Le Conseil scientifique presse le gouvernement de prendre des mesures déterminantes
Paris, le jeudi 10 septembre 2020 – Son président, le
professeur Jean-François Delfraissy l’avait observé lui-même : une
instance telle que le Conseil scientifique COVID-19 mis en place
par le gouvernement aux premières heures de l’épidémie européenne
n’a pas vocation à être pérenne et semblait devoir disparaître avec
la fin de l’état d’urgence sanitaire. Pourtant, alors que beaucoup
redoutent un nouvel impact majeur de l'épidémie sur l’offre de
soins et que les indicateurs actuels confirment que la circulation
du virus est de plus en plus active, le Conseil scientifique
continue à prodiguer recommandations et avis. Cette situation, en
décalage avec le fonctionnement habituel de nos institutions, n’est
pas sans susciter quelques crispations, d’autant plus lorsque
Jean-François Delfraissy exhorte comme hier l’exécutif à prendre «
un certain nombre de décisions difficiles ». Cette forme
injonctive a été critiquée d’autant plus que les pistes du
président du Conseil scientifique ne sont pas nécessairement
toujours parfaitement définies. Amendant son discours,
Jean-François Delfraissy insistait cependant ce matin sur RTL sur
l’importance d’adopter des mesures pour éviter le plus possible des
reconfinements locaux, alors que dans certains services de
réanimation des tensions commencent à être évoquées, notamment dans
les Bouches-du-Rhône.
L’isolement trop souvent relégué aux oubliettes
Ainsi, à travers son avis rendu public hier mais transmis dès le
début du mois aux autorités, le Conseil scientifique insiste pour
que l’un des piliers de la lutte contre l’épidémie, c'est-à-dire
l’isolement des malades et des cas suspects soit mieux respecté.
Aujourd’hui, le rôle et la nécessité de l’isolement semblent
insuffisamment connus des Français, bien plus largement
sensibilisés aux gestes d’hygiène et de distanciation et à
l’importance du dépistage. « Les recommandations en matière
d’isolement ont été peu relayées dans la communication grand public
qui s’est focalisée en priorité sur l’usage des masques et le
dépistage » constate avec justesse le Conseil scientifique. A
ce défaut de communication, s’est ajouté un manque de stratégie,
symbolisé par l’absence de « cahier des charges précis ni de
budgets dédiés à l’échelle nationale » remarque l’avis. Ainsi,
si les données statistiques précises font défaut, les observations
du terrain convergent vers la même constatation de mesures
d’isolement peu ou pas respectées. « Une enquête réalisée par la
Direction Générale de la Santé auprès du réseau des ARS constate
cependant une augmentation du refus de suivi sanitaire et du
non-respect des mesures d’isolement et de quatorzaine par les cas
et les personnes-contacts à risque. Parmi les raisons rapportées,
plus particulièrement pour les personnes contacts, on note : la
méconnaissance ou le refus du principe de l’isolement, en
particulier chez les patients asymptomatiques, des pressions liées
à l’emploi, le refus d’un dispositif contraignant, ou encore la
crainte d’une ingérence des services de l’État dans la vie
privée » indique le Conseil scientifique.
Se donner les moyens de convaincre que l’isolement est
un devoir
Dès lors, des actions déterminantes devraient être mises en
œuvre (toujours pour le Conseil) pour que l’isolement redevienne un
outil efficace. Il ne s’agit pas uniquement de raccourcir sa durée
(ce qui favorisera l’adhésion) en la limitant à 7 jours*, mais
également d’une part de redoubler d’efforts de communication et de
pédagogie afin de rappeler que l’isolement est un devoir et d’autre
part de mettre en place les dispositifs contribuant à son respect,
c'est-à-dire de garantir des « droits ». Le Conseil
scientifique énumère ainsi les mesures qui selon lui s’imposent :
prescriptions d’arrêts de travail permettant les procédures
réglementaires, annulation du délai de carence, prime de
compensation de pertes de revenus pour les professions
indépendantes, certificats médicaux permettant aux mineurs de
justifier leur absence de l’établissement scolaire (puisque
l’auto-isolement suppose l’isolement de tous les membres du foyer)
et des prescriptions permettant un service de prise en charge à
domicile (courses, assistances sociales…). Le Conseil scientifique
n’ignore pas l’effort important que représente pour l'état de
telles mesures, mais les considèrent essentielles pour garantir le
respect de l’auto-isolement. Il insiste par ailleurs sur la
nécessité de mettre en place un suivi rigoureux. Enfin, s’il écarte
l’idée de mesures contraignantes généralisées, Jean-François
Delfraissy note qu’elles pourraient être envisagées
localement.
