Des antibiotiques pour l’appendicite, un intérêt à l’ère de la Covid-19…

Alors que les antibiotiques sont présentés depuis plusieurs dizaines d’années comme une alternative au traitement chirurgical de l’appendicite, l’appendicectomie en reste le traitement standard. De nombreux travaux ont été menés sur le thème de l’efficacité de l’antibiothérapie, mais excluaient le plus souvent d’importants sous-groupes de patients, dont ceux présentant une colique appendiculaire, à risque plus élevé de complications.

La pandémie de Covid-19 a entraîné une remise en cause de l’organisation des systèmes de soins. Il semble dès lors à nouveau opportun d’examiner l’intérêt d’une prise en charge médicale des appendicites, en se basant sur de nouveaux travaux. Or, le New England Journal of Medicine publie justement les résultats d’un essai randomisé de non infériorité comparant l’antibiothérapie et l’appendicectomie chez 1 552 adultes répartis en deux groupes dont ne sont pas exclus les patients avec colique appendiculaire ou des formes plus sévères d’appendicite. Le critère principal d’évaluation était l’état de santé à 30 jours, attesté par le questionnaire européen de qualité de vie EQ-5D, avec la marge de non-infériorité fixée à 0,05 points. Les critères secondaires étaient le nombre d’appendicectomies dans le groupe antibiothérapie et les complications à 90 jours.

Intervention finalement nécessaire dans près de 30 % des cas

Sur le critère principal d’évaluation, c’est-à-dire l’état de santé à 30 jours, l’antibiothérapie n’est pas inférieure au traitement chirurgical (différence moyenne de 0,01 point). Mais à 90 jours, une appendicectomie a été nécessaire chez 29 % des patients traités par antibiothérapie. Parmi eux, 41 % de ceux présentant une colique appendiculaire et 25 % de ceux n’ayant pas ce tableau clinique.  De plus, le taux de complications est deux fois plus élevé dans le groupe antibiothérapie et le nombre de passages aux urgences près de 3 fois plus élevé. Notons que le risque principal de complications repose sur la présence d’une colique appendiculaire. Enfin, le taux d’effets indésirables graves est supérieur dans le groupe antibiothérapie (4 pour 100 participants vs 3 pour 100 participants).

Ces résultats n’encouragent pas à promouvoir l’antibiothérapie pour la prise en charge d’une appendicite. Toutefois, pour les auteurs, ses avantages doivent être reconsidérés en cette période de Covid-19, où les ressources des hôpitaux peuvent à tout moment être contraintes par l’évolution de la pandémie. Ils estiment que les besoins, les préférences et les caractéristiques des patients doivent être pris en compte, à côté des risques que constituerait un délai dans la prise en charge chirurgicale, et des circonstances particulières qu’impose la pandémie.

Dr Roseline Péluchon

Référence
The CODA Collaborative : A Randomized Trial Comparing Antibiotics with Appendectomy for Appendicitis. New Engl J Med., 2020 ; publication avancée en ligne le 5 octobre. doi: 10.1056/NEJMoa2014320.

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Vos réactions (3)

  • Appendicite-COVID : une opportunité ?

    Le 10 octobre 2020

    Le sujet traité est un DEFI bibliographique, méthodologique, statistique, médical et maintenant possiblement LOGISTIQUE :

    50 ans après la discussion du traitement non opératoire des appendicites aigues SUPPOSEES non compliquées reste ouverte. L’actualité pandémique permettra peut être de tirer les choses au clair en France, par nécessité puis par conviction.

    50 ans après, le débat chez l’adulte puis l’enfant reste ouvert aux randomisations, études, essais, éditoriaux, tables rondes (Société Française de Pédiatrie 2020 à venir).

    Coldrey E. Five years of conservative treatment of acute appendicitis. J Int Coll Surg. 1959 ; 32 : 255 – 61
    L’auteur s’interrogeait déjà :
    « Looking into the future, one cannot help feeling that our successors will be more conservative in their outlook in this matter, and may look back on us as having been too " appendicectomy-minded." » Coldrey E. Treatment of Acute Appendicitis. Br Med J. 1956 ; 2(5007) :1458-1461

    La randomisation analysée porte sur l’ ADULTE :
    En FRANCE, très chirurgicale jusque là, et en contexte PANDEMIQUE : Une belle prise de position A CONSULTER, bien argumentée, pour le traitement NON opératoire chez l’adulte :

