L’immunité protectrice contre les coronavirus saisonniers est de courte durée
Une question clé non résolue dans la pandémie actuelle de Covid-19
est celle de la durée de l'immunité acquise. À ce jour, les preuves
de réinfection par le CoV-2 du SRAS sont limitées. Une partie de la
réponse à la question pourrait venir des observations colligées
depuis des dizaines d’années sur les 4 coronavirus humains
saisonniers génétiquement et biologiquement dissemblables -
HCoV-NL63, HCoV-229E, HCoV-OC43 et HCoV-HKU1 - qui pourraient
révéler des caractéristiques communes applicables à tous les
coronavirus humains. Ces quatre-là appartiennent à deux genres
taxonomiques distincts et utilisent des molécules réceptrices
différentes avec un tropisme variable des cellules hôtes. Compte
tenu de cette grande variabilité, une équipe hollandaise a émis
l'hypothèse que les caractéristiques communes à ces 4 coronavirus
saisonniers, comme la durée de l'immunité protectrice, sont
représentatives de tous les coronavirus humains, y compris du
SARS-CoV-2.
35 ans de suivi sérologique
Le but de cette étude était d'étudier la durée de la protection
contre les réinfections saisonnières par les coronavirus, sur la
base des tests sérologiques, car les taux d'anticorps restent
élevés jusqu'à un an après l'infection. Ont donc été utilisés des
échantillons de sérum provenant de l'étude de cohorte d'Amsterdam
sur l'infection par le VIH-1 et le sida, qui suit les hommes
adultes à intervalles réguliers depuis les années 1980, pour
déterminer la fréquence des infections saisonnières par des
coronavirus.
Une toute petite cohorte
Dix adultes en bonne santé, sans pathologie grave susceptible
d’ influencer leur immunité, ont été sélectionnés. Hormis une
interruption du suivi entre 1997 et 2003, les prélèvements sanguins
ont eu lieu tous les 3 mois avant 1989 et tous les 6 mois ensuite.
Afin de détecter les réinfections, l'augmentation des taux
d’anticorps dirigés contre la région carboxyle (C) terminale de la
protéine de la nucléocapside (NCt) - une région immuno-dominante de
la protéine 4 structurelle de la capside du coronavirus - a été
mesurée pour chaque coronavirus saisonnier. Cent un événements,
allant de 3 à 17 par individu, ont été classés comme des infections
à coronavirus.
Le délai de réinfection n'a été calculé que lors d'un suivi
continu. La durée de ce délai se situait entre 6 et 105 mois. Il
n'y a pas eu de différence statistiquement significative entre les
durées des intervalles séparant les infections avec les différents
virus (test de Kruskal-Wallis, p = 0,256), même si le nombre
d'infections par le HCoV-HKU1 était faible et probablement
sous-estimé, probablement en raison de la faible sensibilité du
test ELISA HKU1-NCt-.
Une immunité protectrice de courte durée : 6 à 12
mois
Dans quelques cas, les réinfections sont survenues à 6 mois
(deux fois avec le HCoV-229E et une fois avec le HCoV-OC43) et à 9
mois (une fois avec le HCoV-NL63), mais la plupart des réinfections
ont souvent été observées après 12 mois. Pour les réinfections
survenant dès 6 mois, il n’a pas été observé de diminution
intermédiaire des taux d’anticorps entre les épisodes d’infections.
Par contre, lors des intervalles de réinfection de plus de 6 mois,
ont été objectivées des diminutions du taux des anticorps entre les
infections. Les auteurs ont également conclu que le délai le plus
court entre deux infections a été de 6 mois.
En théorie, les anticorps induits par les infections à coronavirus
pourraient posséder de larges capacités de reconnaissance des
coronavirus. Afin de le vérifier, un test ELISA supplémentaire a
été effectué en utilisant la protéine complète de la nucléocapside
(N) du SARS-CoV-2, y compris la région N-terminale, plus conservée
entre les espèces, pour permettre la détection d'anticorps à large
reconnaissance. Deux individus avaient des anticorps à large
reconnaissance et chez l’un d’eux, ces anticorps ont persisté au
cours des années suivantes mais sans assurer une large protection
contre les infections ultérieures par le HCoV-NL63, le HCoV-229E et
le HCoV-OC43.
Une étude sérologique unique à travers le temps…
… qui évite le biais d'échantillonnage des études épidémiologiques
précédentes basées sur des protocoles de tests selon les symptômes.