Telles sont les mesures difficiles que le président du Conseil
attend très rapidement du gouvernement (notamment demain à l’issue
du Conseil de défense), afin de pouvoir éviter le recours aux
confinements locaux. «L’Italie va prendre le même type de
décision la semaine prochaine et l’Allemagne y réfléchit. Revoir la
stratégie d’isolement devient partout une nécessité » martèle
Jean-François Delfraissy.
Permettre aux parents de garder leur enfant en cas de
fermeture de classe
Déjà le gouvernement semble s’orienter sur la voie dessinée
par le président du Conseil scientifique. Ainsi, alors que le
nombre de classes qui a dû être fermées en raison de cas de
coronavirus a nettement augmenté en une semaine, dépassant les 500
(avec une trentaine d’établissements clos également), le
porte-parole du gouvernement Gabriel Attal a indiqué ce matin que «
les mesures d’indemnisation dérogatoires en vigueur avant l’été
seront donc réactivées pour que les parents concernés puissent
bénéficier d’un niveau de rémunération garanti ».
Vers des mesures plus strictes concernant les
rassemblements ?
Parallèlement au déploiement de dispositifs destinés à
favoriser l’isolement, quelles autres mesures pourraient être
adoptées par le gouvernement ? Les pistes du président du Conseil
scientifique sont sur ce point moins concrètes. Ce matin interviewé
sur RTL, il a noté que les plus de 60 ans demeuraient les premières
cibles de l’épidémie et a estimé qu’ils devraient « éviter
certains rassemblements ». Cependant, comment traduire une
telle préconisation de façon réglementaire, sans édicter des
mesures qui pourraient être jugées discriminantes ou trop
attentatoires aux libertés ? De la même manière, Jean-François
Delfraissy a regretté que les jeunes de 20 à 40 ans se montrent
trop laxistes en ce qui concerne les mesures de distanciation. «
Il y a probablement un certain nombre de message à passer »
a-t-il souligné. Là encore, comment le gouvernement pourrait tenir
compte de cette préconisation ? Il n’est pas impossible que des
décisions concernent les rassemblements soient prises, alors qu’il
a déjà été annoncé que le dispositif prévu par la loi du 9 juillet
permettant de limiter les rassemblements, les déplacements ou de
fermer des établissements, qui devait expirer le 30 octobre, sera
finalement prolongé jusqu’au 31 mars 2021.
Et la grippe ?
Enfin, l’attente du président du Conseil scientifique porte
sur la position du gouvernement concernant la vaccination contre la
grippe. Nous l’avons déjà évoqué, les voix se multiplient pour que
les recommandations soient cette année fortement renforcées, voire
même transformées en obligation pour les professionnels de santé.
La crise sanitaire conduira-t-elle à trancher en quelques jours ce
qui a été l’objet de controverses non résolues pendant de très
longues années ? Des réponses précises seront apportées demain.
Cependant, dès aujourd’hui en Corse, Emmanuel Macron a présenté la
philosophie du gouvernement : « Le Conseil scientifique est dans
son rôle: technique. Nous serons dans le nôtre, démocratique et
politique au sens plein du terme ». « Nous devons nous
adapter à l’évolution du virus, ralentir au maximum la circulation
de celui-ci. Mais nous devons le faire en permettant de continuer à
vivre: éduquer nos enfants, s’occuper des autres patients, traiter
les autres pathologies, avoir une vie économique et sociale »
a-t-il encore développé. Invitant à ne pas espérer ou redouter à
l’issue du Conseil de défense « le grand soir », il a enfin
signalé que les mesures pourraient être appliquées à l’échelon
territorial.
