Don du sang : la suppression de la période d’abstinence pour les homosexuels inquiète Aides

Paris, le lundi 6 juillet 2020 - Nous l’avons déjà évoqué dans ces colonnes, un amendement modifiant les modalités du don du sang pour les homosexuels masculins a été adoptée la semaine dernière en commission spéciale examinant le projet de révision des lois de bioéthique.

Comme face aux évolutions successives ayant conduit ces dernières années à progressivement lever les interdictions empêchant l’accès des homosexuels au don du sang, qui avaient été décidées en 1983 face à l’épidémie de VIH, certaines associations militantes se montrent préoccupées.

Ainsi pour le patron d’AIDES, ne voir dans la période d’abstinence de quatre mois, qui semblait faire consensus et permettre à la fois d’assurer la sécurité des produits sanguins et de mettre fin à des pratiques qui avaient parfois pu faire de l’orientation sexuelle seule un motif d’exclusion, qu’une discrimination est une « négation de la prévalence du VIH chez les gays, prouvée dans toutes les données de veille sanitaire. Bien sûr, au niveau individuel, entre un hétérosexuel multipartenaires et un homosexuel qui a peu ou jamais de relations sexuelles, il y a une différence : mais pour la dynamique d'une épidémie, on ne raisonne pas au niveau individuel » explique Marc Dixneuf, patron d’AIDES. Il ajoute encore : « Le don du sang n'est pas un droit mais l'expression de la volonté du donneur. Au contraire, c'est le droit du receveur d'avoir un don absolument sûr ». Ses prédécesseurs s’étaient exprimés quasiment dans les mêmes termes sur le même sujet. Ainsi, en 2015, Aurélien Beaucamp avait rappelé : « Le don du sang n’est pas un droit, c’est un geste de solidarité qui doit d’abord assurer la sécurité des receveurs. Or, cette avancée par étapes s’explique. Déjà par la prévalence du sida chez les homosexuels qui représentent encore 40 % des nouvelles contaminations chaque année. En outre, on ne dispose pas de données scientifiques suffisantes concernant le don du sang dans cette population ». Trois ans encore auparavant, Christian Saout insistait pour sa part : « Vous verriez l’effet dévastateur si quelqu’un se révélait contaminé après un don du sang positif donné par un gay ». Estimant impossible qu’AIDES qui a depuis toujours milité pour les droits des homosexuels puisse être taxée d’homophobie, l’association continue donc à défendre cette position fondée sur les faits scientifiques. Elle est soutenue par l’Association française des hémophiles, dont le président Nicolas Giraud rappelle que d’autres situations empêchent de donner son sang, comme le fait d’avoir séjourné en Angleterre, le fait d’avoir reçu une transfusion sanguine, de prendre certains médicaments… ou encore d’avoir des rapports hétérosexuels à risque (rapports non protégés avec des multipartenaires notamment). Les deux organisations admettent cependant nécessaire de poursuivre les efforts pour que les questionnaires évitent toute référence discriminante à l’orientation sexuelle.

La voie réglementaire doit être privilégiée

En tout état de cause, ces associations considèrent cette initiative parlementaire prématurée alors que devaient être attendus les nouveaux résultats de l’étude Complidom destinée à évaluer la sécurité des produits sanguins et qui dans son premier volet avait confirmé que les nouvelles conditions (ouverture aux homosexuels, mais avec abstinence de quatre mois) n’avaient pas modifié le niveau de sécurité. Par ailleurs, Aides et l’AFH s’inquiètent que l’évolution des critères soit inscrite dans la loi, ce qui rendrait leur modification plus complexe que par voie réglementaire, quand on le sait, les évolutions épidémiologiques imposent de pouvoir agir dans l’urgence.

Aurélie Haroche

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