Les mois de juin, juillet, août et septembre montrent la plus
faible prévalence d'infections pour les 4 coronavirus saisonniers,
confirmant la prévalence plus élevée en hiver dans les pays
tempérés. Le SARS-CoV-2 pourrait partager cette caractéristique
dans la période post-pandémique.
Quid de l’immunité cellulaire ?
Il convient donc de faire preuve de prudence lorsqu'on s'appuie sur
des politiques de santé qui exigent une immunité à long terme,
conférée par la vaccination ou par une infection naturelle pour
atteindre l'immunité collective. D'autres études ont montré que les
niveaux d'anticorps neutralisants contre le SARS-CoV-2 diminuent au
cours des 2 premiers mois suivant l'infection, en particulier après
une légère infection. Allant dans le même sens, cette étude révèle
une diminution similaire des anticorps anti-nucléocapside des
coronavirus saisonniers. Cependant, les anticorps ne sont qu'un
marqueur de l'immunité, qui est probablement aussi influencée par
l'immunité à médiation cellulaire des lymphocytes B et T. Dans
cette étude, ont été surveillées les réinfections, qui ne peuvent
se produire que lorsque l'immunité protectrice (cellulaire et/ou
humorale) est insuffisante.
Mauvais augure
Les réinfections par infection naturelle se produisent pour les
quatre coronavirus saisonniers, ce qui suggère qu'il s'agit d'une
caractéristique commune à tous les coronavirus humains, y compris
le SARS-CoV-2. Les réinfections se produisent le plus souvent 12
mois après l'infection, ce qui indique que l'immunité protectrice
n'est que de courte durée.
Les quatre coronavirus causes de rhumes bénins ou de conjonctivites sévissant à l'approche de l'hiver ne sont pas comparables à leurs trois sucesseurs, SARS-CoV-1, MERS-CoV et SARS CoV-2. Ce n'est pas parce qu'ils procèdent de 2 manières différentes que l'on peut étendre leur caractéristique commune - celle de susciter des anticorps valables moins de 12 mois - à tous les coronavirus!
JP Moreau, Biologiste en retraite
Et la clinique ?
Le 08 octobre 2020
« Afin de détecter les réinfections, l'augmentation des taux d’anticorps (...) a été mesurée pour chaque coronavirus saisonnier ». Où est la clinique là-dedans ? Une remontée des anti-corps prouve-t-elle une réinfection ? Le contact avec le virus ne peut-il pas tout simplement servir de « Boost », rappel naturel, qui au contraire renforcerait l’immunité ?
Dr Blandine Courtot
Conclusions à nuancer
Le 09 octobre 2020
La possibilité de récurrence clinique saisonniaire des 4 coronarovirus saisonniers (NL63, HKU1, 229E, OC43) est notoire , notamment en pédiatrie où l'age n'influence pas leur prévalence contrairement à d'autres viroses respiratoires (VRS) Ils avaient déjà donnés lieu à de rares observations intellectuellement stimulante mais ...bien peu reproduites de « seconde vague post-infectieuses » cardiaque ou neurologiques*
L'absence d'immunité croisée , HUMORALE au moins , de ceux-ci avec SARS-CoV-2 a été suggérée sur la base de ce qui RESTE un pré-print analysé par le Jim ( 07/07/2020 : Covid 19 : l’immunité croisée remise en question ) : Sermet I, Temmam S, Huon C et coll . Prior infection by seasonal coronaviruses does NOT prevent SARS-CoV-2 infection and associated Multisystem Inflammatory Syndrome in children (preprint). Medrxiv, 30 juin 2020
Limites des tentatives d' analogies , à nouveau , qui permettent de laisser la porte ouverte à des perspectives plus rassurantes * : SARS-CoV-1 (2002) est éteint depuis 2004 MERS-CoV (2012) est trés très sporadique depuis 2013 , il semblait être le coronavirus humain ayant la plus longue persistance d'anticorps neutralisants : A mettre en miroir avec sa plus grande sévérité ?
Comme rappelé par le Dr B-A Gaüzère , tout travail s'appuyant sur les seules sérologies , leur cinétique , leur temporalité doit voir ses conclusions cliniques nuancées par l'impasse alors faite sur le versant immunité "cellulaire" bien plus difficile à explorer
* Zimmermann P, Curtis N. Coronavirus Infections in Children Including COVID-19 : An Overview of the Epidemiology, Clinical Features, Diagnosis, Treatment and Prevention Options in Children. Pediatr Infect Dis J. 2020 May;39(5):355‐368 doi:10.1097/INF.0000000000002660