
La pandémie actuelle de Covid-19 n’est pas sans rappeler ces précédents, même si le contexte diffère quelque peu. La santé mentale des populations dans cette situation est soumise à rude épreuve du fait de la peur de la maladie ainsi que de l’isolement et de la perte des contacts sociaux liés au confinement, lesquels peuvent provoquer ou aggraver des troubles psychiatriques tels que dépression, anxiété et syndrome de stress post-traumatique. La méfiance généralisée et la stigmatisation des malades et de leur famille accentuent les tendances paranoïdes. Enfin, à la crise sanitaire, s’ajoute une crise économique d’une ampleur et d’une brutalité majeures susceptibles d’ébranler encore plus les personnalités fragiles.
Besoin d’assistance numérique ou téléphonique
Devant cette situation propice à accroître le risque suicidaire, il importe de mettre en place des mesures de prévention sur une grande échelle. Des entretiens ou des interventions spécifiques en s’aidant des moyens numériques peuvent et doivent dès maintenant être proposés. Cette prise en charge à distance semble d’autant plus opportune que les patients hésitent à consulter directement, souvent par crainte de la contamination, au sein de structures d’accueil qu’ils pensent être surchargées.Par ailleurs, des applications en ligne devraient être développées et rapidement validées pour soutenir les personnes qui, en l’absence de tout trouble psychiatrique antérieur, n’en arrivent pas moins à envisager le suicide comme seule solution aux drames personnels qui les frappent de plein fouet : perte d’emploi ou de revenus, conflits familiaux ou conjugaux, maladie intercurrente etc.
Certes, les mesures gouvernementales adoptées par de nombreux pays permettent de pallier temporairement, pour certains, les pertes de revenu. Mais beaucoup de situations spécifiques restent sans solution.
Mobilisation générale et tous azimuts
Un risque variable d’un pays à l’autre
Le risque de suicide varie cependant avec les pays et donc avec certaines variables socioculturelles et démographiques. De plus disposer de voies de secours numériques et de mesures de soutien spécifiques est crucial mais cela n’est malheureusement pas possible partout et notamment dans les contrées ou la précarité économique croissante empêche une intervention ad’hoc des structures étatiques débordées par la crise sanitaire.C’est dans ces régions les plus défavorisées que le risque de suicide sera probablement le plus élevé, mais aucun pays n’est à l’abri du potentiel dévastateur de cette pandémie qui fait écho à celui de la grippe espagnole.
« Le suicide ! Mais c'est la force de ceux qui n'en ont plus, c'est l'espoir de ceux qui ne croient plus, c'est le sublime courage des vaincus » écrivait Guy de Maupassant. Il est temps que tous se mobilisent pour leur redonner et retrouver le courage de vivre.
Dr Philippe Tellier