    Collard M et coll . Antibiotics alone as an alternative to appendectomy for UNcomplicated acute appendicitis in adults : Changes in treatment modalities related to the COVID-19 health crisis. Journal of Visceral Surgery 2020 Jun ;157 (3) , Supplement 1 : S33-S42 doi:10.1016/j.jviscsurg.2020.04.014

    Des conclusions identiques favorable au traitement non opératoire sont retenues , toujours chez l'adulte , en Angleterre :

    Javanmard-Emamghissi H et coll . The management of adult appendicitis during the COVID-19 pandemic: an interim analysis of a UK cohort study . Tech Coloproctol. 2020 Jul 15;1-11 doi:10.1007/s10151-020-02297-4

    Les données adultes et ENFANTS doivent rester distinctes.
    Chez l’enfant : Je renvois à l’analyse du Jim (22/08/2020) : « Antibiothérapie pour appendicite chez l’enfant : succès dans les deux tiers des cas »
    Minneci PC et coll . Association of Nonoperative Management Using Antibiotic Therapy vs Laparoscopic Appendectomy With Treatment Success and Disability Days in Children With Uncomplicated Appendicitis . JAMA. 2020 July 27;324(6):581-593 doi:10.1001/jama.2020.10888
    Je m’étais permis de la commenter (26/8).

    Chez l’adulte comme chez l’enfant la présence d’un STERCOLITHE a conduit à des conclusions péjoratives ou neutres au point que ce paramètre est exclu ou non mentionné de certains essais comme de ceux où l’imagerie est facultative.

    Les deux randomisations en cours sont réputées "pragmatiques" : modalités d’inclusion avec ou sans imagerie, choix de l’ATB laissé au praticien:

    • APPY trial (International) > 5ans : «Dg clinique et/ou radiologique (Echo et/ou TDM) d’appendicite aigue NON perforée»

    • CONTRACT trial (UK) > 4ans : «Dg clinique avec ou sans évaluation radiologique d’appendicite aigue»
    Restera à découvrir si le flou des inclusions influencera les conclusions

    Dr JP Bonnet

  • Oui peut être ?

    Le 11 octobre 2020

    Dans les services chirurgicaux débordés la tentation de traiter les appendicites par des AB est là.

    Pas pour moi !

    Par contre 9 fois sur 10 les "pendices" (sic) se voient en grand nombre (point de Mac Burney sans fièvre ni GB en hausse). Je suggère de les opérer et de vérifier si un parasite est en cause. Après quoi un traitement par vermifuges serait indiqué avec l'inconvénient de la récidive.

    Dr JD

  • L’appendicite aigue chez L’ ENFANT en CLIMAT COVID

    Le 11 octobre 2020

    L’appendicite aigue chez L’ ENFANT en CLIMAT COVID est :
    • UN DEFI LOGISTIQUE plus que MEDICAL ?
    • UNE OPPORTUNITE (Pérenne?) :
    Renouer avec la pédiatrie : « Kawa-Covid » potentiellement LETHAUX
    Renouer avec l’échographie
    Retrouver le traitement non opératoire : Par nécessité puis conviction ?

    L’expérience nationale reste en cours d’évaluation.

    Une expérience européenne (15-25/4/2020) très préliminaire est hétérogêne :

    Nasher O et coll . PEDIATRIC Surgery during the COVID-19 Pandemic : An International Survey of Current Practice . Eur J Pediatr Surg. 2020 Aug 26;10.1055/s-0040-1714714. doi:10.1055/s-0040-1714714
    • 10Pays 20centres (France : Robert Debré APHP – Rennes)
    • 65% des centres n’avaient pas opéré d’enfant COVID+ ....
    • Notions sur les aérosolisations encore incertaines à cette "époque"
    • Hétéroclite : Disparités des épidémiologies , des ressources , des pressions logistiques , des habitus antérieurs
    • Vis-à-vis d’une « Appendicite aigue supposée NON compliquée » :
    14centres / 20 : 70% : RESTENT CHIRURGICAUX
    4centres : 20% : Début d’expérience traitement non opératoire (TNO)
    2centres : 10% poursuivent leur expérience antérieure de TNO

    L’expérience lombarde est plus homogêne car monocentrique (Pavie) : Même esprit :