*7 jours après le début des symptômes pour les cas confirmés, sans
attendre les résultats du test, 7 jours après un prélèvement
positif pour les cas asymptomatiques, 7 jours après un contact avec
un cas confirmé pour les personne-contacts suivi d’un test
diagnostique réalisé au 7ème jour d’isolement, isolement qui sera
poursuivi si le résultat du test est positif.
J'ai 71 ans, je travaille au CHU. Au plus fort se épidémie on m'a sollicité en tant que réanimateur pour aider au samu. J'ai eu la covid. Et je continue d'exercer.
Alors j'en ai marre d'entendre des politiques qui ne sont plus médecins, des médecins "experts", toujours les mêmes, des epidemiologistes, des meta-analyseurs, des retraités de l'académie de médecine, des influenceurs du conseil scientifique...réduire la durée d'isolement (raisons?), et expliquer qu'il faut de la pédagogie, comme si les français n'avaient pas compris...qu'on ne peut plus les croire, ces badernes girouettes...
Dr A. Muller
Le conseil scientifique: plus de personnes à risque que de soignants !
Le 14 septembre 2020
Tout à fait d'accord avec Dr Muller. Loin du terrain, pérennisé par l'état, paradoxal puisque l'état lui même doit modérer les exigences de ce conseil scientifique composé, me semble t-il, de plus de personnes à risque que de soignants. J'ai 59 ans,IADE très active, sous spiruline pour renforcer mes défenses immunitaires comme le suggère le bon sens, régulatrice d'un bloc assez conséquent,et obligée en permanence de recadrer le discours de certains de mes collègues perturbés par les discours médiatiques et les chiffres non expliqués des statistiques. Parler de patients asymptomatiques, non, parler de porteurs asymptomatiques,oui,les mots ont toujours un double sens et c'est agaçant et mal intentionné de choisir le mauvais sens. Avant de vouloir isoler, pensez cher Conseil à ce que pourrait être votre propre isolement, ce début de glissement, ce désespoir, cette mise à l'index,ce parfait tremplin vers le renoncement et l'attente...
Dominique Boyé (IADE, la Réunion)
Un apprentissage à faire pour les français
Le 14 septembre 2020
Professionnels de santé ou pas, la notion de santé publique est une notion qui ne trouve résonance que dans l'esprit de trop peu de personnes en France. Du médecin qui ne fait pas de déclaration obligatoire, ignorant ou voulant ignorer que cette dernière permet de faire enquête pour proposer des dépistages et des soins aux personnes infectées, et va jusqu'à "oublier" ou sous-estimer l'isolement de la personne contagieuse ; à M. et Mme tout le monde pour qui la notion de santé se borne à ne pas être malade, la notion de santé publique et même celle de santé est à travailler.
Nous en sommes au point que ce terme "Santé" ne peut se séparer du terme "Bonne" pour dire que l'on se trouve en santé. Parce qu'il existe dans nos expression la "Mauvaise santé" bien sûr...
D'ailleurs, on a affaire au professionnel de santé de nos jours que lorsqu'on est malade. Le Check-up offert par la CPAM n'est même pas présent dans tous les départements. Plus de "Santé scolaire" Plus de "Santé au travail"... Tous les remparts de la prévention se délitent. On en a perdu le sens et les pratiques.
Normal, nous avons un ministère de la maladie, pardon, Santé, qui ne pense que maladie et pour qui le concept Santé n'est qu'un projet, pas une priorité sur laquelle investir sauf dans une loi ne donnant pas les moyens de se mettre en oeuvre, pas une ligne de mire sur laquelle il faut miser pour l'avenir du pays.
Alors pourquoi reprocher ensuite au peuple de ne pas savoir ce qu'est la Santé et encore moins la santé publique ? Pourquoi leur reprocher de ne pas savoir se protéger ? La faute à qui ? Pas au quidam pour sûr !