut être utile de rappeler les propositions faites par le Collège des gynéco-obstériciens* (Publié) & les quelques conseils US & Canadiens pour le traitement éventuel des rares enfants qui y sont candidats (In press) *
2/ Concernant l’hydroxy)chloroquine & les commentaires attenants : Merci au Dr P Imbert de référencer la génotoxicité évoquée : Elle n’apparait pas dans la fiche CRAT du 23/3/2020 ni dans sa mise à jour COVID19 (30/4)
Par contre, sa cardiotoxicité potentielle (seule ou à fortiori en association) vient d’être à nouveau bien analysée ET surlignée (In press Lyon – Boston)**
Au vu des commentaires faits, des postures caricaturales : il est inutile de demander au pape « si il croit dans le ptit Jésus ».
Il est peu didactique mais instructif de renvoyer les lecteurs vers des sources ou revues considérées jusqu’en 2020 comme (au mieux) confidentielles. Il devient stupide de renvoyer à des verdicts basés sur l’expérience quand celle-ci date tout au plus de 5 mois.Même pour le Pr Raoult.
Les analyses les plus factuelles sont extra-nationales, présentes dans des sources peu discutées jusque là & libre d’accés **
Vous nous avez rappelé récemment à très juste titre les dérives constatées, les limites des pré-views, les avantages du libre accès aux sources que nous considérions jusque la comme sures : Profitons en.
Dr JP Bonnet
Références : * Peyronnet V , Sibiude J , Deruelle P & Coll . Gynecol Obstet Fertil Senol. 2020 May;48(5):436-443. Infection par le SARS-CoV-2 chez les femmes enceintes. Etat des connaissances et proposition de prise en charge (CNGOF)
**Chiotos K , Hayes M , Kimberlin DW & Coll . J Pediatric Infect Dis Soc. 2020 Apr 22 . Multicenter Initial Guidance on Use of Antivirals for Children With Coronavirus Disease 2019/Severe Acute Respiratory Syndrome Coronavirus 2
*** Bessière F, Roccia H, Delinière A & Coll . JAMA Cardiol. 2020 May 1. Assessment of QT Intervals ina Case Series of Patients With Coronavirus Disease 2019 (COVID-19) Infection Treated With Hydroxychloroquine Alone or in Combination With Azithromycin in an Intensive Care Unit *** Mercuro NJ ,Yen CF, Shim DJ & Coll . JAMA Cardiol. 2020 May 1 . Risk of QT Interval Prolongation Associated With Use of Hydroxychloroquine With or Without Concomitant Azithromycin Among Hospitalized Patients Testing Positive for Coronavirus Disease 2019 (COVID-19)