    Raffaele A et coll . Critical factors conditioning the management of appendicitis in children during COVID-19 Pandemic: experience from the outbreak area of Lombardy, Italy . Br J Surg. 2020 Aug 24 Oct ; 107(11) : e529–e530 doi:10.1002/bjs.12004
    • Petite série (n=14)
    • Habitus chirurgical AVANT & PENDANT
    • Pas plus d’appendicites que sur la même période 2019
    • Majoration des délais à la chirurgie : DOUBLE
    • Majoration des formes compliquées

    Les hypothêques sur l’AEROSOLISATION (coelioscopie , chirurgie ouverte) doivent être prises en compte : La PROTECTION des SOIGNANTS peut devenir, avec la pression logistique, un des arguments en faveur du TNO … ou l’est déjà :

    Barberis A et coll. SARS-Cov-2 in peritoneal fluid: an important finding in the Covid-19 pandemic . Br J Surg. 2020 Jul 20 Sept ;107(10) : e376-e376 doi:10.1002/bjs.11816

    Coccolini F et coll . SARS-CoV-2 Is Present in Peritoneal Fluid in COVID-19 Patients. Ann Surg. 2020 Sept ;272(3):e240-e242 doi:10.1097/SLA.0000000000004030

    Ce fut le cas à NYC (Monocentrique) : Kvasnovsky CL et coll . Limiting hospital resources for acute appendicitis in CHILDREN : Lessons learned from the U.S. epicenter of the COVID-19 pandemic . J Pediatr Surg. 2020 Jun 23;S0022-3468(20)30444-9 doi:10.1016/j.jpedsurg.2020.06.024
    • Habitus CHIRURGICAL AVANT
    • Pas plus d’appendicites : 55 durant le pic pandémique : 5semaines – 3PCR+ Asymptomatiques
    • Imagerie de principe puis antibiothérapie
    • TNO PENDANT le pic pandémique : 55 , stercolithes inclus
    • « Pas plus de formes compliquées »
    • 25 / 55 (45%) sortaient non opérés : Devenir ?
    • TNO restera t’il de mise APRES le pic pandémique ?

    L’expression DIGESTIVE mineure CHEZ L’ENFANT de SARS-CoV-2 devient MAJEURE
    dans les « KAWA-COVID » potentiellement LETHAUX : 8-10ANS peu ou pas respiratoires , très digestifs et surtout très « myocardiques »

    Ahmed M et coll . Multisystem inflammatory syndrome in children : A systematic review . EClinicalMedicine. 2020 Sep 4 ;100527 doi:10.1016/j.eclinm.2020.100527

    CLINIQUE , LYMPHOPENIE & IMAGERIE aide à reconnaitre ces présentations POST-INFECTIEUSES SOUVENT PCR NEGATIVES , d’EVITER la chirurgie inutile & l’AG attenante :

    Cabrero-Hernández M et coll . Severe SARS-CoV-2 Infection in Children With Suspected Acute Abdomen: A Case Series From a Tertiary Hospital in Spain. Pediatr Infect Dis J. 2020 May 10 , Aug ;39(8) : e195-e198 doi:10.1097/INF.0000000000002777
    • N=5 Madrid
    • PEAU 2/5 LYMPHOPENIE 5/5
    • AGGRAVATION HEMODYNAMIQUE RAPIDE : J0 : 5/5 REA
    • IMAGERIE permettant 0 CHIRURGIE 0 Décés

    Tullie L et coll . Gastrointestinal features in children with COVID-19 : an observation of varied presentation in eight children.The Lancet child and Adolescent Health 2020 May 19 Jul 1 ; 4(7) e19-e20. doi:10.1016/S2352-4642(20)30165-6
    • N= 8 Londres
    • AGGRAVATION HEMODYNAMIQUE RAPIDE : 4/8 REA 3/8 PCR-
    • IMAGERIE permettant 0 CHIRURGIE malgré 2 Appendicectomies « cliniquement » prévues 0 Décés

    Ces deux notions PRATIQUES de dégradation rapide & de risque d’appendicectomie inutile (2/35) avaient été soulignées très tôt par le travail franco-génévois :

    Belhadjer Z et coll . Acute heart failure in multisystem inflammatory syndrome in children (MIS-C) in the context of global SARS-CoV-2 pandemic . Circulation. 2020 May17 Aug4;142:429–436 doi.org/10.1161/CIRCULATIONAHA.120.048360

    Remarque pour le Dr JD : La principale complication de l'appendicectomie reste probablement l'appendicectomie histologiquement "
    blanche".

    Dr JP Bonnet

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