Sanction des refus de soins : la loi Bachelot bientôt appliquée… avec 10 ans de retard ?
Paris, le jeudi 18 juin 2020 - La loi du 21 juillet 2009, dite
« loi Bachelot », prévoyait la mise en place d’une procédure
de plainte spécifique auprès d’une commission de conciliation
départementale afin de dénoncer les refus de soins manifeste liés à
l’origine sociale ou ethnique du patient. Cependant, cette
disposition, faute de décret d’application n’a jamais été
appliquée. La complexité et la sensibilité du sujet expliquent les
multiples atermoiements. Les discussions ont en effet régulièrement
achoppé autour de la difficulté de caractériser précisément un
refus de soins, afin d’éviter les signalements abusifs.
Cependant, la loi de santé de 2016 (initiée par Marisol
Touraine) a une nouvelle fois relancé la réflexion sur le sujet,
alors que plusieurs enquêtes ont confirmé l’existence et la
persistance de réelles discriminations. Elle a ainsi confié à
l’Ordre des médecins la mission d’évaluer « en lien avec des
associations de patients agréés le respect du principe de
non-discrimination dans l’accès à la prévention ou aux soins ».
Une commission a donc été mise en place fin 2018. Tout en
soulignant le besoin de données plus précises sur l’ampleur des
refus de soins et la nécessité d’alléger les contraintes
administratives liées à la prise en charge des plus précaires,
l’Ordre avait également reconnu la nécessité de faciliter le
signalement des situations abusives par les patients
concernés.
Une définition précise
Fruit de cette réflexion et en accord avec le libellé de la
loi de juillet 2009, un décret a été préparé et vient d’être
transmis à l’Union nationale des professions libérales. Ce texte a
pour premier mérite de proposer une définition précise du refus de
soins. Des raisons manifestement discriminantes peuvent être
suspectées en cas « d’orientation répétée et abusive, sans
justification médicale, vers un autre professionnel ou
établissement de santé » de « fixation d’un délai de
rendez-vous manifestement excessif au regard des délais
habituellement pratiqués par le professionnel » et de «
pratiques engendrant des difficultés financières d’accès aux
soins, c’est-à-dire ne pas respecter les tarifs opposables, les
limitations d’honoraires ou les plafonds tarifaires, ou encore le
refus d’appliquer le tiers payant ou d’élaborer un devis ».
L’énumération de ces cas précis devrait permettre d’éviter les
interprétations sujettes à discussion.
Sanctions financières
Alors que la possible saisie des chambres disciplinaires demeure
une procédure souvent méconnue et redoutée par les malades, le
décret prévoit la création de commissions départementales de
conciliation qui seront composées de représentants de la caisse
locale d’assurance maladie et de l’Ordre départemental. Ces
structures recevront les plaintes et organiseront les
conciliations. Si cette procédure à l’amiable n’aboutissait pas, un
avis sera transmis à la chambre disciplinaire de première instance.
Le texte prévoit également différentes sanctions : un refus de
soins avéré pourra engendrer une pénalité financière équivalant à «
deux fois le plafond de la Sécurité sociale ». Les
dépassements manifestement abusifs, refusant de tenir compte de la
« situation financière du patient » pourraient engendrer une
pénalité financière atteignant 200 % du montant des dépassements
facturés. Enfin, une situation de récidive dans un délai de six ans
pourrait conduire à un retrait temporaire du droit à dépassement.
Il est par ailleurs prévu que le directeur de la caisse puisse
imposer « l’affichage de la sanction en zone d’accueil du public
de l’organisme local pour une durée comprise entre un et trois
mois ».
Plusieurs syndicats ont affiché une certaine circonspection
vis-à-vis de cette publication prochaine. Si MG France affirme ne
pas être défavorable à une sanction du refus de soins,
l’organisation rappelle cependant que doivent être garantis les
droits de la défense des professionnels. Or, l’absence de
participation à la commission de médecins représentant « la vie
conventionnelle », malgré la demande des syndicats, préoccupe,
notamment la Confédération des syndicats médicaux de France
(CSMF).
D’autres se montrent plus réticents encore, tel le Syndicat
des médecins libéraux (SML) affirmant que le travail des chambres
disciplinaires est suffisant.
Il n’est cependant pas impossible que cette colère s’appuie
sur une minimisation du phénomène. Or, les enquêtes successives de
l’Assurance maladie et du Défenseur des droits ont confirmé que les
refus de soins ne sont pas des situations totalement
exceptionnelles. Ainsi, la dernière étude du Défenseur des droits
en octobre 2019 réalisée auprès de 1 500 cabinets médicaux avait
révélé que comparativement aux patients se présentant comme
relevant du régime classique de la Sécurité sociale, ceux annonçant
relever de la CMU-C et de l’Aide médicale d’État ne parvenaient pas
à obtenir de rendez-vous auprès de 9 % des chirurgiens-dentistes,
11 % des gynécologues et 15 % des psychiatres libéraux. Ces taux
étaient en outre largement plus élevés à Paris et auprès des
médecins de secteur 2.
Du côté des associations de patients, si on se félicite de la
publication à venir du décret, on regrette cependant que ne soit
pas prévue une information du grand public concernant l’existence
de cette nouvelle modalité de plainte.
Je croyais naïvement que le refus de soins concernait les malades atteints d'une affection très contagieuse et qui refusaient de se soigner, comme ceux qui répandent la tuberculose en toute impunité, et que rien ni personne ne peut empêcher d'infecter ceux qui sont autour d'eux...que nenni, c'est une fois de plus aux médecins qu'on s'attaque, oubliant juste de dire qu'ils ne sont pas tous aussi coupables qu'on veut le dire : RDV non honorés sans information, retards, tout leur est permis, pour les médecins aucun recours : ils subissent...comme tant de choses! En cette période troublée où tout se passe sur RDV, c'est bien le moment de jeter de l'huile sur le feu!
Que les patients CMU s'adressent aux innombrables associations, et que celles-là se portent garantes d'une rémunération de l'acte prévu, et plus personne ne refusera les CMU!
Dr Astrid Wilk
Analyse des raisons ?
Le 22 juin 2020
C'est vraiment curieux qu'on ne se soit pas penché sur les raisons profondes des refus de soins. Par exemple, adjoindre le terme "ethnique" aux refus de soins est très porteur sur le plan médiatique, mais ne rejoins absolument pas la réalité.
L'immense majorité des refus de soins sont liés à des patients qui annulent sans explications, multiplient à outrance des soins inutiles (et payés 3 francs 6 sous au professionnel), réglés au médecin au bon vouloir de la sécu, toujours en tous cas avec beaucoup de retard.
C'est toujours très facile de "faire de la gratuité" quand c'est les autres qui l'assument... Meme dans le secteur public on constate souvent que les bénéficiaires de CMU sont des patients particulièrement exigeants, pour lesquels, souvent, tout est dû sans discussion.