Covid-19 : colchicine ou hydrochloroquine peuvent-ils avoir un effet préventif ?

Le Covid-19 est une maladie habituellement bénigne mais elle n’en conduit pas moins 5 % environ des patients en unité de soins intensifs avec le pronostic et les complications que l’on sait. Aucun médicament innovant n’a fait réellement la preuve de son efficacité dans cette maladie, en dépit de la multitude d’essais thérapeutiques. La recherche de nouvelles approches actives contre le SARS-CoV-2 est à la fois difficile et aléatoire, peu adaptée à une situation d’urgence sanitaire mondiale. Il est donc compréhensible que l’on se soit penché sur l’intérêt possible de médicaments anciens

Une efficacité théorique

L’hydroxychloroquine (HCQ) fait partie de ceux-ci, au même titre que la colchicine : ces deux médicaments sont couramment utilisés dans des indications précises notamment en rhumatologie.

Les vertus immunomodulatrices ou anti-inflammatoires de l’un ou de l’autre ne prêtent guère à discussion à la lueur d’une très longue expérience et, dans le cas de l’HCQ, nul ne saurait contester aussi son rôle de premier plan dans le traitement préventif et curatif du paludisme. Par ailleurs l’HCQ fait preuve d’une activité virale in vitro dont la traduction in vivo dans le cadre de la maladie Covid-19 a été à l’origine d’âpres débats. La colchicine, pour sa part, en tant qu’anti-inflammatoire puissant est susceptible de moduler l’inflammation sévère et potentiellement létale qui peut compliquer l’infection. Ces deux médicaments peuvent donc en théorie avoir un impact sur l’évolution de la maladie, en fonction du stade auquel ils sont prescrits.

Soit, mais quel est l’effet d’une exposition continue à l’un ou à l’autre, préalable à l’arrivée de l’épidémie de Covid-19 ? Le recours à une base de données est susceptible de répondre à cette question et d’apporter un éclairage sur l’efficacité sinon curative du moins préventive des deux molécules.  

Parmi des patients testés pour une infection à SARS-CoV-2 entre le 23 février et le 31 mars 2020 ont ainsi été recherchés ceux qui avaient été exposés de manière continue à l’HCQ ou à la colchicine en raison d’une maladie rhumatismale chronique.

Pas plus de PCR négatives en cas d’exposition préalable à l’HCQ ou à la colchicine

Sur les 14 520 sujets testés, la RT-PCR des prélèvements nasopharyngés s’est avérée positive dans 1 317 cas. Les deux groupes, négatifs et positifs ont été comparés eu égard à l’exposition préalable à l’HCQ ou à la colchicine. Il apparaît que cette dernière n’a pas influé sur le taux de positivité ou de négativité de la PCR : sous HCQ, il y a eu 0,23 % de PCR+ et 0,25 % de PCR- (NS) ; sous colchicine, on note 0,53 % de PCR+ et 0,48 % de PCR- (NS). En d’autres termes, l’exposition continue à l’HCQ ou à la colchicine n’a pas réduit la fréquence des RT-PCR positives chez les patients soupçonnés d’avoir contracté un(e) Covid-19 : une étude qui peut semer le doute quant à l’utilisation préventive de ces médicaments sans pour autant clore le débat, puisqu’elle est rétrospective.

De surcroît, les doses utilisées tout comme l’HCQ en monothérapie ne respectent pas les termes de certains protocoles : une pièce à verser à un épais dossier… surtout pour illustrer l’apport potentiel des bases de données nationales dans l’étude de situations épidémiologiques complexes.

Dr Philippe Tellier

Référence
Gendelman O et coll. : Continuous hydroxychloroquine or colchicine therapy does not prevent infection with SARS-CoV-2: Insights from a large healthcare database analysis. Autoimmun Rev. 2020 (4 mai) : publication avancée en ligne. doi: 10.1016/j.autrev.2020.102566.

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Vos réactions (5)

  • Ou nicotine...

    Le 14 mai 2020

    ...et peut être d'autres composants du tabac inhalé ?
    Avac de l'imagination, on peut postuler bien des choses. J'ai pour ma part observé un sujet ayant fait un covid severe ; 6 semaines après les premiers symtômes, son épouse, qui ne l'a pas quitté d'un pouce (y compris au lit), n'a pas été contaminée (du moins sa serologie est négative). Elle prend du Keytruda (activateur des lymphocytes cytotoxiques)...

    Dr Pierre Rimbaud

  • A propos d'un cas....

    Le 15 mai 2020

    Même constatation chez un couple de la quarantaine : femme contaminée, malade pendant cinq semaines, son époux indemne, ne prend aucun traitement, ne fume pas.

    Dr Claire Cheynel

  • Exemple de l'Afrique

    Le 15 mai 2020

    Un "test" pragmatique de plus sur l'efficacité de L'HCQ : très peu d'infections en Afrique, là où on s'attendait à une explosion. Si l'explosion épidémique avait eu lieu, on eût argué sans tarder que l'HCQ largement consommée là-bas ne sert à rien contre le Covid19 sinon elle eût empêché l'épidémie. Bref ces "débats" sur l'HCQ deviennent tellement biaisés qu'on se demande si on ne confond pas médecine et intérêt des laboratoires pharmaceutiques ?! Jusque quand la grimace (qui suscite l'hostilité contre les médecins pris pour des vendus à la finance) ?

    Dr Jean Sarfati

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