Des écoles ferment leurs portes aux enfants de soignants : une discrimination indigne

Toulouse, le mardi 12 mai 2020 - Dans un courrier adressé au ministère de l’éducation nationale, le SNPHARe (Syndicat National des Praticiens Hospitaliers Anesthésistes Réanimateur Elargi) alerte : dans plusieurs régions de France, des enfants de soignants n'auraient pas été autorisés à retourner à l'école, la « proximité » de leurs parents avec le virus étant invoquée pour expliquer ce refus. L'organisation pointe, en particulier, les cas de Toulon et de Toulouse où des établissements auraient demandé à ces enfants de rester chez eux, sans quoi ils les priveraient de récréation pour des raisons sanitaires. A Toulouse, en effet, le rectorat a préconisé que « les enfants des personnels soignants » restent « sur les écoles spécifiquement dédiées à leur accueil afin de ne pas occasionner un brassage d’enfants qui ne serait pas en accord avec les conditions sanitaires requises ». Dans un courrier adressé aux familles, il a confirmé que « les enfants dont les parents ont une profession prioritaire ne pourront pas intégrer leur classe habituelle » et « ne pourront pas prendre leur récréation en commun ».

Des enfants éprouvés

Le SNPHARE évoque une « double peine » pour ces enfants de soignants, victimes d'une « discrimination insupportable », alors qu’ils ont déjà été souvent éprouvés par la crise. Cette indignation est partagée. Dans une tribune publiée dans Libération, le docteur Christian Lehmann déplore : « L’Etat nous a envoyés au front sans protection, et continue à nier les risques qu’il nous a fait prendre. Il se permet désormais de parquer nos enfants, de les soumettre à une double peine. C’est incohérent et ignoble ». La virulence du message est à l’aune de la colère, si bien qu’il oublie que dans un grand nombre de villes, une logique très différente a été appliquée, en choisissant de considérer les enfants de soignants comme prioritaires pour le retour à l’école (dès lors que les parents le souhaitent). Quelle que soit l’ampleur de l’application de ces mesures jugées discriminatoires, la stupéfaction domine et concerne notamment l’absence de prise en considération de la situation particulière des enfants de soignant. Ainsi, Lamia Kerdjana, anesthésiste réanimatrice et présidente de Jeunes Médecins Ile-de-France écrit sur le site du syndicat : « Les enfants de soignants ont aussi payé leur tribut. Accueillis dans des écoles-garderie pendant toute la durée du confinement, sans enseignement sur ce temps d’école, devant rattraper avec leurs parents souvent épuisés le programme que les autres élèves faisaient au fil de l’eau ; enfants inquiets pour la santé de leurs parents qui ont été en première ligne (…). Comment leur expliquer qu’ils ne peuvent pas revoir leur maîtresse et leurs camarades parce que papa et maman travaillent au service des autres ? Ces mesures discriminatoires portent atteinte à l’intégrité morale des enfants de soignants. A-t-on pensé à l’impact psychologique de telles mesures ? Est-on revenu au temps des léproseries alors même que ce sont des enfants sains ? » s’interroge-t-elle. On relèvera que des professeurs se sont également émus de ces discriminations et ont notamment regretté le faible nombre de volontaires pour accueillir les enfants de soignants pendant le confinement. En écho avec ces prises de position sans nuance, le SNPHAR-e réclame que ces enfants « soient réintégrés, comme tous les autres (…), dans leurs écoles respectives, pour leur bien-être éducatif et social, en appliquant toutes les mesures barrières adéquates, et aient un traitement semblable aux autres ».

Applaudis mais bannis

Plus globalement, le SNPHARE rappelle que ces spécificités locales concernant l’accueil en milieu scolaire font écho à une stigmatisation latente dont souffrent les personnels soignants depuis le début de la crise, marquée notamment par « des demandes de déménagements de professionnels par peur de contamination dans certaines copropriétés ».

Aux dernières nouvelles, le Ministère des Solidarités et de la Santé, contacté par RMC aurait évoqué une erreur d'interprétation…Le SNPHARE promet : « nous allons bien sûr nous assurer que c'est bien le cas ».

Gabriel Poteau

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Vos réactions (6)

  • Mon diagnostic ...

    Le 13 mai 2020

    A Toulouse la Covid 19 n'a peut être pas touché le rectorat mais la connerie si, ce diagnostic qui n'engage que moi, mais le pire c'est qu'il n'y a pas de vaccin en cours , j'espère que la contagion ne va pas se répandre partout ailleurs en France.

    Ph Delebecque, Vieil infirmier déconfiné

  • Stigmatisation des soignants

    Le 14 mai 2020

    Juifs, arabes, noirs, homosexuels, ... et maintenant enfants de soignants. L'histoire se répète, souvenons nous de la guerre d'Algérie quand on a parqué des combattants pour la France dans des camps car politiquement gênants (harkis). A quand des camps de confinement pour les soignants ?

    Dr Claude Lebrault

  • Droit de retrait pour tous

    Le 15 mai 2020

    Les spécialistes du droit de retrait et du principe de précaution voient bien qu'en face de l'image des soignants applaudis tous les soirs, il y a... eux...et que la comparaison ne les flatte pas. Mais heureusement, quand les soignants verront arriver un prof positif COVID venant d'une de ces écoles à grands principes….de précaution, cela "ouvre droit à", de leur part, à la même précaution :"désolé monsieur, vous avez le Corona, je fais jouer mon principe de précaution pour mon équipe qui ne sera pas de la chair à canon pour vous servir, et je sais que vous comprenez, n'est ce pas :o).

    Maignan, Pharmacien distributeur de masques

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