Recommandations nutritionnelles, la planète n’est pas dans son assiette !

L’alimentation de chacun a un impact sur sa propre santé et sur la santé publique. Une alimentation pauvre en fruits et légumes, riche en viande rouge et transformée et d’un apport énergétique excessif, favorise les maladies cardiovasculaires, le diabète ou le cancer qui représentent une part importante des dépenses de santé. Les conséquences des modes d’alimentation sur l’environnement sont elles aussi considérables : participation au changement climatique, exploitation des terres, usage des engrais chimiques, etc.

Selon de nombreux travaux, un changement des modes d’alimentation serait, non seulement bénéfique à l’environnement, mais infléchirait aussi les taux de mortalité et les dépenses de santé. Pour cela, de nombreux pays ont édité des recommandations alimentaires à l’échelle nationale.

Des recommandations nutritionnelles nationales peu suivies

Une étude par modélisation a été menée récemment pour analyser les effets de ces recommandations diététiques, dans 85 pays, au niveau national et au niveau mondial, et leur impact sur l’environnement. Une première analyse montre qu’aucun des pays concernés n’applique toutes les recommandations nutritionnelles éditées, 1 sur 4 n’en applique aucune et 88 % ne va pas au delà de 2 recommandations. L’étude montre pourtant que l’application des recommandations nationales serait associée à des réductions de la mortalité prématurée, en particulier de la mortalité associée aux maladies non transmissibles, pour les 85 pays concernés. Cette réduction est de 15 % en moyenne.

L’impact environnemental de ces changements est toutefois mitigé. Si l’on peut s’attendre à une réduction des gaz à effet de serre de 13 % en moyenne, l’adoption de la majorité de ces recommandations ne serait pas compatible avec les objectifs environnementaux ou de santé mondiaux tels qu’ils figurent dans les Accords de Paris, dans les accords d’Aichi pour la biodiversité ou encore pour les objectifs de développement soutenable en rapport avec l’utilisation de l’eau.

Les recommandations EAT-Lancet protègent la santé et la planète

Les auteurs ont comparé l’impact de ces recommandations nationales et celles de l’OMS, qui est sensiblement le même, sur la santé et l’environnement. En revanche, les recommandations émises par le rapport EAT-Lancet entraineraient une réduction de 34 % de la mortalité prématurée, une réduction 3 fois supérieure des émissions de gaz à effet de serre et permettrait d’atteindre les objectifs de santé globale et d’environnement*.

D’un point de vue environnemental, les différences entre les différentes recommandations portent sur les quantités d’aliments d’origine animale, en particulier la viande rouge et les produits laitiers. La majorité des recommandations nationales comportent une réduction de la consommation de viande rouge, mais elles sont moins ambitieuses que les recommandations EAT-Lancet, qui préconisent de limiter la consommation de viande rouge à un repas par semaine. Cet objectif tend à réduire le risque de mortalité et, associé à une forte réduction des émissions de gaz à effet de serre, serait compatible avec un réchauffement planétaire inférieur à 2°, sans compter la réduction de plus de 10 % de la demande d’eau ou celle de l’application de nitrates et phosphates sur les terres. Pour les produits laitiers, alors que les recommandations nationales préconisent d’en augmenter la consommation, celles du EAT-Lancet suggèrent de les limiter.

L’on peut toutefois craindre que, puisque les recommandations nationales sont peu suivies, les préconisations de changement plus radicales du EAT-Lancet aient encore plus de difficultés à trouver leur audience. Les auteurs préconisent d’améliorer les guidelines nationaux en les rendant plus précis. Ils souhaitent aussi une réelle volonté politique se manifeste pour les mettre en œuvre, avec un arrêt des injonctions contradictoires des différents secteurs concernés (politiques agricoles, partenariats public-privé ou encore régulation du secteur alimentaire).


Dr Roseline Péluchon

Références
Springmann M et coll. : The healthiness and sustainability of national and global food based dietary guidelines: modelling study.
BMJ2020;370:m2322. doi.org/10.1136 bmj.m2322

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