
Incompétence et arrogance
Fervent défenseur du traitement préconisé par le professeur Raoult contre l’infection à SARS-CoV-2, associant hydroxychloroquine et azithromycine, le professeur Christian Perronne signe un livre au ton accusatoire décryptant la gestion de la crise par les pouvoirs publics, intitulé sans nuance : « Y a-t-il une erreur qu’ils n’ont pas commise? Covid-19: l'union sacrée de l'incompétence et de l’arrogance ». A l’occasion de la publication de cet ouvrage, le professeur Perronne a été interviewé par plusieurs chaînes de radio et de télévision, ce qui l’a conduit à émettre quelques informations qui ont stupéfait une partie de la communauté médicale.Le traitement miracle volontairement écarté en raison de la corruption ?
Ainsi, le professeur Perronne a-t-il assuré que la mise en œuvre systématique du traitement prôné par Didier Raoult aurait permis de sauver 25 000 personnes en France, soit pratiquement l’ensemble des victimes de Covid-19. Dans son livre, il n’hésite pas même à assurer que selon l’Institut hospitalo-universitaire (IHU) de Marseille l’association hydroxychloroquine/azithromycine permettrait 100 % de guérison. Pour expliquer l’absence de mise en œuvre du traitement, le spécialiste de Garches met en cause la corruption de ses confrères. « C’est de la véritable corruption qui a plongé des dizaines de milliers de Français dans la mort, faut pas avoir peur des mots » a-t-il ainsi assuré, jugeant notamment que c’est ce mécanisme qui a conduit à la publication d’études négatives sur le médicament, qu’il qualifie de « bidons ». Le professeur Perronne a en outre voulu donner un exemple personnel de ce qu’il dénonce. « J’ai perdu mon beau-frère parce qu’il était hospitalisé à Nantes (…) Il aurait pu être sauvé par le traitement (…) ils ont laissé crever mon beau-frère » a-t-il ainsi décrit au micro de Jean-Luc Morandini, renchérissant encore après les questions de l’animateur : « Les médecins de l’hôpital, ils l’ont pas soigné ».Applaudimètre
Ces propos qui suggèrent très directement un comportement volontairement nuisible de médecins suscitent l’indignation de beaucoup de praticiens. Ainsi, le Dr Nathan Peiffer-Smadja (service de médecine interne et de médecine infectieuse de l’hôpital Bichat) a-t-il lancé une pétition afin que le Conseil de l’Ordre se saisisse de l’affaire. Il considère en effet que le professeur Perronne aurait violé trois articles du code de déontologie par ses différents propos, dans la presse ainsi que dans son livre. Outre le défaut de confraternité et la promotion de traitements non éprouvés, le docteur Peiffer-Smadja estime que les déclarations du professeur Perronne concernant l’absence de traitement à des patients atteints de Covid-19 peuvent être considérées comme une atteinte à la dignité des personnes décédées. Or il rappelle que l’article 2 du code de déontologie impose : « Le médecin, au service de l'individu et de la santé publique, exerce sa mission dans le respect de la vie humaine, de la personne et de sa dignité. Le respect dû à la personne ne cesse pas de s'imposer après la mort. »Alors que cette pétition a récolté 2 034 signatures à l’heure où nous écrivons ces lignes (mardi 23 juin à 12h30), une pétition de soutien au Professeur Perronne initiée notamment par l’Association Vaincre Lyme (le praticien est en effet un fervent partisan de la reconnaissance de formes chroniques de la maladie de Lyme qui ne répondent pas aux descriptions qui font consensus) a récolté pour sa part 59 286 signatures. Heureusement, la vérité scientifique ne se décrète pas plus grâce aux sondages qu’au nombre de signataires de pétition.
Aurélie Haroche